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par Juan Chica Ventura • le 15 juin 2020
La Maternité d’Elne
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Article extrait du Monde libertaire n°1817 de mai 2020
Malgré la pandémie COVID-19 qui s’abat actuellement sur le pays, une soixantaine de personnes étaient présentes dans le public en présence du réalisateur Frédéric Goldbronn invité par l’association du 24 août 1944. La projection s’est déroulée le 12 mars 2020 au Centre Paris Anim’ – Place des Fêtes – 19ème – à 19h. Frédéric Goldbronn a réalisé plusieurs documentaires ( Diego - 1999, La Maternité d’Elne - 2002, L’an prochain la révolution - 2010, etc.) et publié des essais sur le cinéma documentaire ( Image documentaire - Revue collaboration, Cinéma documentaire - collection, Éditions l’Harmattan, Le documentaire de création est-il soluble dans le marché ? - Éd. Dossiers de l’audiovisuel INA export). Il est aussi formateur à la réalisation documentaire, très engagé dans la promotion du cinéma documentaire de création. Il avait été très engagé aussi dans l’ORA (Organisation révolutionnaire anarchiste) en 1973, qui entendait dépasser les vieux clivages entre marxisme et anarchisme sous l’impulsion de Daniel Guérin.
La Maternité d’Elne est dédié à sa mère qui ne lui a rien dit de son passé, étant lui-même à la recherche de ses origines. La Maternité d’Elne puise son origine dans son documentaire Diego tourné en 1999 ; Diego Camacho (décédé en 2009) était un militant anarchiste et écrivain espagnol (nom de plume Abel Paz), biographe de Buenaventura Durruti, auteur qui fait référence dans les milieux libertaires, et qui participa à l’insurrection de la ville de Barcelone contre les troupes franquistes, puis aux luttes internes entre anarchistes et communistes pendant les événements de mai 1937, toujours à Barcelone. Trop jeune pour rejoindre la Colonne Durruti qui partait vers le front d’Aragon, il fonde un groupe anarchiste les Quichottes de l’idéal avec Liberto Sarran et Federico Arcos. En 1939, Barcelone tombe aux mains des « factieux », il doit fuir la capitale catalane et passe par les Pyrénées avec des millions d’autres, c’est la fameuse « Retirada » (retraite). Frédéric reprend le récit en 1939, La Maternité d’Elne est en quelque sorte la suite de Diego.
Le dispositif central du documentaire se situe au début autour d’une grande table dans le salon de la maternité où une vingtaine de témoins « actrices » et « acteurs » se réunissent pour raconter leur histoire aux autres, un peu comme une thérapie de groupe. Le réalisateur conduit le spectateur accompagné des témoins dans tous les espaces de la maternité. Chaque lieu est revisité avec une grande émotion, à travers les yeux d’un témoin de l’époque, lorsqu’il était un enfant né à la maternité. Six cents enfants environ sont nés de 1939 à 1944, ils étaient espagnols, juifs français, belges, allemands ou polonais. Les mères enceintes qui ont pu sortir des camps du sud de la France (Rivesaltes, Argelès, Gurs, Bram…) étaient accueillies dans ce « havre de paix » par Elisabeth Eidenbenz, une jeune institutrice de 26 ans, du Secours suisse aux enfants victimes de la guerre, qui aménage une maternité de fortune dans le département des Pyrénées-Orientales ; d’abord dans un château inoccupé à Brouilla en région Occitanie avant de venir définitivement à Elne à côté de Perpignan. Les femmes pouvaient rester quelques mois après leur accouchement avant de retourner au camp. Frédéric écrira à propos de la maternité d’Elne, qu’ « elle apparaissait comme le miroir inversé du camp et de son époque, le cœur d’un monde sans cœur – leçon de fraternité dans une période de barbarie. Elle se situait aussi au carrefour de la tragédie européenne, puisqu’elle avait accueilli les enfants de la Retirada, mais aussi les Juifs étrangers et les Tsiganes persécutés. Le lieu serait la matrice de la parole, à la fois lieu de son origine et lieu dont elle se pourrait se nourrir. »
La maternité d’Elne a été rachetée en 2005 par la Mairie avec l’appui de l’association des descendants et amis de la maternité d’Elne. Elle est destinée à mettre en avant l’histoire d’un lieu « berceau de l’humanité, au cœur de l’inhumanité », mais avant tout le combat d’une femme, Elisabeth Eidenbenz qui ne cessera jamais de s’occuper des enfants de réfugiés. Elle décédera le 23 mai 2011, âgée de 97 ans.
En conclusion, María, réfugiée espagnole à Rivesaltes puis à Saint Cyprien, accueillie enceinte et restée ensuite comme infirmière à la maternité, prononcera ces mots pour exprimer ce qu’était ce lieu d’humanité, la maternité d’Elne : « Terre d’asile des Espagnols, des Juifs et des Tsiganes ; terre promise où il n’y avait plus d’Espagnols, Juifs ou Tsiganes, mais des humains qui résistaient… ».
La Maternité d’Elne est dédié à sa mère qui ne lui a rien dit de son passé, étant lui-même à la recherche de ses origines. La Maternité d’Elne puise son origine dans son documentaire Diego tourné en 1999 ; Diego Camacho (décédé en 2009) était un militant anarchiste et écrivain espagnol (nom de plume Abel Paz), biographe de Buenaventura Durruti, auteur qui fait référence dans les milieux libertaires, et qui participa à l’insurrection de la ville de Barcelone contre les troupes franquistes, puis aux luttes internes entre anarchistes et communistes pendant les événements de mai 1937, toujours à Barcelone. Trop jeune pour rejoindre la Colonne Durruti qui partait vers le front d’Aragon, il fonde un groupe anarchiste les Quichottes de l’idéal avec Liberto Sarran et Federico Arcos. En 1939, Barcelone tombe aux mains des « factieux », il doit fuir la capitale catalane et passe par les Pyrénées avec des millions d’autres, c’est la fameuse « Retirada » (retraite). Frédéric reprend le récit en 1939, La Maternité d’Elne est en quelque sorte la suite de Diego.
Le dispositif central du documentaire se situe au début autour d’une grande table dans le salon de la maternité où une vingtaine de témoins « actrices » et « acteurs » se réunissent pour raconter leur histoire aux autres, un peu comme une thérapie de groupe. Le réalisateur conduit le spectateur accompagné des témoins dans tous les espaces de la maternité. Chaque lieu est revisité avec une grande émotion, à travers les yeux d’un témoin de l’époque, lorsqu’il était un enfant né à la maternité. Six cents enfants environ sont nés de 1939 à 1944, ils étaient espagnols, juifs français, belges, allemands ou polonais. Les mères enceintes qui ont pu sortir des camps du sud de la France (Rivesaltes, Argelès, Gurs, Bram…) étaient accueillies dans ce « havre de paix » par Elisabeth Eidenbenz, une jeune institutrice de 26 ans, du Secours suisse aux enfants victimes de la guerre, qui aménage une maternité de fortune dans le département des Pyrénées-Orientales ; d’abord dans un château inoccupé à Brouilla en région Occitanie avant de venir définitivement à Elne à côté de Perpignan. Les femmes pouvaient rester quelques mois après leur accouchement avant de retourner au camp. Frédéric écrira à propos de la maternité d’Elne, qu’ « elle apparaissait comme le miroir inversé du camp et de son époque, le cœur d’un monde sans cœur – leçon de fraternité dans une période de barbarie. Elle se situait aussi au carrefour de la tragédie européenne, puisqu’elle avait accueilli les enfants de la Retirada, mais aussi les Juifs étrangers et les Tsiganes persécutés. Le lieu serait la matrice de la parole, à la fois lieu de son origine et lieu dont elle se pourrait se nourrir. »
La maternité d’Elne a été rachetée en 2005 par la Mairie avec l’appui de l’association des descendants et amis de la maternité d’Elne. Elle est destinée à mettre en avant l’histoire d’un lieu « berceau de l’humanité, au cœur de l’inhumanité », mais avant tout le combat d’une femme, Elisabeth Eidenbenz qui ne cessera jamais de s’occuper des enfants de réfugiés. Elle décédera le 23 mai 2011, âgée de 97 ans.
En conclusion, María, réfugiée espagnole à Rivesaltes puis à Saint Cyprien, accueillie enceinte et restée ensuite comme infirmière à la maternité, prononcera ces mots pour exprimer ce qu’était ce lieu d’humanité, la maternité d’Elne : « Terre d’asile des Espagnols, des Juifs et des Tsiganes ; terre promise où il n’y avait plus d’Espagnols, Juifs ou Tsiganes, mais des humains qui résistaient… ».
PAR : Juan Chica Ventura
Groupe anarchiste Salvador-Seguí
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