La Farine et le son
 mis en ligne le 4 février 1999
					« La Farine et le son : bilan d'une république éducative » cinq années  de fonctionnement de l'école libertaire Bonaventure Cinq ans et demi  déjà ! Le 7 septembre 1993, par une belle matinée d'automne nappée de  cette lumière si particulière à Oléron, nous avions tous le coeur serré.  Les enfants (Simon, trois ans, Maëlis, quatre, Bénédicte, cinq, Louis,  cinq, Bertille six, Roman, six, Antoine, neuf) piaffaient dans la petite  cour située devant l'école avec leurs cartables flambants neufs. Les  éducateurs, Thyde, Françoise et Alayn étaient en grande conversation  pour régler les derniers détails de l'organisation de cette première  journée. Quelques parents arpentaient le pavé en essayant de dissimuler  du mieux qu'ils pouvaient leur émotion….  Enfin ! Enfin, nous y étions à  ce premier instant tant attendu !  Bonheur, impression de rêver, peur  que le ciel nous tombe soudainement sur la tête… nous étions là,  ballants, ballots, ne sachant que faire, que dire, maladroits, hésitants  à partir comme à rester…Le rêve était désormais là, sous nos yeux, en  chair et en os, et il allait falloir s'y habituer.Pour l'heure, nous ne  nous lassions pas de le humer, de le déguster, de l'embrasser du regard…  des fois qu'il ne vienne à s'estomper.  Janvier 1999, Bonaventure est  toujours là.  Onze enfants, une instit (Laurence), un éducateur (Ludo,  alias nounou), une demi douzaine de familles, les onze militants du  groupe Bakounine, les 250 adhérants de l'association Bonaventure, 76  camarades d'ici et d'ailleurs (surtout) qui nous offrent chaque mois les  trois sous de notre survie, des locaux flambants neufs construits  pendant l'été 1994 par une soixantaine de chevaliers du rêve éducatif  libertaire, un CDI d'enfer, un site internet, des ordinateurs en veux-tu  en voilà, le chien qui ne sait toujours ni lire ni écrire, un petit  journal (le Grain de Cel) qui sort trois à quatre numéros par an, des  centaines de conférences et autres réunions publiques, trois livres,  deux brochures, deux reportages télé, des milliers de coups de  téléphones, des centaines de visites, un partenariat étonnant avec des  écoles des rues Sénégalaises, des textes, des débats, des synergies avec  le mouvement Freinet, le lycée autogéré de Paris, le Trait d'union,  l'école Vitruve… il y a cinq ans et demi j'aurais signé à moins !   J'aurais signé à moins, car oser le pari, en 1993, dans une petite île  de Charente Maritime pas spécialement réputée pour ses traditions de  luttes sociales, d'une école libertaire laïque, gratuite, autogérée,  fonctionnant à l'égalité des revenus et à la propriété collective et se  proposant, ni plus ni moins, de faire la nique à l'école de l'Etat, des  patrons et des curés sur la base de l'éducation à et par la liberté,  l'égalité, l'entraide, l'autogestion, la citoyenneté… relevait largement  de la déraison et ne laissait guère d'espoir de voir l'expérience se  prolonger plus de quelques mois. Comme quoi !  Cette brochure nous  raconte tout cela.  Cinq années de la vie au quotidien d'une école  libertaire, l'évolution de son fonctionnement, la mise en place d'un  réseau Bonaventurier, les relations tissées ici et là, les outils  pédagogiques et éducatifs forgés au fil de l'expérience, les problèmes  structurels et conjoncturels, l'intérêt d'une telle expérience pour le  futur service social d'enseignement et d'éducation libertaire que nous  avons tous dans le coeur, les bonheurs de l'aventure, les malheurs de  quelques mésaventures…Elle nous conte les bons et les mauvais côtés de  ces cinq années et demi. Avec passion. Mais sans outrance.Et elle nous  montre surtout que ce n'est pas tant parce que les choses sont  impossibles que nous n'osons pas, que parce que nous n'osons pas  qu'elles le sont.  Comprenne qui voudra !
				  
	
				