Autogestion > De la limonade à l’endive... en passant par un ballon de blanc.
Autogestion
par Boubich • le 15 janvier 2015
De la limonade à l’endive... en passant par un ballon de blanc.
Lien permanent : https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=146
ou : Comment diffuser les pratiques libertaires ? Les expériences du groupe Poulaille de Saint-Denis.
EXTRAIT DU MONDE LIBERTAIRE HORS SÉRIE N°59 : L’ANARCHIE A L’EPREUVE DU REEL
Depuis de nombreuses années, existait à Saint-Denis un groupe de la Fédération anarchiste, le groupe Henry Poulaille, fonctionnant de façon plutôt fermée et très "militante" : collages, manifestations...
Au début des années 2000, le triste constat du peu de résultats concrets obtenus malgré cette militance active, le manque de rayonnement dans la ville et la fatigue qui en découle amenèrent "les Poulaille" à faire une pause et à penser autrement leurs moyens d’action. Et si finalement, la solution, c’était la propagande par le fait ?
Et si, plutôt que de poser des bombes comme à la fin du XIX° siècle, on posait des graines ? Des graines de savoir, des graines de culture, des graines de légumes...
... Petit résumé d’expériences :
2004 : Le groupe Poulaille crée une association de propagande contre toutes les religions, quelles qu’elles soient : la Société de défense des laïques, non-croyants, non-croyantes et athées. Tous les mois, à la bourse du travail de la ville, un intervenant propose un sujet de réflexion sur ce thème : « Attention religion, » « Athéisme et Turquie », « Contre Benoît XVI », « Déclaration d’insoumission à l’usage des musulmans et de ceux qui ne le sont pas »…
Le public s’accroît progressivement, de nouveaux sujets en lien avec "les corbeaux" sont proposés...
2006 : réunis autour d’une limonade et d’un ballon de blanc, nous (« les deux vieux » comme on nous appelle, parce qu’initiateurs du groupe Poulaille) décidons de multiplier les conférences et les thèmes abordés, en proposant aux participants de prendre en charge eux-mêmes l’organisation des conférences.
2007, ouverture en de la Dionyversité : l’Université populaire de Saint-Denis est née ! Huit rendez-vous mensuels à la bourse du travail ainsi que diverses interventions (théâtre, cinéma, musique) se succèdent durant plus de quatre ans. La fréquentation des conférences augmente et, avec elle, de nouvelles demandes de sujets sont formulées, menant aussi à l’ouverture vers d’autres thèmes : autogestion et société, luttes féministes, crise, culture de la paix, psychiatrie et antipsychiatrie, etc…
Des envies nouvelles en découlent, et principalement celle de se prendre en charge : il s’agirait, non plus de théoriser, mais de concrétiser à travers la pratique pour intervenir collectivement au sein de la ville.
Dès lors, un collectif de dionyversitaires (comme ils se nomment) se rassemble autour d’un projet de création d’une Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne. Les réunions rassemblent des membres d’horizons divers, et confrontent des habitudes de pratiques différentes autour de questions communes : si la distribution des légumes ne semble pas poser de problème, la structure juridique et le fonctionnement quotidien font l’objet de discussions houleuses et conflictuelles : faut-il une association ? Comment établir une rotation des tâches : l’imposer ou la laisser s’installer "naturellement" ? "Bio", "pas bio", quelle doit être notre position ?
De nombreuses réunions sont nécessaires à l’aboutissement du projet, mené sans idée préconçue de structure imposée. L’intelligence et les argumentaires de tous permettront d’aboutir à un équilibre entre les individus et le collectif : comment être soi dans un collectif ? Comment faire qu’une libre association ne devienne pas une contrainte collective ?
Il serait possible d’écrire des pages sur cette création et son fonctionnement. Comment en se prenant en charge, avec très peu de moyens, arrive-t-on à "faire" ?
Car ici, évidemment, le but principal n’est pas de manger des panais, des radis ou même des endives, mais simplement de créer et de faire vivre un collectif au travers d’idées libertaires : sans hiérarchie, sans pouvoir individuel, et sans (tant que faire se peut) circulation d’argent, mais avec de l’entraide et de la solidarité.
2010 : avec une forte énergie et des réunions rassemblant plus de 200 personnes, naît enfin l’AMAP Court-circuit. Nous avons cherché et trouvé un local, car il nous paraît fondamental que le lieu de distribution des légumes soit un lieu fixe et permanent, qui permette à chacun de traîner sur place après avoir rempli son panier, pour échanger, se réunir... et imaginer d’autres activités.
Les quatre producteurs associés découvrent un fonctionnement différent d’autres AMAP traditionnelles et pyramidales : un fonctionnement sans hiérarchie, libertaire, qui est non seulement possible mais viable.
Depuis 2010 : Le collectif s’est agrandi, tant en nombre qu’en rayon d’action : un grand nombre d’initiatives nouvelles ont vu le jour, cinéma, bibliothèque, dvdthèque, docu-club, club informatique, atelier vélo, cuisine, manifestations, etc. Le lieu est devenu une fédération d’initiatives.
Le fonctionnement quotidien ne coule pas forcément de source mais il y a autant de conflits que de résolutions... et, ajoutée à cela, une bonne dose de plaisir.
Bien entendu, ce n’est pas la révolution avec un grand R : cette alternative est limitée dans l’espace et très certainement dans le temps. Nous faisons partie d’une société bien réelle, très structurée et oppressante, mais ce lieu, cet espace, nous permet de mettre en pratique, hors du milieu militant stricto sensu, des idées et un fonctionnement libertaires.
De toutes ces rencontres, le groupe anarchiste du départ s’est énormément enrichi et étoffé, mais plus encore, c’est l’idée d’une possibilité d’organisation libertaire qui se diffuse, que ce soit en interne grâce au développement des idées au sein même du collectif, ou en externe, la mise en œuvre des pratiques se reproduisant et se diffusant en dehors du collectif.
Aujourd’hui l’AMAP réunit 260 personnes. Tout au long des activités nous en avons rencontré beaucoup plus : certaines sont présentes depuis le début, d’autres ont disparu ou ont déménagé, d’autres encore sont parties mais restent attachées à la Dionyversité comme à l’AMAP, et nous rendent régulièrement visite.
Beaucoup de réalisations sont en cours, dont un projet de coopérative d’achat de produits locaux ou issus du commerce équitable. Nous commençons à imaginer ensemble un fonctionnement autogéré spécifique et adapté à cette coopérative. Ce nouveau projet, motivant par bien des aspects, va également nous permettre d’entrer en contact avec de nouvelles personnes et de continuer à diffuser nos idées et nos pratiques.
Dans cette construction collective, chacun trouve une expérience qui lui est propre et personnelle...
Au début des années 2000, le triste constat du peu de résultats concrets obtenus malgré cette militance active, le manque de rayonnement dans la ville et la fatigue qui en découle amenèrent "les Poulaille" à faire une pause et à penser autrement leurs moyens d’action. Et si finalement, la solution, c’était la propagande par le fait ?
Et si, plutôt que de poser des bombes comme à la fin du XIX° siècle, on posait des graines ? Des graines de savoir, des graines de culture, des graines de légumes...
... Petit résumé d’expériences :
La genèse : l’attaque de la religion mène à tout.
2004 : Le groupe Poulaille crée une association de propagande contre toutes les religions, quelles qu’elles soient : la Société de défense des laïques, non-croyants, non-croyantes et athées. Tous les mois, à la bourse du travail de la ville, un intervenant propose un sujet de réflexion sur ce thème : « Attention religion, » « Athéisme et Turquie », « Contre Benoît XVI », « Déclaration d’insoumission à l’usage des musulmans et de ceux qui ne le sont pas »…
Le public s’accroît progressivement, de nouveaux sujets en lien avec "les corbeaux" sont proposés...
On avance vers la culture.
2006 : réunis autour d’une limonade et d’un ballon de blanc, nous (« les deux vieux » comme on nous appelle, parce qu’initiateurs du groupe Poulaille) décidons de multiplier les conférences et les thèmes abordés, en proposant aux participants de prendre en charge eux-mêmes l’organisation des conférences.
2007, ouverture en de la Dionyversité : l’Université populaire de Saint-Denis est née ! Huit rendez-vous mensuels à la bourse du travail ainsi que diverses interventions (théâtre, cinéma, musique) se succèdent durant plus de quatre ans. La fréquentation des conférences augmente et, avec elle, de nouvelles demandes de sujets sont formulées, menant aussi à l’ouverture vers d’autres thèmes : autogestion et société, luttes féministes, crise, culture de la paix, psychiatrie et antipsychiatrie, etc…
Des envies nouvelles en découlent, et principalement celle de se prendre en charge : il s’agirait, non plus de théoriser, mais de concrétiser à travers la pratique pour intervenir collectivement au sein de la ville.
Dès lors, un collectif de dionyversitaires (comme ils se nomment) se rassemble autour d’un projet de création d’une Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne. Les réunions rassemblent des membres d’horizons divers, et confrontent des habitudes de pratiques différentes autour de questions communes : si la distribution des légumes ne semble pas poser de problème, la structure juridique et le fonctionnement quotidien font l’objet de discussions houleuses et conflictuelles : faut-il une association ? Comment établir une rotation des tâches : l’imposer ou la laisser s’installer "naturellement" ? "Bio", "pas bio", quelle doit être notre position ?
De nombreuses réunions sont nécessaires à l’aboutissement du projet, mené sans idée préconçue de structure imposée. L’intelligence et les argumentaires de tous permettront d’aboutir à un équilibre entre les individus et le collectif : comment être soi dans un collectif ? Comment faire qu’une libre association ne devienne pas une contrainte collective ?
Il serait possible d’écrire des pages sur cette création et son fonctionnement. Comment en se prenant en charge, avec très peu de moyens, arrive-t-on à "faire" ?
Car ici, évidemment, le but principal n’est pas de manger des panais, des radis ou même des endives, mais simplement de créer et de faire vivre un collectif au travers d’idées libertaires : sans hiérarchie, sans pouvoir individuel, et sans (tant que faire se peut) circulation d’argent, mais avec de l’entraide et de la solidarité.
2010 : avec une forte énergie et des réunions rassemblant plus de 200 personnes, naît enfin l’AMAP Court-circuit. Nous avons cherché et trouvé un local, car il nous paraît fondamental que le lieu de distribution des légumes soit un lieu fixe et permanent, qui permette à chacun de traîner sur place après avoir rempli son panier, pour échanger, se réunir... et imaginer d’autres activités.
Les quatre producteurs associés découvrent un fonctionnement différent d’autres AMAP traditionnelles et pyramidales : un fonctionnement sans hiérarchie, libertaire, qui est non seulement possible mais viable.
Depuis 2010 : Le collectif s’est agrandi, tant en nombre qu’en rayon d’action : un grand nombre d’initiatives nouvelles ont vu le jour, cinéma, bibliothèque, dvdthèque, docu-club, club informatique, atelier vélo, cuisine, manifestations, etc. Le lieu est devenu une fédération d’initiatives.
Le fonctionnement quotidien ne coule pas forcément de source mais il y a autant de conflits que de résolutions... et, ajoutée à cela, une bonne dose de plaisir.
Une alternative comme espace d’éducation populaire pour résister au système
Bien entendu, ce n’est pas la révolution avec un grand R : cette alternative est limitée dans l’espace et très certainement dans le temps. Nous faisons partie d’une société bien réelle, très structurée et oppressante, mais ce lieu, cet espace, nous permet de mettre en pratique, hors du milieu militant stricto sensu, des idées et un fonctionnement libertaires.
De toutes ces rencontres, le groupe anarchiste du départ s’est énormément enrichi et étoffé, mais plus encore, c’est l’idée d’une possibilité d’organisation libertaire qui se diffuse, que ce soit en interne grâce au développement des idées au sein même du collectif, ou en externe, la mise en œuvre des pratiques se reproduisant et se diffusant en dehors du collectif.
Aujourd’hui l’AMAP réunit 260 personnes. Tout au long des activités nous en avons rencontré beaucoup plus : certaines sont présentes depuis le début, d’autres ont disparu ou ont déménagé, d’autres encore sont parties mais restent attachées à la Dionyversité comme à l’AMAP, et nous rendent régulièrement visite.
Beaucoup de réalisations sont en cours, dont un projet de coopérative d’achat de produits locaux ou issus du commerce équitable. Nous commençons à imaginer ensemble un fonctionnement autogéré spécifique et adapté à cette coopérative. Ce nouveau projet, motivant par bien des aspects, va également nous permettre d’entrer en contact avec de nouvelles personnes et de continuer à diffuser nos idées et nos pratiques.
Dans cette construction collective, chacun trouve une expérience qui lui est propre et personnelle...
PAR : Boubich
Groupe de Poulaille de la Fédération anarchiste
Groupe de Poulaille de la Fédération anarchiste
SES ARTICLES RÉCENTS :
Réagir à cet article
Écrire un commentaire ...
Poster le commentaire
Annuler
1 |
le 13 décembre 2018 12:50:02 par ZÉRO DE CONDUITE |
ÉCRIT PAR UN EXPERT DE L’AUTOGESTION MACRONIENNE