Anarchie dans le monde > « Qu’est-ce qu’il faut que je fasse, que je devienne fasciste ? »
Anarchie dans le monde
par Vera Ščukina • le 13 février 2020
« Qu’est-ce qu’il faut que je fasse, que je devienne fasciste ? »
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Le dernier discours de Vasilij Kuksov, victime de l’État russe
L’« affaire du Réseau » (delo «Seti») a commencé en 2017 avec l’arrestation de neuf jeunes de gauche, anarchistes et antifascistes pour certains, à Saint-Pétersbourg et Penza (région de la Volga), accusés d’être à l’origine d’une organisation révolutionnaire dotée de ramifications à Moscou, à Omsk (Sibérie) et en Biélorussie. Cette structure se serait donné pour objectif de déstabiliser le pays par une série d’attentats à l’occasion des élections présidentielles et de la coupe du monde de football de 2018. Les accusés ont déclaré avoir été traînés dans les caves de centres d’isolement, maltraités par des représentants des forces de l’ordre sous le regard d’agents du FSB (ex-KGB), battus au point d’en perdre des dents, et soumis à la torture, à coups de chocs électriques sur tout le corps, parties génitales comprises, ce dont les militaires français ont pu en d’autres temps mesurer l’efficacité…
Finalement, ce sont sept militants qui ont été condamnés ce lundi 10 février 2020. Pour avoir été anarchistes, antifascistes, simplement amateurs d’airsoft ou végétariens, nos camarades ont été victimes d’un procès monté de toutes pièces, à grands renforts de témoignages douteux, de fausses pièces à convictions ou d’aveux extirpés à coups de gégène. Le verdict : 86 ans, en cumulé, pour les 7 accusés, âgés de 23 à 31 ans (23 à 31 ans !), dont les noms méritent d’être connus : Dmitrij Pčelincev, 18 ans de « colonie correctionnelle à sécurité maximale » ; Il’ja Šakurskij, 16 ans ; Andrej Černov, 14 ans ; Maksim Ivankin, 13 ans ; Mihail Kul’kov, 10 ans ; Vasilij Kuksov, 9 ans ; Arman Sagynbaev, 6 ans.
Pour quoi ? Pour rien. Ou pour si peu – pour avoir voulu un monde moins dégueulasse que celui-ci, pour leurs contemporains et pour eux-mêmes.
En attendant que ce monde crève, voici les derniers mots prononcés par Vasilij Kuksov avant de recevoir sa condamnation. Torturé, tabassé, son séjour de trois ans en centre de rétention lui a d’ores et déjà valu de choper la tuberculose dans sa forme active. Ses mots lourds et sincères, mais souvent hagards et hésitants, témoignent de la terrible incompréhension et de la révolte impuissante d’un individu face à la machine d’État prête à piétiner des vies pour passer à d’autres l’envie de rejoindre la lutte.
« Je voudrais commencer par remercier tous les acteurs de ce procès, tous ceux qui ont été présents à nos audiences : nos auditeurs, nos défenseurs, les prévenus et l’honorable juge. Je suis en particulier reconnaissant au juge d’avoir rendu notre procès public, ce qui a permis aux nombreuses personnes sensibles à notre sort d’en prendre connaissance. Cette pensée me fait chaud au cœur, de même que me réchauffe le cœur l’idée de ne pas avoir déjà été oublié. Et j’espère ne jamais être oublié de mes parents, de ma compagne, de mes amis. Je voudrais aussi remercier tout spécialement ma mère et mon père. Ma mère est une personne toute de tendresse et de discrétion ; mon père est quelqu’un qui ne transige jamais avec la vérité : c’est sans doute à eux que j’ai emprunté ces qualités. Je remercie également les médias, qui ont jeté la lumière sur notre cas. Je suis reconnaissant de cette publicité, mais ne peux manquer de me demander combien de personnes, des centaines ou des milliers peut-être, ont été condamnées par le passé sans que personne aujourd’hui ne se souvienne d’elles.
Nous autres, les prévenus, nous avons parcouru avec nos avocats un long chemin, il s’est passé beaucoup de choses, et… Il y a eu plein de choses difficiles, avec les copains, on ne se connaissait pas, à part Il’ja je ne connaissais personne. Mais je suis heureux que nous soyons devenus amis. Comme je l’ai compris seulement pendant le procès, vu que nous ne nous parlions quasiment pas auparavant, ce qui nous unit est simplement le fait que nous croyons au bien, en quelque chose de mieux. Qu’on l’appelle comme on veut, du végétarisme, de l’antifascisme, c’est ce qui nous réunit. Je regrette de ne pas les avoir rencontrés plus tôt. J’ai bien sûr un énorme respect pour Il’ja Šakurskij, je suis heureux en cette heure d’avoir auprès de moi un ami et un camarade si robuste – même s’il serait mieux chez lui…
Jusqu’au dernier moment j’ai espéré que l’accusation renoncerait à requérir ces peines, qu’on rouvrirait une nouvelle enquête, que quelque chose changerait. Et aujourd’hui encore je ne peux pas m’empêcher de croire que quelque chose va peut-être changer, que le bon sens va finir par l’emporter…
Je voudrais dire que je ne regrette rien. Beaucoup disent : tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, tu savais où tu mettais les pieds. Je ne regrette pas d’y avoir mis les pieds, je ne regrette pas mon amitié avec Il’ja, je ne regrette pas les principes de vie auxquels je crois. D’autant plus que, comme le montre notre procès lui-même, il n’est pas besoin d’avoir fait quoi que ce soit pour se retrouver plus bas que terre – à se demander pourquoi donc on regarderait où on met les pieds.
Je n’ai rien fait de mal. Montrez-moi une seule personne à laquelle ne serait-ce qu’un seul d’entre nous aurait causé du tort. Comme Il’ja l’a fait remarquer, la seule question qui nous vient est : pourquoi ? Cette question me tourmente aussi, elle surgit en permanence quand tu es enfermé depuis déjà trois ans, quand tu croules sous les papiers pour ta défense, que tu alignes des notes, que tu consignes des remarques, soudain tu te demandes : « Mais pourquoi est-ce qu’on me force à faire tout ça exactement ? ». On t’arrête pour rien, on t’emprisonne, on te balance 39 tomes : tiens, pose-toi avec, et débrouille-toi.
Au milieu de l’enquête, le juge d’instruction me disait que ce procès devait être exemplaire : on vous colle en taule pour passer l’envie au reste du monde. Aux antifascistes, aux anarchistes. Pour qu’ils ne s’unissent pas, qu’ils ne se regroupent pas. Malgré tout, je pense qu’il est clair pour tout le monde que ce procès exemplaire a désormais l’effet inverse.
J’espère qu’il reste encore des gens sensibles et concernés qui suivent cette affaire, qui prennent conscience de tout ça. J’espère qu’un jour, dans un quelconque cours de droit, un professeur entrera dans la salle et dira : « Aujourd’hui, nous allons étudier un cas ouvert en 2017. On y trouve tout ce qu’il ne faut pas faire. Des irrégularités pareilles ne doivent jamais être tolérées ».
Quelques mots encore au sujet de la condamnation. Nous avons répété mille fois à quel point tout ça était absurde, insensé, mais là ce n’est juste pas possible. Même ce pour quoi on nous condamne, ce n’est pas possible. Mais c’est comme ça : ces sept-là tramaient une révolution. Je n’y comprends rien… C’est comme si on disait d’un groupe de bandits qu’ils voulaient braquer une banque juste avec un téléphone. Mais peu importe : ça fait déjà trois ans qu’on est là et que ça n’inquiète personne. […]
Nous ne sommes pas les seuls à souffrir ; je ne suis pas le seul à avoir peur d’être condamné, de recevoir une longue peine. Bien sûr que j’en ai peur, je ne vais pas le cacher. Mais en réalité ce ne sont pas sept individus qui souffrent, c’est toute notre famille.
J’ai déjà dit quelques mots à propos du sens de l’idée de justice équitable, sans être spécialiste de ces termes juridiques… Mais qu’est-ce qu’ils veulent de moi ? Je me le demande en permanence. La prison, comme c’est inscrit dans la loi, est censée corriger l’individu. Mais qu’est-ce qu’il faut que je corrige en moi ? J’étais antifasciste ; je reste et demeure antifasciste. Qu’est-ce qu’il faut que je fasse, que je devienne fasciste ?
Je faisais du sport amateur. Désormais je me suis transformé en squelette, ma santé est ruinée. Pour quel profit, à qui est-ce que ça sert ? Tous ont déjà beaucoup trop souffert, ce qui s’est passé a déjà eu des conséquences irréversibles. L’enfermement a détruit notre condition physique, la santé mentale de nos proches, ma famille est en miettes. Avec ma maladie je ne suis plus qu’un paria. Même si je sors de prison, comment est-ce que je pourrais aller chez des amis avec des enfants en bas âge ? Personne ne voudra s’approcher de moi… À quoi bon tout ça ? Pour que quelqu’un reçoive des récompenses, des prix ?
Je voudrais simplement dire que ce qu’a requis le procureur est tout simplement sans commune mesure avec ce que nous avons entendu pendant le procès. Un nombre aussi délirant d’années, tout ça pour quelques sorties, du bénévolat, des actions… Je n’ai pas compris en quoi j’étais un terroriste, et ces chiffres sont juste… Le mot « sentence » est déjà effrayant dans son usage quotidien, mais là, je ne sais même pas…
Un mot enfin sur ce qui nous attend. Sincèrement, ces chiffres, encore une fois, m’ont cloué au mur. Je ne sais juste pas comment revenir de tout ça. Ils ont piétiné ma vie, mais je ne veux pas détruire en plus celle de ma compagne. Quant à mes parents, ils sont déjà âgés, ils ont plus de soixante ans… Qu’est-ce que je ferai de ma peau après la prison ? On ne peut revenir que là où on est attendu. Pour moi, cela veut dire que je n’aurai nulle part où aller. Et je vais sans doute m’arrêter sur cette note douloureuse… ». Vasilij Kuksov
Les condamnations sont tombées. Les numéros d’écrou sont disponibles, pour celles et ceux qui ont le cœur à en réchauffer d’autres.
Dans ses mémoires, Victor Serge écrivait à propos de ses années parisiennes, vers 1910, le puissant vent internationaliste qui portait les passions anarchistes : « Nous nous sentions proches de toutes les victimes, de tous les révoltés du monde, nous nous serions battus avec joie pour les suppliciés des prisons de Montjuïc et d’Alcalá del Valle, dont nous rappelions chaque jour la souffrance. Nous sentions grandir en nous une magnifique et redoutable sensibilité collective ». C’est cette sensibilité au monde qui nous manque présentement, accaparé.e.s que nous sommes par les maux qui s’entassent sous nos fenêtres, et dont la solution ne peut venir que de la solidarité et du combat avec les exploité.e.s et les enfermé.e.s de ce monde. Si ce vieux mot de solidarité et le signe IFA figurant sur nos drapeaux doivent encore avoir quelque sens, nous devons manifester notre soutien, nous promettre de ne pas oublier, et recommencer à lutter et espérer ensemble.
Vera Ščukina.
Finalement, ce sont sept militants qui ont été condamnés ce lundi 10 février 2020. Pour avoir été anarchistes, antifascistes, simplement amateurs d’airsoft ou végétariens, nos camarades ont été victimes d’un procès monté de toutes pièces, à grands renforts de témoignages douteux, de fausses pièces à convictions ou d’aveux extirpés à coups de gégène. Le verdict : 86 ans, en cumulé, pour les 7 accusés, âgés de 23 à 31 ans (23 à 31 ans !), dont les noms méritent d’être connus : Dmitrij Pčelincev, 18 ans de « colonie correctionnelle à sécurité maximale » ; Il’ja Šakurskij, 16 ans ; Andrej Černov, 14 ans ; Maksim Ivankin, 13 ans ; Mihail Kul’kov, 10 ans ; Vasilij Kuksov, 9 ans ; Arman Sagynbaev, 6 ans.
Pour quoi ? Pour rien. Ou pour si peu – pour avoir voulu un monde moins dégueulasse que celui-ci, pour leurs contemporains et pour eux-mêmes.
En attendant que ce monde crève, voici les derniers mots prononcés par Vasilij Kuksov avant de recevoir sa condamnation. Torturé, tabassé, son séjour de trois ans en centre de rétention lui a d’ores et déjà valu de choper la tuberculose dans sa forme active. Ses mots lourds et sincères, mais souvent hagards et hésitants, témoignent de la terrible incompréhension et de la révolte impuissante d’un individu face à la machine d’État prête à piétiner des vies pour passer à d’autres l’envie de rejoindre la lutte.
« Je voudrais commencer par remercier tous les acteurs de ce procès, tous ceux qui ont été présents à nos audiences : nos auditeurs, nos défenseurs, les prévenus et l’honorable juge. Je suis en particulier reconnaissant au juge d’avoir rendu notre procès public, ce qui a permis aux nombreuses personnes sensibles à notre sort d’en prendre connaissance. Cette pensée me fait chaud au cœur, de même que me réchauffe le cœur l’idée de ne pas avoir déjà été oublié. Et j’espère ne jamais être oublié de mes parents, de ma compagne, de mes amis. Je voudrais aussi remercier tout spécialement ma mère et mon père. Ma mère est une personne toute de tendresse et de discrétion ; mon père est quelqu’un qui ne transige jamais avec la vérité : c’est sans doute à eux que j’ai emprunté ces qualités. Je remercie également les médias, qui ont jeté la lumière sur notre cas. Je suis reconnaissant de cette publicité, mais ne peux manquer de me demander combien de personnes, des centaines ou des milliers peut-être, ont été condamnées par le passé sans que personne aujourd’hui ne se souvienne d’elles.
Nous autres, les prévenus, nous avons parcouru avec nos avocats un long chemin, il s’est passé beaucoup de choses, et… Il y a eu plein de choses difficiles, avec les copains, on ne se connaissait pas, à part Il’ja je ne connaissais personne. Mais je suis heureux que nous soyons devenus amis. Comme je l’ai compris seulement pendant le procès, vu que nous ne nous parlions quasiment pas auparavant, ce qui nous unit est simplement le fait que nous croyons au bien, en quelque chose de mieux. Qu’on l’appelle comme on veut, du végétarisme, de l’antifascisme, c’est ce qui nous réunit. Je regrette de ne pas les avoir rencontrés plus tôt. J’ai bien sûr un énorme respect pour Il’ja Šakurskij, je suis heureux en cette heure d’avoir auprès de moi un ami et un camarade si robuste – même s’il serait mieux chez lui…
Jusqu’au dernier moment j’ai espéré que l’accusation renoncerait à requérir ces peines, qu’on rouvrirait une nouvelle enquête, que quelque chose changerait. Et aujourd’hui encore je ne peux pas m’empêcher de croire que quelque chose va peut-être changer, que le bon sens va finir par l’emporter…
Je voudrais dire que je ne regrette rien. Beaucoup disent : tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, tu savais où tu mettais les pieds. Je ne regrette pas d’y avoir mis les pieds, je ne regrette pas mon amitié avec Il’ja, je ne regrette pas les principes de vie auxquels je crois. D’autant plus que, comme le montre notre procès lui-même, il n’est pas besoin d’avoir fait quoi que ce soit pour se retrouver plus bas que terre – à se demander pourquoi donc on regarderait où on met les pieds.
Je n’ai rien fait de mal. Montrez-moi une seule personne à laquelle ne serait-ce qu’un seul d’entre nous aurait causé du tort. Comme Il’ja l’a fait remarquer, la seule question qui nous vient est : pourquoi ? Cette question me tourmente aussi, elle surgit en permanence quand tu es enfermé depuis déjà trois ans, quand tu croules sous les papiers pour ta défense, que tu alignes des notes, que tu consignes des remarques, soudain tu te demandes : « Mais pourquoi est-ce qu’on me force à faire tout ça exactement ? ». On t’arrête pour rien, on t’emprisonne, on te balance 39 tomes : tiens, pose-toi avec, et débrouille-toi.
Au milieu de l’enquête, le juge d’instruction me disait que ce procès devait être exemplaire : on vous colle en taule pour passer l’envie au reste du monde. Aux antifascistes, aux anarchistes. Pour qu’ils ne s’unissent pas, qu’ils ne se regroupent pas. Malgré tout, je pense qu’il est clair pour tout le monde que ce procès exemplaire a désormais l’effet inverse.
J’espère qu’il reste encore des gens sensibles et concernés qui suivent cette affaire, qui prennent conscience de tout ça. J’espère qu’un jour, dans un quelconque cours de droit, un professeur entrera dans la salle et dira : « Aujourd’hui, nous allons étudier un cas ouvert en 2017. On y trouve tout ce qu’il ne faut pas faire. Des irrégularités pareilles ne doivent jamais être tolérées ».
Quelques mots encore au sujet de la condamnation. Nous avons répété mille fois à quel point tout ça était absurde, insensé, mais là ce n’est juste pas possible. Même ce pour quoi on nous condamne, ce n’est pas possible. Mais c’est comme ça : ces sept-là tramaient une révolution. Je n’y comprends rien… C’est comme si on disait d’un groupe de bandits qu’ils voulaient braquer une banque juste avec un téléphone. Mais peu importe : ça fait déjà trois ans qu’on est là et que ça n’inquiète personne. […]
Nous ne sommes pas les seuls à souffrir ; je ne suis pas le seul à avoir peur d’être condamné, de recevoir une longue peine. Bien sûr que j’en ai peur, je ne vais pas le cacher. Mais en réalité ce ne sont pas sept individus qui souffrent, c’est toute notre famille.
J’ai déjà dit quelques mots à propos du sens de l’idée de justice équitable, sans être spécialiste de ces termes juridiques… Mais qu’est-ce qu’ils veulent de moi ? Je me le demande en permanence. La prison, comme c’est inscrit dans la loi, est censée corriger l’individu. Mais qu’est-ce qu’il faut que je corrige en moi ? J’étais antifasciste ; je reste et demeure antifasciste. Qu’est-ce qu’il faut que je fasse, que je devienne fasciste ?
Je faisais du sport amateur. Désormais je me suis transformé en squelette, ma santé est ruinée. Pour quel profit, à qui est-ce que ça sert ? Tous ont déjà beaucoup trop souffert, ce qui s’est passé a déjà eu des conséquences irréversibles. L’enfermement a détruit notre condition physique, la santé mentale de nos proches, ma famille est en miettes. Avec ma maladie je ne suis plus qu’un paria. Même si je sors de prison, comment est-ce que je pourrais aller chez des amis avec des enfants en bas âge ? Personne ne voudra s’approcher de moi… À quoi bon tout ça ? Pour que quelqu’un reçoive des récompenses, des prix ?
Je voudrais simplement dire que ce qu’a requis le procureur est tout simplement sans commune mesure avec ce que nous avons entendu pendant le procès. Un nombre aussi délirant d’années, tout ça pour quelques sorties, du bénévolat, des actions… Je n’ai pas compris en quoi j’étais un terroriste, et ces chiffres sont juste… Le mot « sentence » est déjà effrayant dans son usage quotidien, mais là, je ne sais même pas…
Un mot enfin sur ce qui nous attend. Sincèrement, ces chiffres, encore une fois, m’ont cloué au mur. Je ne sais juste pas comment revenir de tout ça. Ils ont piétiné ma vie, mais je ne veux pas détruire en plus celle de ma compagne. Quant à mes parents, ils sont déjà âgés, ils ont plus de soixante ans… Qu’est-ce que je ferai de ma peau après la prison ? On ne peut revenir que là où on est attendu. Pour moi, cela veut dire que je n’aurai nulle part où aller. Et je vais sans doute m’arrêter sur cette note douloureuse… ». Vasilij Kuksov
Les condamnations sont tombées. Les numéros d’écrou sont disponibles, pour celles et ceux qui ont le cœur à en réchauffer d’autres.
Dans ses mémoires, Victor Serge écrivait à propos de ses années parisiennes, vers 1910, le puissant vent internationaliste qui portait les passions anarchistes : « Nous nous sentions proches de toutes les victimes, de tous les révoltés du monde, nous nous serions battus avec joie pour les suppliciés des prisons de Montjuïc et d’Alcalá del Valle, dont nous rappelions chaque jour la souffrance. Nous sentions grandir en nous une magnifique et redoutable sensibilité collective ». C’est cette sensibilité au monde qui nous manque présentement, accaparé.e.s que nous sommes par les maux qui s’entassent sous nos fenêtres, et dont la solution ne peut venir que de la solidarité et du combat avec les exploité.e.s et les enfermé.e.s de ce monde. Si ce vieux mot de solidarité et le signe IFA figurant sur nos drapeaux doivent encore avoir quelque sens, nous devons manifester notre soutien, nous promettre de ne pas oublier, et recommencer à lutter et espérer ensemble.
Vera Ščukina.
PAR : Vera Ščukina
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