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Dans un sale État
par André Durand le 26 avril 2020

STOP, STOP et STOP StopCovid

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C’est tout d’abord dans une interview au journal Le Monde qu’ Olivier Véran et Cédric O, ministre de la santé et secrétaire d’État au numérique, avaient annoncé le développement une application smartphone pour « limiter la diffusion du virus en identifiant des chaînes de transmission » . Un débat et un vote sont organisés mardi 28 avril à l’Assemblée nationale.
S’il est absolument nécessaire de s’opposer à cette tentative inédite autant qu’odieuse de surveillance systématique de toute la population, il l’est tout autant d’en explorer les tenants et aboutissants. Ce combat et ces batailles que nous nous sommes habitués à perdre année après année, depuis bientôt 20 ans, entrent dans une nouvelle phase.
Et il apparaît que nous y serons enfin moins seuls, c’est en soi une très très bonne nouvelle !

On va déconfiner
On va donc déconfiner. Il n’y aura pas de vaccin garantissant l’immunité, pas assez de tests pour connaître son état de contamination, insuffisamment de masques de protection. Quand la vie se dérobe à ce point, reste le digital, le virtuel – ultime recours ! Le Grand Confinement a démontré que pour le plus grand nombre, le monde était déjà digital. En temps réel ou différé, les technologies de l’Internet et du Web transportent des données – voix, photos et vidéos – dont les tablettes et les smartphones assurent la diffusion. Ces technologies ont contribué à rendre le confinement possible, voire vivable pour certains. Pour ne prendre qu’un exemple, du coté médical, on a assisté à une véritable explosion numérique : en un mois, 2,5 millions de téléconsultations se sont tenues sur le site Doctolib. La plateforme créée par Laurent Alexandre, exilé fiscal et libertarien bavard et pathétique, est passée en quelques semaines, de 1 000 consultations par jour à plus de 100 000 !
Le Monde Confiné est digital.
Le Monde Digital est confinable.

Déconfinement et technologie
La question qui suit ce constat devient la suivante : pour nous déconfiner, quels rôles ces technologies peuvent-elles, doivent-elles jouer ou ne pas jouer ?
Les informaticiens nous disent qu’il est deux façons de freiner la contamination : tracer ou traquer. Alors que la Chine et la Corée du Sud, sont dans la traque, les autres dragons asiatiques, tel Singapour, ont jusqu’à présent choisi la trace. En France, et à son habitude, Cédric O, commis voyageur de l’industrie française de la surveillance envoie les écrans de fumée… « la technologie peut aider. », nous dit-il évasif, « Nous ne voulons fermer aucune porte, mais nous sommes sans certitude de succès. », « Rien ne sera décidé sans un large débat, mais ce débat doit être éclairé en évaluant ce que la technologie permet. » Il noie le poisson pour mieux nous prendre dans ses filets lorsque les mailles en seront solidement cousues ; et bien serrées. Nous avons déjà eu droit il y a quelque mois au même enfumage, destiné nous acclimater aux technologies de reconnaissance faciale intégrées aux caméras urbaines. Il faut autoriser afin que les industriels puissent « expérimenter », et être « compétitifs » sur le marché de… l’espionnage de masse.
Ce gouvernement veut nous imposer son projet « StopCovid », une application mobile, centralisée, dont l’objectif serait de prévenir les personnes qui ont été en contact avec un malade testé positif. Bras armé de l’État pour la recherche appliquée en informatique, l’INRIA – Institut de Recherche en Informatique et Automatique – est chargé de la conception et du développement, en partenariat européen avec les allemands de l’Institut Franhaufer. Le CEA qui était bien placé, a été laissé de coté, probablement à cause du parfum nauséabond qu’il exhale en matière de « confiance ».

Consentir, c’est fait
Ce Grand Confinement, moyenâgeux, à mille lieues des promesses de l’Intelligence Artificielle, a créé l’opportunité inespérée de tester in vivo une forme inédite d’État d’Urgence. D’une part la faisabilité socio-technique de nouvelles modalités de contrôle, et d’autre part, la capacité de consentement de la population. 138€ l’amende, prison à la troisième récidive. Policiers dans les rues, gendarmes aux carrefours, BAC au pied des barres d’immeubles, et drones au-dessus des zones trop larges ou trop connectées pour autoriser un contrôle au sol. Plus inventive et plus perverse qu’on ne le pensait, l’Administration a inventé l’infamant formulaire d’auto-autorisation. Il nous contraint à expliciter notre consentement à un monstrueux dispositif de contrôle. À l’intégrer au pus profond, en l’écrivant et en le signant.
Ancrer le consentement au plus profond de nos psychés.
Le débat donc, autour de cette application, s’ancre naturellement autour du volontariat, du consentement explicit. Seuls les volontaires utiliseraient cette application ?

Le RGPD ? Il est troué




Mais la Loi, nous dit-on, nous protège ! La grande avancée mondiale en matière de protection de la vie privée est effectivement due à notre Vieille Europe… c’est le RGPD – Règlement Général de Protection des Données – validé il y a exactement 4 ans ! Et au premier test Grandeur Nature, on s’aperçoit aussitôt que… c’est une passoire. Le RGPD intègre explicitement une exception au principe qui le fonde, le « consentement préalable », en précisant dans sa « Raison 46 » que «  le traitement de données à caractère personnel devrait être également considéré comme licite lorsqu’il est nécessaire pour protéger un intérêt essentiel à la vie de la personne concernée ou à celle d’une autre personne physique [..] par exemple lorsque le traitement est nécessaire à des fins humanitaires, y compris pour suivre des épidémies et leur propagation [..] ».
Malgré les bonnes intentions et l’espoir que le RGPD avait suscité, le ver était dans le fruit. Le fruit pourri, est indigeste. Ne nous protège qu’en mode routine, un mode – un monde - qui a disparu.
« Le nécessaire est licite »… en d’autres termes : Nécessité fait loi ! Les anarchistes le savaient déjà… oublions le RGPD, mort-né.

L’État ? Il s’en fiche
À sa décharge, il fait dire qu’en temps « normal », l’État ne respecte ni ses lois ni ses règlements. Comme par exemple cette application informatique mobile GendNote qui depuis le mois de mars permet aux gendarmes de stocker, pendant un an, et diffuser aux maires et aux préfets, des informations relatives à « l’origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle » d’une personne interpellée. Uniquement toutefois « en cas de nécessité absolue ». Pour qui sait lire, c’est en fait : « selon le bon vouloir du fonctionnaire ». Être fiché tous azimuts par les gendarmes est devenu « légal ».
La CNIL s’interroge, la Quadrature du Net s’émeut, la Ligue des droits de l’Homme dépose un recours en justice…. Chacun joue son rôle dans ce jeu devenu routinier. Un jeu où à tous les coups l’on perd. Des rôles symboliques, une sorte de rituel auquel on s’est attaché – rassurant, c’est son rôle. Mais l’État s’en fiche et nous fiche. Toujours plus nombreux, toujours plus profond. Et pour maintenir toutefois un semblant d’illusion démocratique, il multiplie les organes consultatifs, dont les membres d’ailleurs régulièrement, démissionnent, quand c’en est trop… pour être aussitôt remplacés. Si l’on a maintenant du mal à tenir le compte de Comités d’éthiques, dont un des derniers, le « Comité pilote d’éthique du numérique » a été crée fin 2019, il est encore plus difficile d’entendre leur objections à ces fichages toujours plus liberticides.

Et le citoyen ? Il est « nudgé »
L’application française StopCovid serait introduite sur la base du volontariat, nous promet-on. Une mauvaise blague car chacun sait que cela conduirait à un fiasco. Ou alors peut-être est-ce une petite ruse de la place Beauvau, celle du « pied dans la porte ». Selon le réseau européen eHealth, pour être efficace, une telle application doit avoir un un taux d’adoption supérieur à 60 %. À Singapour, ou sous la constante menace de coups de canes, la population tend à obéir, l’application équivalente n’a été téléchargée que par 10 % de la population. Alors, en France, au vu du peu de confiance qu’inspire ce gouvernement, une mise en œuvre limitée au volontariat ne peut être qu’un fiasco. Nos gouvernants voient plus loin…
Car comment faire, pour nous contraindre sans nous contraindre ? Facile, il suffit de nous nudger… Fruit empoisonné des recherches en économie comportementale et en linguistique cognitive, le nudge est la botte secrète des démocratures et des GAFA. Importé des USA par les experts en marketing et en politiques publiques, le nudge vise à « faire passer » un changement de comportement pour un choix « non contraignant ». Une simple « incitation » à sortir d’un comportement démodé ou à participer à la création d’une nouvelle norme sociale.
Nudger, en bon français s’écrit « manipuler », avec cette différence que ce qui était longtemps resté un art, est devenu une science, et une technologie qui grâce au web et à l’intelligence artificielle est en bonne partie automatisable. Nul doute que les experts d’Apple et de Google et de divers Instituts de recherche publique sont déjà au travail, main dans la main .

Refuser toute application !

Il nous faut donc comme l’a justement communiqué la Quadrature du Net refuser toute application gouvernementale : StopCovid, ou n’importe quelle autre. On ne peut pas faire confiance à l’État. On ne peut pas non plus faire confiance à l’INRIA qui en dépend pour ses financements et les carrières de ses dirigeants qui comme Bruno Sportisse, l’actuel PDG, qui voudrait faire passer StopCovid comme un bienfait de la science.
Les informaticiens les plus lucides, ou les moins carriéristes, eux-mêmes nous alertent. Les hackers du célèbre Computer Chaos Club ont énoncé dix « exigences » socio-techniques sans le respect desquelles une application mobile de « contact tracing » serait une catastrophe. A lire attentivement ces exigences que nous avons traduites en Français, il apparaît qu’aucune application ne serait sans risque démocratique.
Enfin, les scientifiques on démontré depuis longtemps qu’on ne peut pas anonymiser des données, le concept est inaplicable. Un groupe de scientifiques, incluant des experts en cryptographie de l’INRIA, a publié un texte pédagogique et sans appel, explicitant pourquoi dans le cas particulier du virus, le concept de « Traçage anonyme » est un dangereux oxymore.

Il faut refuser tout usage des mobiles pour accompagner le déconfinement.

André Durand
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