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Chroniques du temps réel
par Bérangère ROZEZ • le 25 mai 2020
Sois belle et masquée
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A situation inédite, mesures toutes aussi inédites. Nous voilà de retour dans les rues, hommes et femmes couverts du « précieux » en tissu.
Le masque libérateur
Après deux mois de confinement et de distanciation sociale rigoureuse, le désir de respirer à l’air libre en est devenu presque obsessionnel. Pour autant, le temps n’est pas encore venu où l’on exhalera à pleins poumons sur les plages ou dans les parcs, chacun devant pour le moment se contenter de filtrer sa vie, d’inspirer et d’expirer à travers un masque correctement disposé sur la figure. Nouvelles rêveries des promeneurs masqués auxquels on ne prêtera plus ou peu d’émotions. On aura oublié que l’échange commence souvent par deux sourires échangés…
Le masque, icône nationale
Après avoir été critiqué, mis au rang des banalités, le masque devient l’objet incontournable de la reprise, l’essentiel du retour à la vie sociale mais distanciée, le Graal permettant de retrouver une certaine sociabilité. De l’ordinaire on passe à l’extraordinaire. L’extraordinaire pour enjoliver sa vie, la rendre plus supportable. Depuis quelque temps, le masque captive, le masque happe le regard. Il hypnotise. Il séduit. Il conquiert. Il devient l’objet de toutes les attentions et des convoitises. Il est l’indispensable à avoir, à posséder. D’objet ordinaire à objet extraordinaire, il en devient iconique. Changement de statut.
De l’exploitation du masque à la couture pour la ménagère
La grande distribution et l’industrie du luxe s’emparent du culte de l’accessoire. Le masque est alors décliné en modèles divers et variés, dans une gamme infinie de teintes et de motifs. Les médias s’exaltent de voir des petites mains à l’ouvrage dans des usines requalifiées pour l’occasion. Productions massives. Plein les masques !
Un rituel de mode
Toute occasion est propice pour proposer aux femmes d’être belles, de le devenir ou de le rester quelles que soient les circonstances, en leur insufflant la manière d’y parvenir. Ce qu’une femme montre et arbore doit être beau et plaisant à regarder, élégant à porter. L’industrie de la mode n’a eu de cesse depuis des décennies de s’appuyer sur des soi-disant préceptes de la féminité pour exhorter la femme à devenir un canon de beauté normé, suivant des règles de bonne apparence, de bonne tenue vestimentaire, telles des règles de bonnes conduites. La mini-jupe, le pantalon éléphant, les rayures, les pois, le sac à main cabas, les espadrilles, les couleurs pastel, la dentelle…Tout y passe. Chaque saison, une injonction. Être à l’affût du détail, de la dernière tendance, pour rester « in et fashion », femme assumée et décomplexée. La femme infantilisée loin d’être libérée se retrouve sous le joug d’injonctions incessantes à la perfection, dépossédée de son corps, aliénée dans une façon de paraître, accessoirisée. Le masque devient le rituel de mode de l’année.
De l’objet-masque à la femme-objet
Après avoir réussi à se soustraire pendant deux mois à certaines exigences dites de féminité comme le maquillage, l’épilation, le lissage ou la coloration des cheveux, chaque femme est invitée à reprendre son rôle de Femme dans la société. La Femme sera libre de sortir et d’afficher son style dans une société où les différences genrées pourraient être gommées puisque tous nous serons masqués. Mais l’idée, c’est de se démarquer tout en restant raccord avec soi-même. S’afficher au grand public avec un masque reflétant son intériorité et ses goûts. Tenter de se faire valoir, de se faire remarquer, de se faire une place. La mode et le style comme un signe extérieur de féminité, d’esthétisme, et de marqueur social. Grâce à l’accessoire du masque, la Femme pourrait redevenir qui elle est vraiment, s’imposer avec son identité retrouvée, reprendre sa place, retrouver un certain pouvoir, tout en étant incitée à acheter de nouveaux masques encore plus fashion, adaptés à ses changements de vie, à l’évolution de sa personnalité...
Le diktat de l’apparence
Mais les femmes ne sont pas dupes. Si dans les semaines et les mois à venir, elles porteront leur masque comme les hommes d’ailleurs, elles pourront garder un œil critique sur ces pseudo-recommandations bien rodées, ces faux prétextes influencés par le marketing néolibéral les enjoignant à consommer toujours davantage, pour rester dans l’air du temps, faisant de leurs choix d’apparat le reflet de leur émancipation certaine. Le propos n’est pas de remettre en question l’idée de faire son masque soi-même, dont la réalisation personnelle peut s’avérer effectivement plaisante, mais il s’agit plutôt de s’interroger sur nos pratiques et nos croyances qui tendent à faire prédominer l’apparence sur l’être dans notre société contemporaine.
Masque ou pas masque, même si ce sera probablement avec pendant quelque temps, rien d’autre que nous-même fera de nous ce que nous sommes.
Bérangère ROZEZ
Le masque libérateur
Après deux mois de confinement et de distanciation sociale rigoureuse, le désir de respirer à l’air libre en est devenu presque obsessionnel. Pour autant, le temps n’est pas encore venu où l’on exhalera à pleins poumons sur les plages ou dans les parcs, chacun devant pour le moment se contenter de filtrer sa vie, d’inspirer et d’expirer à travers un masque correctement disposé sur la figure. Nouvelles rêveries des promeneurs masqués auxquels on ne prêtera plus ou peu d’émotions. On aura oublié que l’échange commence souvent par deux sourires échangés…
Le masque, icône nationale
Après avoir été critiqué, mis au rang des banalités, le masque devient l’objet incontournable de la reprise, l’essentiel du retour à la vie sociale mais distanciée, le Graal permettant de retrouver une certaine sociabilité. De l’ordinaire on passe à l’extraordinaire. L’extraordinaire pour enjoliver sa vie, la rendre plus supportable. Depuis quelque temps, le masque captive, le masque happe le regard. Il hypnotise. Il séduit. Il conquiert. Il devient l’objet de toutes les attentions et des convoitises. Il est l’indispensable à avoir, à posséder. D’objet ordinaire à objet extraordinaire, il en devient iconique. Changement de statut.
De l’exploitation du masque à la couture pour la ménagère
La grande distribution et l’industrie du luxe s’emparent du culte de l’accessoire. Le masque est alors décliné en modèles divers et variés, dans une gamme infinie de teintes et de motifs. Les médias s’exaltent de voir des petites mains à l’ouvrage dans des usines requalifiées pour l’occasion. Productions massives. Plein les masques !
Un rituel de mode
Toute occasion est propice pour proposer aux femmes d’être belles, de le devenir ou de le rester quelles que soient les circonstances, en leur insufflant la manière d’y parvenir. Ce qu’une femme montre et arbore doit être beau et plaisant à regarder, élégant à porter. L’industrie de la mode n’a eu de cesse depuis des décennies de s’appuyer sur des soi-disant préceptes de la féminité pour exhorter la femme à devenir un canon de beauté normé, suivant des règles de bonne apparence, de bonne tenue vestimentaire, telles des règles de bonnes conduites. La mini-jupe, le pantalon éléphant, les rayures, les pois, le sac à main cabas, les espadrilles, les couleurs pastel, la dentelle…Tout y passe. Chaque saison, une injonction. Être à l’affût du détail, de la dernière tendance, pour rester « in et fashion », femme assumée et décomplexée. La femme infantilisée loin d’être libérée se retrouve sous le joug d’injonctions incessantes à la perfection, dépossédée de son corps, aliénée dans une façon de paraître, accessoirisée. Le masque devient le rituel de mode de l’année.
De l’objet-masque à la femme-objet
Après avoir réussi à se soustraire pendant deux mois à certaines exigences dites de féminité comme le maquillage, l’épilation, le lissage ou la coloration des cheveux, chaque femme est invitée à reprendre son rôle de Femme dans la société. La Femme sera libre de sortir et d’afficher son style dans une société où les différences genrées pourraient être gommées puisque tous nous serons masqués. Mais l’idée, c’est de se démarquer tout en restant raccord avec soi-même. S’afficher au grand public avec un masque reflétant son intériorité et ses goûts. Tenter de se faire valoir, de se faire remarquer, de se faire une place. La mode et le style comme un signe extérieur de féminité, d’esthétisme, et de marqueur social. Grâce à l’accessoire du masque, la Femme pourrait redevenir qui elle est vraiment, s’imposer avec son identité retrouvée, reprendre sa place, retrouver un certain pouvoir, tout en étant incitée à acheter de nouveaux masques encore plus fashion, adaptés à ses changements de vie, à l’évolution de sa personnalité...
Le diktat de l’apparence
Mais les femmes ne sont pas dupes. Si dans les semaines et les mois à venir, elles porteront leur masque comme les hommes d’ailleurs, elles pourront garder un œil critique sur ces pseudo-recommandations bien rodées, ces faux prétextes influencés par le marketing néolibéral les enjoignant à consommer toujours davantage, pour rester dans l’air du temps, faisant de leurs choix d’apparat le reflet de leur émancipation certaine. Le propos n’est pas de remettre en question l’idée de faire son masque soi-même, dont la réalisation personnelle peut s’avérer effectivement plaisante, mais il s’agit plutôt de s’interroger sur nos pratiques et nos croyances qui tendent à faire prédominer l’apparence sur l’être dans notre société contemporaine.
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Bérangère ROZEZ
PAR : Bérangère ROZEZ
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