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Cinéma
par Daniel Pinós le 12 avril 2025

Simón de la montaña

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Le handicap et l’amour vus à travers un film argentin primé à Cannes en 2024

Simón a 21 ans et vit en Argentine. Depuis peu, il fréquente une nouvelle bande d’amis inattendue. Auprès d’eux, pour la première fois, il a le sentiment d’être lui-même. Mais son entourage s’inquiète et ne le reconnaît plus. Et si Simón voulait devenir quelqu’un d’autre ?




Le thème du handicap est l’axe central de Simón de la montaña, réalisé par Luis Federico, il a remporté le prix du meilleur film à la Semaine de la Critique à Cannes en mai dernier. Simón (l’acteur Lorenzo Ferro) n’a aucun handicap, mais il laisse entendre qu’il en a un. Est-il un imposteur ou agit-il ainsi pour se sentir intégré à sa bande d’amis ?
Lorenzo Ferro incarne un personnage fascinant et dépourvu de tout angélisme, qui navigue entre deux mondes. Le film commence lors d’une forte tempête de vent, dans une zone désertique près de la Cordillère des Andes. Là, nous voyons Simón, Pehuén et d’autres jeunes se perdre lors d’une excursion en altitude.
Nous apprendrons bientôt que Simón ne possède pas le certificat d’handicapé indispensable pour vivre dans le centre de santé où sont logés ses amis. Sa mère et son compagnon pensent que Simón simule un handicap auditif uniquement pour pouvoir passer plus de temps avec ses amis.
Simón est plus à l’aise avec Pehuén et Kiara, une adolescente trisomique avec qui il va nouer une relation sentimentale. Et il accepte peu à peu ce qu’il simule comme s’il s’agissait d’un véritable handicap.

L’amour et l’éveil sexuel dans le monde du handicap
« J’explore le désir. J’aime avant tout faire des films sur l’amour. Filmer le désir de personnes qui semblent exclues de l’univers du plaisir (et de sa représentation cinématographique) m’enthousiasme. Je suis fasciné par les formes alternatives de tendresse, celles qui, inconsciemment et sans calcul, court-circuitent la morale affective dominante par d’autres formes d’amour et de folie. Et si à cette occasion, le film bouscule un tout petit peu notre rapport à la folie, c’est gagné́ ! »




Le regard du réalisateur permet d’approfondir le quotidien des jeunes, leur initiation sexuelle, l’amour, la solidarité. Mais il les montre aussi essayant de tirer parti de leur situation (par exemple, lorsqu’ils veulent entrer gratuitement dans un cinéma), mais jamais de manière paternaliste, plutôt de manière intégratrice.
« Le personnage de Simón est une construction fantastique qui conjugue les préoccupations, les projections, les passions et les obsessions qui gravitent autour de la notion de handicap. Les motivations de Simon à rejoindre ce groupe d’amis est effectivement la question centrale du film. Elle a hanté chaque étape de la création. Dans le scenario nous apportions initialement quelques réponses, puis nous nous en sommes détachés. » déclare le réalisateur.
Les films qui s’éloignent des conventions, en nous permettant de découvrir les relations entre des personnes qui sont hors normes ne sont pas si nombreux. Simón de la montaña parle du rejet de la différence, des préjugés et le fait d’une manière atypique et différente des films consacrés au sujet. Entre film d’adolescence, comédie sociale et romantique, cette œuvre inclassable nous montre le handicap comme un pouvoir et non comme une différence.

A noter
La sortie de ce film en Argentine a coïncidé avec la fermeture de L’Institut national du cinéma. L’avenir est très sombre pour le cinéma argentin. Le président actuel, l’ultralibéral Javier Milei, a choisi de faire du cinéma et de la culture ses ennemis politiques pour mener à bien sa politique de destruction des services publics et des institutions culturelles. À coup de tronçonneuse, ce disciple de Trump s’est systématiquement attelé au démantèlement de la culture argentine avec une cruauté́ effrayante et l’a orienté vers un capitalisme sauvage.
Sans pluralité́ de voix, sans cinéma fédéral, sans cinéma d’auteur et sans voix singulières, il est impossible de faire un film en Argentine aujourd’hui. Simón de la montaña a été l’un des derniers films à voir le jour avant la mort de l’Institut national du cinéma argentin.

Daniel Pinós

Simón de la montaña
Un film de Federico Luis.
Drame. Argentine, Chili, Uruguay, 2024. 94 minutes, SAM 13 R.
Sortie en salles le 23 avril
PAR : Daniel Pinós
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