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Histoire
par Louis Janover • le 24 novembre 2022
Le nommé Louis Aragon - comment écrire son nom ?
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On a parlé du siècle d’Aragon. À juste titre, car ce siècle fut celui de tous les mensonges, en politique comme en littérature.
Mais qui se souvient de la chape de plomb que le marxisme-léninisme a fait peser sur la pensée, chape idéologique annonciatrice, au nom de la révolution, de la terreur dont le Parti dit communiste annonçait la venue comme d’une délivrance, s’il accédait au pouvoir ? À la période où fleurissait la promesse de nous donner une Guépéou aux couleurs de la France a succédé l’occultation systématique de ces temps heureux et des effets dévastateurs de cette politique du PC triomphant sur les espérances portées par les luttes ouvrières.
L’URSS disparue, l’amnésie a fait son œuvre, et la réalité du stalinisme et des théories sur le réalisme socialiste a disparu des mémoires. Il est néanmoins un nom qui habite toujours notre histoire, Louis Aragon, qui, en raison même de sa qualité de grand écrivain, a su exercer pour le Parti la fonction de Grand Inquisiteur des arts et des lettres, sans jamais hésiter à utiliser les moyens de persuasion mis à sa disposition pour faire taire l’adversaire.
Le Monsieur Loyal du réalisme staliniste
Le travail de mémoire a consisté dans un premier temps à mettre Aragon en dehors du champ politique pour montrer que son œuvre littéraire et poétique le faisait échapper au jugement qu’appelait sa présence militante dans le Parti. Toute forme de jugement éthique ayant disparu du champ de la critique littéraire et artistique, nous sommes arrivés au moment où notre point de vue se renverse : cet engagement stalinien, qui en a fait le grand présentateur du réalisme-staliniste, est présenté comme une erreur historique dont toute la responsabilité revient au Parti. Aragon n’a plus aucun compte à rendre ni même à s’expliquer d’un engagement qui se réclamait de la révolution pour mieux écraser les révolutionnaires.
La machine à blanchir
Ainsi plus rien ne reste désormais de cette histoire, et la nouvelle hagiographie entend faire de toutes les distorsions sémantiques, de toutes les controverses destinées à justifier l’injustifiable, les vérités de notre temps : le stalinisme rime avec communisme, la répression policière exercée contre l’opposition ne serait rien d’autre que la défense de la révolution. La responsabilité de cette inversion des rôles pèse sur le Parti, mais qui oserait demander des comptes au poète de cette falsification de la pensée et des mots ; et interroger les écrits sur l’art moderne, et sur l’art dit soviétique, qui n’avaient pas à craindre la censure du PC puisqu’ils en exprimaient les interdits ?
Tout est désormais mis en œuvre afin que ces mots qui avaient été l’objet des luttes perdent le sens des réalités qu’ils représentaient. De ce point de vue, André Breton, qui se dressait contre la politique du Parti et dénonçait le « "réalisme-socialiste" comme moyen d’extermination morale », permet de revenir sur cette histoire qui fait du nommé Louis Aragon le faux-semblant de la pensée poétique.
Aragon n’a-t-il pas mis tout son génie de poète et d’écrivain, tout son génie de polémiste à célébrer les exploits du parti de Thorez, à chanter la terreur entretenue par les tueurs du Guépéou, à se réjouir du châtiment exemplaire infligé aux traîtres démasqués lors des procès de Moscou, à convoquer poètes et écrivains au tribunal du Parti pour leur faire rendre des comptes ?
- Benjamin Fondane : Louis Aragon ou le Paysan de Paris (1927)
-J ean Malaquais : Le nommé Louis Aragon ou le patriote professionnel (1947)
- Louis Janover : Du stalinisme considéré comme l’un des beaux-arts (2022)
Voici les trois essais écrits par trois auteurs en des périodes différentes et réunis (1) pour mettre en évidence la continuité d’une imposture. Ces rappels sur la période de l’histoire où le nommé Louis Aragon indiquait à l’intelligentsia la direction à suivre, avec condamnation sans appel de ceux qui s’écartaient si peu que ce soit de la ligne, ces rappels demeurent une « nécessité » historique pour se libérer d’un passé qui ne cesse de couvrir le présent de son ombre.
Louis Janover
(1) Le Nommé Louis Aragon - Louis Janover, Benjamin Fontane, Jean Malaquais. Éditions Non Lieu. Paris, 10 novembre 2022
Mais qui se souvient de la chape de plomb que le marxisme-léninisme a fait peser sur la pensée, chape idéologique annonciatrice, au nom de la révolution, de la terreur dont le Parti dit communiste annonçait la venue comme d’une délivrance, s’il accédait au pouvoir ? À la période où fleurissait la promesse de nous donner une Guépéou aux couleurs de la France a succédé l’occultation systématique de ces temps heureux et des effets dévastateurs de cette politique du PC triomphant sur les espérances portées par les luttes ouvrières.
L’URSS disparue, l’amnésie a fait son œuvre, et la réalité du stalinisme et des théories sur le réalisme socialiste a disparu des mémoires. Il est néanmoins un nom qui habite toujours notre histoire, Louis Aragon, qui, en raison même de sa qualité de grand écrivain, a su exercer pour le Parti la fonction de Grand Inquisiteur des arts et des lettres, sans jamais hésiter à utiliser les moyens de persuasion mis à sa disposition pour faire taire l’adversaire.
Le Monsieur Loyal du réalisme staliniste
Le travail de mémoire a consisté dans un premier temps à mettre Aragon en dehors du champ politique pour montrer que son œuvre littéraire et poétique le faisait échapper au jugement qu’appelait sa présence militante dans le Parti. Toute forme de jugement éthique ayant disparu du champ de la critique littéraire et artistique, nous sommes arrivés au moment où notre point de vue se renverse : cet engagement stalinien, qui en a fait le grand présentateur du réalisme-staliniste, est présenté comme une erreur historique dont toute la responsabilité revient au Parti. Aragon n’a plus aucun compte à rendre ni même à s’expliquer d’un engagement qui se réclamait de la révolution pour mieux écraser les révolutionnaires.
La machine à blanchir
Ainsi plus rien ne reste désormais de cette histoire, et la nouvelle hagiographie entend faire de toutes les distorsions sémantiques, de toutes les controverses destinées à justifier l’injustifiable, les vérités de notre temps : le stalinisme rime avec communisme, la répression policière exercée contre l’opposition ne serait rien d’autre que la défense de la révolution. La responsabilité de cette inversion des rôles pèse sur le Parti, mais qui oserait demander des comptes au poète de cette falsification de la pensée et des mots ; et interroger les écrits sur l’art moderne, et sur l’art dit soviétique, qui n’avaient pas à craindre la censure du PC puisqu’ils en exprimaient les interdits ?
Tout est désormais mis en œuvre afin que ces mots qui avaient été l’objet des luttes perdent le sens des réalités qu’ils représentaient. De ce point de vue, André Breton, qui se dressait contre la politique du Parti et dénonçait le « "réalisme-socialiste" comme moyen d’extermination morale », permet de revenir sur cette histoire qui fait du nommé Louis Aragon le faux-semblant de la pensée poétique.
Aragon n’a-t-il pas mis tout son génie de poète et d’écrivain, tout son génie de polémiste à célébrer les exploits du parti de Thorez, à chanter la terreur entretenue par les tueurs du Guépéou, à se réjouir du châtiment exemplaire infligé aux traîtres démasqués lors des procès de Moscou, à convoquer poètes et écrivains au tribunal du Parti pour leur faire rendre des comptes ?
- Benjamin Fondane : Louis Aragon ou le Paysan de Paris (1927)
-J ean Malaquais : Le nommé Louis Aragon ou le patriote professionnel (1947)
- Louis Janover : Du stalinisme considéré comme l’un des beaux-arts (2022)
Voici les trois essais écrits par trois auteurs en des périodes différentes et réunis (1) pour mettre en évidence la continuité d’une imposture. Ces rappels sur la période de l’histoire où le nommé Louis Aragon indiquait à l’intelligentsia la direction à suivre, avec condamnation sans appel de ceux qui s’écartaient si peu que ce soit de la ligne, ces rappels demeurent une « nécessité » historique pour se libérer d’un passé qui ne cesse de couvrir le présent de son ombre.
Louis Janover
(1) Le Nommé Louis Aragon - Louis Janover, Benjamin Fontane, Jean Malaquais. Éditions Non Lieu. Paris, 10 novembre 2022
PAR : Louis Janover
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