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Antiracisme
par Christian Chandellier le 8 novembre 2023

Le chant du cygne...

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« … parce que le racisme est du racisme, quelle que soit l’intention derrière. » Maro Itoje

Il ne peut y avoir de hiérarchie des « races » que s’il y a des « races » * !



Le racisme peut-il se réduire à une hiérarchie des « races ». Les « races » blanche, noire, rouge (quand j’étais petit, nous jouions aux peaux rouges…) ou encore jaune, sont l’objet de constructions hiérarchiques constantes depuis que l’idée de les dominer existe : les gens de « race » noire courent plus vite ou ont le rythme dans la peau (etc.), les gens de « race jaune » sont plus forts en mathématique et en science (ils sont aussi plus travailleurs…) quant aux gens de « race » rouge, ils entendent ceux qui s’approchent en posant leurs oreilles sur le sol… et ils ont des plumes… Étant donné que pour moi l’antiracisme (comme le féminisme) est un humanisme, je laisse à ceux qui en ont envie, d’où qu’ils/elles viennent, de remplir la « case » blancs.

Il m’apparaît au contraire que le simple acte d’imaginer des « races » au sein notre espèce Homo sapiens est le premier acte raciste. La condition nécessaire à toute pensée raciste. Comment ne pas voir que la construction de « races » au sein de notre population est abusive et obéit d’abord à une volonté ségrégationniste ?

Être antiraciste n’est pas seulement refuser une hiérarchie « létale », mais bien refuser ce qui constitue son socle soi-disant objectif : la mise en couleur. Processus définitivement raciste.

Le racisme avance toujours sous couvert d’une évidence : ça se voit ! Ainsi aux États-Unis on mentionne les « races » sur les cartes d’identité. « Caucasien » dans mon cas, comme pour la police ici même…

Je ne résiste pas à évoquer Angélica Dass citée dans l’ouvrage de Evelyne Heyer : la vie secrète des gènes (Flammarion) : « … elle s’est lancée dans un vaste projet artistique ayant pour ambition de créer un nuancier des couleurs de la peau humaine. Parcourant 20 pays, elle a rassemblé plus de 4000 portraits, qu’elle a réunis sur un kaléidoscope géant, véritable manifeste pour la pluralité de notre espèce. Pour Angélica Dass, chacune de ces 4000 teintes est unique. »

Précisément, ici, on ne voit ni le noir pur (1. Se dit de la couleur la plus foncée, due à l’absence ou à l’absorption totale des rayons lumineux, par opposition au blanc et aux autres couleurs cf Larousse.fr) ni le blanc pur…

Précisément donc, et curieusement, les couleurs revendiquées par les racistes ne se rencontrent pas en réalité. Ne se voient pas !

En revanche, au chapitre de la symbolique, là on les « voit… » ou, plus précisément, on veut les « voir ».

On pourrait, si l’on tient à adopter un critère phénotypique, évaluer la « couleur » de la peau sur une échelle d’un à dix. De la plus sombre (1) à la plus claire (10) on dirait ainsi une femme de couleur 3 par exemple*. À noter qu’aux États-Unis, seule la cote 10 serait qualifiée de « blanc » toutes les autres « couleurs » seraient « noires »…

Tu es bien pâle aujourd’hui, n’es-tu pas malade ?

Les innombrables victimes de racisme dans notre histoire ont au préalable été définies comme appartenant à une « race ». Préalable à toute infériorisation, porte ouverte à toutes les violences de tous ordres.

Les souffrances sont-elles toutes comparables. Être antiraciste ne signifie pas effacer l’histoire, mais bien combattre le racisme.

Mais pour solder le problème, voire pour régler les comptes, faut-il relancer, réaffirmer, restaurer les « races » ? Le combat contre le racisme est-il le bienvenu dans la fierté d’appartenir à une « race » qui nous a été imposée ? Peut-on être légitimement raciste ? « Il n’y a pas de honte à être noir » me disait-on récemment pour ne pas avoir à me traiter de raciste ouvertement.

D’ailleurs revendiquer son appartenance à une « race » rejette ceux qui n’en sont pas dans les autres « races ». Qui oserait, dans ce flot de mots délétères et incontrôlés en place de « noir » ou « blanc » dire « de race noire » ou de « race blanche », etc. Pourtant peut-on prétendre que ce ne n’est pas autre chose que les mêmes « concepts ». Que ceux qui revendiquent ce « néo-racisme » disent alors « de race noire » ou de « race blanche » sans faux-semblant et… qu’ils/elles assument !

Mon grand-père était au Chemin des dames en 1917. Mon père était à la libération de Strasbourg en 1944. Les Allemands, « race supérieure » dès 1914, bien avant le nazisme, jugeaient les autres « races » inférieures et donc à soumettre, à dominer, y compris les Français, les Slaves et bien sûr les « races » dites de couleur. Lorsque j’étais à Saint-Imier où l’on croisait de nombreux Allemands, devais-je leur demander de cesser de détruire la France (et pas seulement), de cesser de massacrer les juifs, d’arrêter de se sentir supérieurs ? Les Allemands sont-ils pour toujours des « boches » ? Le combat contre le nazisme ne peut se faire qu’avec les Allemands d’aujourd’hui. Le combat contre le racisme est l’affaire de tous et toutes. C’est un humanisme. Et ce combat n’a sûrement pas vocation à nier les horreurs passées.

Je me souviens d’un échange épistolaire entre camarades au cours duquel j’étais qualifié de « blanc » (et universitaire, ce que je n’étais pas… Un peu trop intellectuel sûrement…), en substance :

« J’ai une requête, une demande formelle :

Je souhaite ne plus jamais être qualifié de “blanc” !

J’ignore ce que signifie “noir”. Est “noir”, un aborigène d’Australie, un Malgache, un Tamoul, un Pakistanais, un africain ? J’en oublie. Barack Obama est-il “noir” ? Aux États-Unis, si l’on est un peu “noir”, on est “noir”. Si l’on est un peu “blanc”, on est “noir”. En Afrique, je l’ai dit, on trouve la plus grande variété génétique au monde (et le plus de musiques). Sûrement parce que l’Afrique est le lieu d’origine de notre espèce (ce simple fait fait hurler les racistes de tout bord).

Je n’emploie pas cette catégorie pour le moins incertaine et outil principal des racistes.

Qu’est-ce qu’un “jaune” ? Un Japonais, une Chinoise, un Mongol, une Vietnamienne, un Balinais ? J’en oublie.

Les Japonais, avec leur racisme féroce, nous ont montré lors de la dernière guerre mondiale tout le relativisme de ce “concept”.

Je n’emploie pas cette catégorie pour le moins incertaine et outil des racistes.

Qu’est-ce qu’un “rouge” ? Où sont-ils, devrions-nous sans doute dire… ?

Qu’est-ce qu’un “blanc” ? Un Lapon est-il “blanc” ? En Europe, avant qu’on les massacre par millions, il y avait beaucoup de juifs. Pour le nazi de base, étaient-ils “blancs” ? Et la sous-espèce “slave” (les sous-hommes pour les nazis) était-elle composée de “blancs”. Pour le nazi de base, etc. Un hispanophone est-il “blanc” ? Aux États-Unis, chez les racistes, on dit latinos… Un Suédois est-il “blanc” ? Je laisse la réponse.

Je n’emploie pas cette catégorie pour le moins incertaine et outil des racistes.

Ah j’oubliais ! Un Turc est-il “blanc”, un Iranien est-il “blanc” ? Un arabe d’Arabie Saoudite est-il “blanc” ? Un Chleuh, etc. J’en oublie.

Des “gris” sans doute… comme on dit au FN.

Quelle catégorie ici ? Je laisse la réponse. (Il va sans dire que ces lignes au masculin n’écartent en aucun cas les femmes et tous les membres de l’humanité)

Bref, au-delà de ces considérations personnelles, j’affirme :

JE NE SUIS PAS BLANC.

Je souhaite ne plus jamais être qualifié de “blanc” !

C’est une demande formelle que j’adresse aux anarchistes qui s’adresseront à moi. Cette demande n’impose rien à personne par ailleurs. Chacun, chacune jugera s’il est préférable ou non de répondre favorablement à ma demande. »

À noter qu’aux RIA de Saint-Imier encore, lorsque j’ai eu l’audace de dire que selon moi les religions étaient des pestes, je me suis fait traiter par deux fois, haut et fort, de raciste. Être anarchiste aujourd’hui, cela signifierait-il être raciste pour d’aucuns ?

Lorsque nos principes de bases rejettent tout racisme, ils ne rejettent pas seulement toute hiérarchie des « races », ils condamnent sans ambiguïté toute entreprise de définition, de construction (toujours abusive, aux contours pour le moins ambigus) de « races ». Ils condamnent le racisme dans son essence même.

Employer des catégories telles que « blancs », « noirs », « jaunes », etc. n’est pas possible au sein de la Fédération Anarchiste.

Vivons-nous le chant du cygne de l’anarchisme ?

Fraternellement,

Christian Chandellier, Fédération Anarchiste. Ni dieux, ni maîtres…, ni « races » !


* Devant l’impossibilité de définir scientifiquement des « races » au sein de notre espèce homo sapiens, de ne pouvoir en trouver que dans l’imaginaire détraqué et rempli de haine des racistes, je n’emploierai le terme « race » qu’entre guillemets.

PS : petit rappel de nos principes de base : Nos objectifs

Les anarchistes luttent pour une société libre, sans classe ni État, ayant comme buts premiers :

· L’abolition du salariat, de toutes les institutions étatiques et formes d’oppression qui permettent et maintiennent l’exploitation de l’Homme par l’Homme, ce qui implique la lutte contre le sexisme et les dominations de genre, contre le patriotisme et le racisme, contre les religions et les mysticismes même s’ils se cachent sous le manteau de la science, et pour la fraternisation de tous les groupes humains et l’abolition des frontières.
PAR : Christian Chandellier
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1

le 14 novembre 2023 11:39:17 par Claude STRANO

Merci pour cet article qui met les points sur les i et recadre le problème.
"Vivons-nous le chant du cygne de l’anarchisme ?", je me le demande aussi.