éditorial du n°1460
Comme chaque année à la même période, des sans-abri meurent de froid dans nos pays riches. En France, des millions de logements sont vides, réservés à la spéculation, pendant ce temps des milliers de sans-abri dorment où ils peuvent, y compris sur les bouches d'aération du métro d'où s'exhale la chaleur du réseau qui leur est interdit. La RATP a supprimé pratiquement tous les bancs des stations, pour les remplacer par des sièges inconfortables la garantissant contre un usage prolongé. Ses milices de gros bras patrouillent afin d'éradiquer les occupants indésirables (on préférerait qu'ils exterminent les rats et la vermine pullulant dans le réseau, mais qui, eux, ont le droit de passer l'hiver au chaud). Campagne présidentielle oblige, certains n'hésitent pas à embrigader les sans-abri pour peser sur les partis politiques. Le pouvoir en place, comme chaque année depuis 1954 , promulgue des lois qui ne seront jamais appliquées : les SDF ne votent pas. Mais les SDF qui sont morts de froid sous leurs tentes avaient au moins la satisfaction de leur utilité sociale ; n'ont-il pas épargné des millions d'euros de publicité au grand groupe d'articles de sport qui voit son nom décuplé sur les écrans de télé à chaque reportage sur le sujet ?
Pendant ce temps, le monde continue à tourner de travers. Les massacres du Darfour s'étendent aux régions limitrophes du Tchad. Et, si l'ONU se sent impuissante à éradiquer les exactions des milices soutenues par les pourritures qui sont à la chefferie de l'État soudanais, les fonctionnaires de cette organisation internationale violent en toute impunité les enfants rescapés des horreurs perpétrées en cette région. Car, si l'ONU se donne le droit unilatéral d'intervenir militairement dans n'importe quel État du monde, excepté chez les membres permanents du Conseil de sécurité, elle n'a aucun droit de juger les saloperies que commettent ses fonctionnaires. Encore une fois les arcanes du droit international protègent les criminels, aux dépens des victimes. Vladimir Poutine, à l'automne dernier, promettait que les assassins d'Anna Politkovskaïa, cette journaliste qui a osé mettre son nez dans le pourrissoir tchétchène, seraient retrouvés. On attend toujours...