Foyer, doux foyer
Les résidents se voient « interdire de se rendre à leur travail, avant la fin de l'intervention ». Ils reçoivent également l'interdiction de circuler dans le bâtiment, pour prendre une douche ou aller au petit déjeuner. Puis, après un contrôle d'identité musclé, une fouille des chambres est organisée, à la suite de laquelle les résidents ne retrouvent plus leurs objets personnels, puisqu'ils viennent d'être jetés directement dans une benne stationnée (comme par hasard) à côté des cars de police, sur le parking du bâtiment. Les effets des travailleurs sont balancés dedans, à la va-vite et en vrac : argent, fiches de paie et, l'on suppose, nombres d'objets encore plus personnels. De plus, les douches sont déclarées inutilisables, les matelas ont été crevés et les ustensiles de cuisine balancés dans la même benne à ordures.
Après le départ des forces du désordre, les lieux retrouvent tant bien que mal leur tranquillité. Et la vie des travailleurs maliens (en règle, jusqu'à l'arrivée de la police) n'a plus qu'à reprendre son long fleuve tranquille, pour rejoindre le cercle vicieux du circuit légal et juridique. La vrille infernale : « obtenir des papiers, afin d'obtenir du travail, afin d'obtenir des papiers plus conséquents, afin d'obtenir le droit de se loger, afin de continuer à avoir le droit d'obtenir du travail ». Attendre qu'une autre vague de furieux policiers débarque à l'improviste, dans un nouveau foyer. Pour les re-renvoyer à la case départ : « afin d'essayer d'obtenir des papiers, afin d'obtenir du travail, afin d'essayer d'obtenir un logement » et toujours, sans aucun autre droit. Que celui de subir et de se taire, sans songer à celui, minimal, du respect de la vie privée et de l'individu ! Ce type d'intervention n'est hélas pas un cas isolé. Depuis, nous sont remontés nombre de cas identiques, autant par la pratique expéditive que par leur installation en mode systématique.
Patrick Schindler