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Travail social
par Groupe Graine d’Anar le 11 avril 2021

Refusons le silence !

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Il y a quelques temps les membres du groupe Graine d’Anar (Fédération Anarchiste, Lyon) ont décidé de se mobiliser sur la question de la pédocriminalité. Loin d’être un phénomène de société marginal, les violences sexuelles commises sur les enfants sont le fruit de dominations multiples et structurelles. Leur nombre ainsi que les conséquences engendrées par de telles violences pour les individus tout au long de leur vie en font un terrain de lutte essentiel.

Les chiffres de la pédocriminalité




Les violences sexuelles commises sur les enfants ne sont pas des phénomènes isolés. En France, une fille sur trois et un garçon sur cinq subissent des violences sexuelles (attouchements, viols) avant leurs 18 ans. Ces chiffres se confirment à l’international. Un rapport de l’OMS publié en 2014 révèle que 20% des femmes et 10% des hommes dans le monde reconnaissent avoir subi des violences sexuelles pendant leur enfance (ce chiffre, déjà exorbitant, ne recouvre pas les situations de déni ou de silence) [note] .
Une étude menée par l’association Mémoire Traumatique et Victimologie, réalisée en 2014 auprès de plus de 1200 victimes, indique que 68% des victimes interrogées ont subi un viol .
Outre la gravité de ces gestes et le nombre de ces violences, ces études soulignent deux biais qui nous paraissent déterminants : 96% des agresseurs sont des hommes, 94% des agresseurs sont des proches de la victime (famille, amis, voisinage), dans 52% des cas l’agresseur est l’un des membres de la famille (ascendant ou collatéral). Contrairement aux idées reçues les violences sexuelles commises par un inconnu rencontré au hasard à la sortie de l’école représentent une minorité de cas. C’est au sein des foyers, au sein de la famille, que les risques d’agression sont les plus élevés.
Bien que massifs et particulièrement révélateurs, ces chiffres sont peu connus. C’est que les agresseurs sont protégés par deux structures de domination puissantes : la famille et le patriarcat. Il nous semble dès lors important d’une part de porter un regard politique sur ce qui est trop souvent réduit à un secret de famille et d’autre part de nous engager à lutter contre ces violences.

Une lecture politique de la pédocriminalité

Une atteinte profonde portée aux individus
Les violences sexuelles commises sur les enfants (de même que sur les adultes) portent profondément atteinte à l’individu, dans sa chair et dans son esprit, le privant bien souvent de force pour aller de l’avant. Le rapport réalisé par l’association Mémoire Traumatique et Victimologie indique que 95% des victimes interrogées considère que les violences qu’elles ont subies ont eu un impact important sur leur santé mentale. 50% souffrent de troubles addictifs (drogue, alcool), 17% d’entre elles ont été diagnostiquées comme souffrant de troubles psychotiques. Les personnes abusées sexuellement pendant l’enfance ont 7 fois plus de risque de faire au moins une tentative de suicide au cours de leur vie. 42% des enquêté.es ont tenté au moins une fois de mettre fin à leurs jours. Les séquelles de ces agressions ne sont pas uniquement psychiques, elles ont également leurs traductions physiologiques. 50% des personnes interrogées déclarent souffrir de douleurs chroniques. Le corps et l’esprit sont atteints de manière indissociable.
Fragilisées, les victimes deviennent souvent vulnérables, s’exposant alors à de nouvelles agressions. Il n’est pas rare que des personnes victimes de viols à l’âge adulte aient été agressées sexuellement dans leur enfance.
Une étude américaine montre que, d’une manière générale, l’espérance de vie des personnes victimes de violences sexuelles dans leur enfance est réduite de 20 ans par rapport aux autres individus [note] .
Ces violences physiques et psychiques ne s’effacent pas, et surtout pas d’elles-mêmes. Si les victimes ne sont pas accompagnées, elles se répercutent tout au long de la vie, laissant les personnes isolées face à leur souffrance sans aucune perspective d’émancipation. Pour s’en sortir, les victimes doivent trouver dans la collectivité les ressorts de leur survie.
Cette incitation à l’accompagnement peut paraître évidente, cette injonction inutile. Pourtant, 83% des victimes estiment ne pas avoir été protégées, à la fois par la justice et par leur entourage. La prise de conscience, collective et individuelle, de l’ampleur et des conséquences au long terme de ces violences est loin d’être effective. Le corps médical n’est pas en reste : 78% des victimes n’ont bénéficié d’aucun soutien médical au moment des faits, 62% ont décidé d’abandonner toute prise en charge médicale (somatique comme psychique) du fait de la difficulté à trouver un accompagnement adapté et de qualité.

Des structures de domination puissantes
Un tel silence n’est pas anodin. Il traduit un réel refus de voir de la part de structures et d’individus qui tirent avantage et pouvoir d’une telle situation de déni généralisé. Il est urgent de comprendre que la famille constitue l’un des lieux les plus puissants d’oppression. Le refus d’entendre et de croire redouble les violences, prive définitivement les victimes des ressources nécessaires pour reprendre pied. Il est urgent que nous cessions de fermer les yeux, il est urgent que nous cessions de minimiser l’importance et l’impact de ces gestes. Ceux-ci sont destructeurs et ils ne cesseront de hanter les victimes tant que celles-ci ne seront pas crues et accompagnées. Il ne s’agit pas seulement de briser le silence, mais de le refuser : les victimes parlent (avec des mots, avec leur corps), les histoires sont connues, il est urgent d’en mesurer l’ampleur et la gravité. Il est urgent de remettre l’individu, l’enfant, l’enfant devenu adulte, au centre.
Il nous semble que les violences sexuelles commises sur les enfants font partie des rapports de domination et d’oppression que les anarchistes ont à cœur de combattre.

Volonté d’agir

Les membres du groupe Graine d’Anar ont eu envie de mener collectivement un certain nombre d’actions de façon à interpeller les individus et à encourager à l’accompagnement des victimes. Certains d’entre nous ont publié des articles à titre individuel dans le Monde Libertaire, des articles collectifs ne sont pas à exclure.
Nous souhaitons lancer une campagne d’affichage et nous avons réalisé deux visuels. L’un alertant sur l’implication de la structure familiale dans les violences sexuelles commises sur les enfants, l’autre mettant en avant la révolte et la volonté profonde d’émancipation des victimes. Ces affiches s’adressent à tout le monde (victimes, proches, agresseurs) et invitent l’ensemble des individus à prendre conscience de l’ampleur et du caractère structurel de ces violences.

Si ces visuels, affiches et autocollants, vous intéressent, vous pouvez les commander auprès de la librairie Publico ou vous rapprocher d’un groupe fédéré.
Publico, 145 rue Amelot 75011 Paris - Tél : 01 48 05 34 08 - https://www.librairie-publico.com
Fédération anarchiste : https://www.federation-anarchiste.org

Groupe Graine d’Anar

1) World Health Organization, Global Status Report on Violence Prevention, Genève, 2014, p. 70.
2) https://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/campagne2015/2015-Synthese-enquete-AMTV.pdf
3) Source: BROWN David W., ANDA Robert F., TIEMEIER Henning, FELITTI Vincent J., EDWARDS Valerie J., CROFT Janet B., GILES Wayne H., « Adverse Childhood Experiences and the Risk of Premature Mortality »in American Journal of Preven-tive Medicine, Novembre 2009, Vol. 37, Issue 5, pp. 389-396.

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Voici une liste, non exhaustive, d’associations, de collectifs et de plateformes téléphoniques, d’aide et de soutien aux victimes, de lutte contre les violences et les viols pédocriminels.
Certaines de ces structures hexagonales ont des antennes régionales.

(Cliquez sur les liens en rouge.)

Les associations et structures à l’échelle du pays
119 Numéro national dédié à la prévention et à la protection des enfants en danger ou en risque de l’être.

ASSOCIATION LES PAPILLONS

L’association Les Papillons aide à la libération de la parole des enfants avec ses boites aux lettres dans les écoles et les clubs de sport.

FACE A L’INCESTE (ex Association internationale des victimes de l’inceste - AIVI)
Association d’information, de lutte, d’entraide

MEMOIRE TRAUMATIQUE ET VICTIMILOGIE
Association d’intérêt général pour la formation, l’information et la recherche sur les conséquences psychotraumatiques des violences.

ENFANCE ET PARTAGE
Prévention et lutte contre les violences faites aux enfants
Soutien aux victimes
Accompagnement juridique

NUMERO GRATUIT ET CONFIDENTIEL POUR ÉVITER LE PASSAGE A L’ACTE

0 806 23 10 63
Numéro gratuit et unique
Du lundi au vendredi de 9h à 17h

Associations et structures lyonnaises

ASSOCIATION Le MAS « Mouvement d’Action Sociale »
Accueil des victimes d’infractions pénales (violences, agressions sexuelles, atteintes aux biens..).
Il peut s’agir de la victime directe (mineure ou majeure), d’un membre de sa famille et/ou de son entourage.
Équipe composée de juristes, d’une assistante sociale, d’une psychologue clinicienne, d’une équipe de bénévoles.
Sur rendez vous au Siège du service : 225, Rue Duguesclin - 69003 LYON
Tél : 04 78 60 00 13 Email : infovictimes@mas-asso.fr

LAVI
Lyon Aide Aux Victimes (membre de l’INAVEM)
100H, cours Lafayette - 69003 Lyon
Tél. : 04 78 60 20 21 (possibilité de laisser un message) Email : lavi2@wanadoo.fr
Horaires : lundi au vendredi de 9h à 12h30 et de 13h30 à 17h30

VIFFIL
Violences Intra Familiales Femmes Information Libertés.- SOS FEMMES
L’accueil, l’écoute, l’information et l’accompagnement si nécessaire de toute personne victime d’un préjudice d’ordre pénal ou civil.
156 Cours Tolstoï - 69100 VILLEURBANNE
Tél : 04 78 85 76 47 Email : viffil.savdoc@viffil.com

AAV
Association d’aides aux victimes
Rue des Bourreliers - 69190 Saint-Fons
Tél : 04 72 09 20 47

CIDFF RHONE

Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles
18 place Tolozan - 69001 LYON
Tél : 04 78 39 32 25 Email : lyon.contact@cidffrhone.fr
Horaires : Du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 13h30 à 17h

COLLECTIF TROUBLE-FÊTES MALGRE NOUS

Pour lutter efficacement contre les violences sexuelles incestueuses il faut combattre le sentiment d’impuissance des victimes et le sentiment d’impunité des coupables, en développant une solidarité et une action collectives. Lutter contre les violences sexuelles incestueuses c’est lutter contre la loi du silence en faisant entendre collectivement notre voix, dans une perspective que le collectif veut progressiste.

INSTITUT DE VICTIMOLOGIE RHONE ALPIN

352, cours Émile Zola - 69100 Villeurbanne
Tél : 04 37 43 03 81

L’ENFANT BLEU
Prises en charge psychologiques d’enfants et d’adultes ayant été victimes de maltraitance durant leur enfance - Groupes de parole thérapeutiques pour adultes.
Aide juridique.
Actions de formation auprès des professionnels au contact d’enfants
Actions de prévention : écoles primaires et secondaires
18 C, rue Songieu - 69100 VILLEURBANNE
Tél : 04.78.68.11.11 Email : enfantbleu@free.fr
www.enfantbleu-lyon.fr

LA PAROLE LIBEREE
Association d’aide aux anciens du groupe Saint Luc et aux victimes de pédocriminalité en général.
324, rue Francis de Pressensé - 69100 VILLEURBANNE
Email : laparoleliberee@gmail.com






PAR : Groupe Graine d’Anar
Lyon
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1

le 16 avril 2021 09:48:02 par Eyafllalajokül

Bravo pour cet article. Bien sourcé, avec des ressources associatives. Merci au groupe Graine D’anar. et re Bravo pour avoir parler de ce sujet .

2

le 18 avril 2021 11:09:33 par FREDERIC BEAGUE

Bonjour. Comment concilier cette dénonciation légitime de la pédocriminalité avec les positions habituelles anarchistes contre la police, la justice, la morale, la rééducation forcée des individus ( par le prison ou par un autre biais ou sous un autre mot pour faire plus libertaire ) des délinquants ( ici des pédophiles ) ? Dénoncer est une chose. Il faut proposer des solutions "anarchistes" surtout. Et pour maintenant, pas pour dans mille ans quand le paradis anarchiste sera advenu....