Selon le journal « Les Échos » du 19 septembre 2023, qui s’en réjouit et titre « Le retour en grâce du nucléaire », le baromètre annuel publié par l’IRSN (Institut de radio protection et de sûreté nucléaire) assure que les Français (un sur deux) sont de plus en plus favorables à la construction de nouvelles centrales nucléaires. La journaliste rappelle que ce sont « les enjeux d’indépendance énergétique, mis en lumière par la guerre en Ukraine, (qui) ont renforcé l’opinion favorable des Français pour le nucléaire ». Pourtant sensible aux enjeux géopolitiques, l’auteure oublie de mentionner qu’au Niger, l’arrivée au pouvoir d’un quarteron de généraux peu favorables aux intérêts de l’ancienne puissance coloniale fragilise d’autant les approvisionnements français en uranium. L’uranium utilisé en France provient du Kazakhstan, (20 %), de l’Australie (19 %), du Niger (18 %), de l’Ouzbékistan (16 %). De quelle indépendance parle-t-on ? Dès lors, on comprend qu’il s’agit tout d’abord de « faire passer les bons messages » pour influencer la courbe des baromètres d’opinion, ces votes par statistique interposée.
Des sondés imbéciles ?

À moins que les Français, au moins la moitié de celles et ceux qui ont été consultés pour cette prise de température, ne soient des cons ! En effet, comment comprendre l’acceptation grandissante d’un mode de production d’énergie qui cumule tous les défauts : excessivement peu fiable et exagérément coûteux, producteur de déchets dont la durée de vie dépasse l’entendement et dont on ne sait que faire. Une industrie dont le principe est de produire de la chaleur (les deux tiers de l’énergie produite par une centrale sont dispersés sous forme de chaleur, dans l’eau et l’air) quand elle prétend contribuer à la limitation de la hausse des températures… Donc soit les Français sont des cons, soit les promoteurs de la relance du nucléaire sont d’extraordinaires communicants (avec beaucoup d’argent pour cela), puisqu’ils sont capables de faire croire que le nucléaire civil n’a jamais fait de victimes, quand les statistiques réelles montrent que les accidents de Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011) sont responsables de plusieurs centaines de milliers de décès, dans les jours, les mois et les années qui ont suivi, et que ces catastrophes sont toujours en cours.
Un projet Manhattan de la bêtise

Le 25 septembre, le journal Le Monde vient apporter son petit bout de Césium à l’édifice en publiant une tribune d’éminents scientifiques (dont un prix Nobel de physique, ça claque !) qui appellent rien moins qu’ « à la mise en œuvre d’un projet Manhattan de la transition écologique ». On prend soin de nous rappeler que le « Projet Manhattan » est l’ambitieux et démesuré projet industriel de mise au point de la bombe atomique. Une éclatante réussite du génie états-unien dont le succès a été couronné par la volatilisation instantanée d’un peu plus de 200 000 Japonais, en août 1945, à Hiroshima et Nagasaki, sans compter les dizaines de milliers de décès survenus dans les mois et les années suivantes, jusqu’à aujourd’hui. Nos nobles scientifiques, probablement soulevés d’enthousiasme après avoir vu « Oppenheimer », le biopic consacré par Christopher Nolan au « père de la bombe », proposent donc un « Projet Manhattan de la transition écologique ». Ils ignorent sans doute qu’ils sont en pleine fiction puisque, contrairement à l’histoire officielle, le lâcher de ces deux bombes, « Fat boy » et l’autre, n’était absolument pas nécessaire à la victoire militaire US. Les archives états-uniennes (voir le livre de Jean Marc Royer, Le Monde comme projet Manhattan) révèlent comment Robert Oppenheimer et son acolyte, le général Leslie Groves (les deux maîtres d’œuvre de ce projet génocidaire,) ont tout fait pour obtenir leur essai grandeur nature, et comment ils se sont ingéniés pour que les deux bombardements soient les plus destructeurs possibles. Dès lors, on ne peut que s’interroger sur l’état d’esprit des glorieux scientifiques français qui prétendent mener à bien un projet destiné à sauver la planète (c’est leur ambition) en s’offrant le patronage d’un des projets industriels les plus mortifères de l’histoire. Sont-ils un peu cons eux aussi, ou simplement ignares ?

On sait que la relance de l’ambition industrialo-nucléaire française fait partie des priorités du quinquennat Macron 2. Pour vendre la nécessité d’une industrie aussi dispendieuse (le coût de l’EPR de Flamanville a été multiplié par 6 pour bientôt atteindre les 20 milliards d’euros !) qu’inefficace (13 années de retard et ça ne fonctionne toujours pas !) il est sûrement nécessaire de mettre en place une communication façon bulldozer, c’est ce à quoi nous assistons. Il faut préparer les esprits, leur faire accepter les décisions par avance.
Démanteler l’IRSN

Justement, au programme des décisions difficiles à avaler, le gouvernement a prévu de démanteler l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de répartir ses activités entre celles de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), avec bien sûr pour ambition de : « renforcer l’indépendance du contrôle en matière de sûreté nucléaire ». Là aussi, on est comme des fous, on y croit complètement. On y croit tellement qu’il est envisagé que certains de ces services de contrôle soient rattachés au ministère de la Défense ! Ils ont pourtant bien dit indépendance ! Mais le projet de loi prévu à cet effet est sur les rails, et il doit être discuté et voté au parlement avant la fin de l’année, si possible sans bruit, et sans 49.3. La grande machine à communiquer chausse donc ses gros sabots, les chiens de garde s’activent.
Il va donc falloir sérieusement se mobiliser pour s’opposer aux délires élaborés par la nucléocratie au pouvoir. Après les désillusions de Creys Malleville (1977) et l’arrêt de la construction de nouvelles centrales à partir des années 80, le mouvement s’est étiolé, disputé, séparé… Depuis quelques mois, les différentes organisations tentent de coordonner leurs actions. C’est la mobilisation contre le projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure et l’annonce du projet de construire de nouveaux EPR qui ont sonné l’heure de la remobilisation.

Le 3 juin dernier, réunie à la Bourse du Travail de Paris, une coordination d’organisations dont la FA est partie prenante et où l’on trouve, sans pouvoir les citer toutes, Arrêt du Nucléaire (ADN), Sortir du Nucléaire (SDN), ATTAC, Comité Centrales... s’est mise d’accord sur un communiqué intitulé: « Le nucléaire n’est bon ni pour la planète, ni pour son climat, ni pour la paix ».
La Coordination antinucléaire qui en a résulté a établi un agenda estival que l’on peut retrouver via ce lien: https://paris3juin.noblogs.org/ .

Parmi les différentes actions organisées pendant l’été, on peut citer :
- Arrêt du Nucléaire proposait ses journées d’été à Bure les 7, 8 et 9 juillet.
- Dans le Nord-Ouest, du 13 au 29 juillet, 4 mini-camps / universités d’été citoyennes étaient organisés sur le thème du nucléaire et de la transition énergétique. Ces camps prenaient place à proximité des nombreux sites nucléarisés qui maillent la Normandie, de La Hague à l’ouest, à Paluel et Penly à l’est.

Du 3 au 6 août, la toute jeune coordination s’est retrouvée sur le plateau du Larzac où avait lieu la première édition des « Résistantes » – Rencontres des luttes locales et globales. Avec le communiqué « Le mouvement antinucléaire s’organise pour contre-attaquer la relance du nucléaire militaire et civil, et tous les projets qui en découlent. », de nouvelles mobilisations sont venues s’ajouter à l’agenda avec notamment :
- Le 23 septembre, dans plusieurs villes de France, des « marches pour un monde sans armes nucléaires »
- Le 22 octobre, des actions automnales sont laissées à l’initiative des coordinations locales contre le nucléaire, sa relance et toutes ses pollutions (1).

En effet, la coordination nationale s’est subdivisée en 5 coordinations régionales :
Paris-Île-de-France, incluant Nogent-sur-Seine.
Nord-Ouest : les centrales le long de la Loire, Penly, Paluel.
Pointe Bretonne, Nord-Cotentin
Nord-Est : Cattenom, Chooz, Graveline, Bure et son territoire
nucléarisé, Valduc, (Fessenheim)
Sud-Ouest : Blayais, Golfech, Civaux
Sud-Est : toute la Vallée du Rhône jusqu’à Narbonne-Malvesi
Contre le nucléaire et son monde
La coordination se réunit régulièrement lors d’assemblées au niveau national, la prochaine aura lieu le 16 décembre à Paris. Tous les groupes et coordinations sont invités à y participer : notez la date dans vos agendas !

La relance du mouvement antinucléaire et un enjeu décisif dont un des objectifs est de lutter contre la désinformation organisée par le pouvoir et les médias aux ordres. En se formant, chacun doit devenir un acteur de ce combat, et être capable de démontrer les arguments simplistes avancés par les promoteurs du nucléaire :
- Nucléaires civil et militaire sont liés comme les deux faces d’une même pièce. L’un n’existe pas sans l’autre. - Il s’agit d’un projet mortifère qui exige un contrôle étatique renforcé : société nucléaire = société policière. - Le nucléaire ne sauvera pas le climat.
- Le nucléaire accroît la dépendance énergétique de la France.
- L’exposition aux radiations est nocive, quelles que soient les doses.
- Les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima ne sont pas terminées. Chaque année, les populations continuent à mourir des suites de ces désastres.

Les projets portés par le pouvoir engagent le territoire et les générations à un horizon qu’il nous est difficile d’appréhender. La mobilisation attendue ne se fera pas sans la participation de tous les groupes de la coordination antinucléaire et bien au-delà, alors on compte sur vous (2) !

Nicolas, Gr Gaston Leval et Réseau Makhno.

(1) https://coordantinucleaire.noblogs.org
(2) Pour plus d’information, le lien vers les pages campagne antinucléaire du site de la Fédération Anarchiste : https://www.campagnes.federation-anarchiste.org/antinucleaire/