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Dans un sale État
par Anne le 29 novembre 2020

Place de la République, mardi soir

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C’était beau, cette unité place de la République lundi soir, m’écrit une amie. Oui, beau cette rangée de tentes au toit bleu, alignées géométriquement…




Oui, beau et triste, répond quelqu’un car quelle folie dévastatrice s’est emparée de ce monde ? Les policiers renversent les tentes avec les gens qui dorment dedans, ils les basculent, cul par-dessus, ils leur disent « ne me parlez pas » en les extirpant, endormis, de leurs duvets, eux qui couraient déjà chaque nuit de droite à gauche et qui croyaient, trompés par les associations humanitaires, être protégés pour une fois… On les bouscule, on les matraque, on les course comme des jeunes veaux, on leur décroche des croche-pattes, on arrache leurs oripeaux, papiers, téléphone, peu d’argent… On s’acharne, matraque et tabasse, y compris les journalistes. Une loi est en préparation et peut-être se sentent-ils couverts, les robots-cops? Toute honte bue, ils les malmènent. La gauche entre en ébullition, les journaleux sortent pour une fois de leur silence, ils ont eu peur, comme les migrants. Le joug fasciste se rapproche.

La France se réveille indignée et le lendemain, les parisiens courent s’assembler sur la place pour crier leur indignation.



Dès 18 heures, tous, on est là, dès la nuit tombante, près de la statue de la République qui s’illumine artistiquement de rouge, violet ou bien bleu clair. C’est très bobo et on papote. Beaucoup de jeunes, quelques élus qui partent vite, une fois leur présence remarquée. On grimpe en haut sur la statue et des banderoles affichent des slogans très gentils. On est masqué. Une femme passe : « mais ôtez ces masques, nom de Dieu ! Vous réclamez la liberté et arborez des muselières ! Osez, que diable ! » Quelques gilets jaunes énervés reviennent de la place Herriot où ils ont sifflé les luxueuses voitures officielles qui s’engouffraient à l’Assemblée, pour voter l’article 24. Liberté, liberté ! scandent-ils, montrant le poing. Certains sont un peu excités. On les regarde indifférents. Sur la place où tant de fois ont plu les grenades lacrymo ou celles de désencerclement, où les policiers nous nassaient et nous injuriaient, rien ne se passe. Pas de condé à l’horizon.

Ciel, le déconfinement est fini ? Macron parti ? La sixième république est née ? Comme il fait doux et quelle magnifique agora, on peut converser tranquillement, parce qu’on est blanc, nourri, vêtu et certes bien éduqué, là où hier les Afghans qui fuyaient la guerre, les Érythréens, Somaliens, se faisaient chasser à coups de pied.
Dormez bonnes gens ! Le ministre a trouvé choquantes les vidéos des flics en meutes, il contactera l’IGPN, le préfet de police sera sauf ; matraquer ce soir ces bonnes gens mettrait un peu d’huile sur le feu, on va leur donner du répit. Et quand un ou deux énervés veulent partir en manif sauvages, quelques gilets jaunes revanchards, non, on ne gaze pas, la France regarde, on s’avance et ils reculent, le plus courtoisement du monde, après vous, messieurs, on vous prie, vous êtes blancs dans la nuit noire, on vous voit bien, ce n’est pas du tout la même chose…

Ah, bonnes gens, réveillez-vous donc ! Cela vous arrivera demain, demain vous ne serez plus blancs mais des ennemis du régime, des factieux, une foule haineuse, tout peut basculer en un jour. Réveillez-vous ! Vos bons sentiments ne sont rien ! Il faut lutter, sortir de vos petits cocons, observer ce qu’on vous prépare !

Vous n’êtes pas noirs, mais ça viendra.

Anne gilet jaune de Saint-Ouen











PAR : Anne
gilet jaune de Saint-Ouen
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