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Anarchie dans le monde
par Frente Anarquista Organizado - FAO Chile. le 22 octobre 2020

CHILI : NOS CAMARADES ANARCHISTES DE LA FAO SE POSITIONNENT CONTRE LE REFERENDUM DU 25 OCTOBRE 2020

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Trad. Monica Jornet groupe Gaston Couté

Appel à la Grève Générale contre l’Accord pour la Paix Sociale et la Nouvelle Constitution du Bloc de partis au pouvoir en plein Soulèvement Populaire

Le 18 octobre 2019 pour ce qui concerne la Métropole de Santiago et depuis le 19 dans l’ensemble des régions du territoire sous domination de l’État du Chili, est né un Soulèvement Populaire dans la rue déclenché par la hausse de 30 dollars chiliens du ticket de métro dans la capitale, une situation qui a fait exploser la bombe des injustices, des inégalités, de la misère, de la précarité et des exactions qui couvait sous la braise au cours de trois décennies de post-dictature dans notre pays.

Les lycéen.ne.s ont été le fer de lance de cet événement politique qui a ensuite grandi de jour en jour, en une avalanche rejointe par des travailleur.e.s, des habitant.e.s, des étudiant.e.s, des chômeur.e.s, des marginalisé.e.s, des femmes et dissidences sexuelles, des indigènes et de jeunes prolétaires, c’est-à-dire l’ensemble de la classe vivant de son travail, dont bien entendu le Peuple Organisé, en lutte depuis des décennies. Ce soulèvement a étendu sa capacité d’appel à mobilisation, de manifestation massive dans les rues, de consultation politique en assemblées autogérées et gagné tout le territoire, au point de parvenir à remettre en question l’ordre social bourgeois et les institutions l’étayant.

C’est dans ce contexte que la Plateforme d’Unité Sociale (CUT, ANEF, CONFUSAM et autres organisations syndicales et sociales) lança un appel à la Grève Générale pour le 14 novembre 2019, qui reçut une réponse massive, montra une bonne résistance dans les affrontements, un niveau de combativité élevé ainsi que de l’efficacité dans les barrages pour paralyser la production, le commerce et les services. Et alors qu’une importante partie du territoire était paralysée, sous couvre-feu et avec un gouvernement impuissant et aux abois, des partis d’opposition (dont une partie du Front de Gauche Frente Amplio) en accord avec les partis gouvernementaux et avec le Gouvernement de Sebastián Piñera organisèrent une réunion d’urgence le jour même et signèrent l’Accord pour la Paix Sociale et la Nouvelle Constitution dès le lendemain, vendredi 15 novembre à 3 heures du matin.

Mais quelles ont été les implications de cet accord pour le mouvement populaire ?

En tant que Front Anarchiste Organisé [FAO], nous interprétons cette signature comme un accord du Bloc au pouvoir (gouvernement avec une grande partie des partis parlementaires) ayant pour objectif d’enrayer la déferlante du Mouvement Populaire sur l’État de Droit, l’ordre social bourgeois et le statu quo de la société capitaliste néo-libérale. L’Accord pour la nouvelle Constitution a été une soupape de sécurité pour évacuer la fumée des barricades et éteindre l’incendie allumé dans tout le pays ; de même que l’Accord pour la Paix a été un chèque en blanc à remplir au Parlement (une institution des moins légitimes socialement tout comme le gouvernement Piñera, les Forces armées et de l’ordre) avec de nouvelles lois répressives criminalisant le mouvement populaire et les luttes sociales. Cet accord a également été une bouée de sauvetage lancée par une grand partie des partis parlementaires d’opposition à un gouvernement dont la cote de popularité avoisine les 6% (de loin la plus basse de l’après-dictature) et dont la seule réponse aux revendications populaires a été et reste de poursuivre les violations des droits humains avec toujours plus de répression, assassinats, tortures, blessures, viols et emprisonnements.

Mais il faut aussi pointer du doigt les failles du mouvement populaire, et en particulier de ses composantes syndicales. Nous entendons par là que si la CUT et la Plateforme d’Unité Sociale avaient oeuvré pour étendre l’appel à la Grève Générale illimitée, le mouvement populaire aurait probablement été en mesure de renverser le gouvernement patronal de Piñera et consorts, car l’effervescence et les conditions sociales de la révolte le permettaient. Cela aurait même pu empêcher la signature de l’accord et permettre un meilleur équilibre des forces du mouvement populaire face au Bloc au pouvoir et à l’ensemble du Bloc dominant. Cependant cela ne s’est pas passé comme ça et nous en sommes réduit à la politique-fiction ou à émettre de voeux ou des espoirs. Ce qui est certain c’est que les partis de la caste politique - qui ne méritent pas le nom d’opposition- ont préféré travailler pour une issue politique par en haut, à travers un accord dans le cadre des institutions bourgeoises, dans le dos du peuple insurgé dont ils se sont arrogé la représentation, et en cherchant à créer "une ligne de partage des eaux" entre manifestants pacifiques et partisans de la violence. L’histoire le leur fera sans aucun doute payer.

Cela étant dit, il faut également reconnaître qu’en dépit d’un processus de réarmement du tissu social depuis 2005, les forces révolutionnaires et anticapitalistes, dont nous sommes, ne voyaient pas venir un soulèvement populaire dans un avenir proche et n’étaient pas prêtes à proposer une issue révolutionnaire avec un programme commun pour notre classe exploitée et opprimée. Ce que l’on pressentait davantage et ne se dément toujours pas, c’est une rage acharnée contre la police, pour virer Sebastián Piñera et, dans une moindre mesure, pour porter les revendications historiques pour l’établissement de droits sociaux.

Même si, au départ, l’Assemblée Constituante n’était pas au cœur de la contestation, il faut reconnaître qu’elle a fini par trouver sa place dans la rue, dans la plupart des conseils et des assemblées auto-convoquées, et chez beaucoup de jeunes en lutte appelé.e.s la "Première Ligne". De ce point de vue, il est clair que le référendum, la convention constitutionnelle et le processus constituant, ont permis de créer des espaces de discussion, de débat politique dans les différentes assemblées territoriales, étudiantes, féministes, socio-environnementales et indigènes autour de la volonté commune de dépasser et changer la Constitution politique actuelle, forgée dans la terreur, par le fer et par le feu, pendant la Dictature et rédigée a huis clos.

Il faut enfin noter que l’accord a entraîné une baisse de la mobilisation en réponse aux appels à manifester du Soulèvement Populaire, avec l’aide de la répression et de nouvelles lois telles que la loi "antibarricades" et "anti-pillage" dont le but, en fin de compte, n’était autre que de criminaliser les mécanismes de lutte des travailleur.e.s et du peuple insurgé.


Référendum, Convention Constitutionnelle et processus constituant

Ces prémisses étant posées, la Convention Constitutionnelle serait-elle un mécanisme légitime pour que le mouvement populaire fasse des avancées dans la protection et la conquête de droits sociaux ? ¿Ou bien ce mécanisme, convenu par le Bloc au pouvoir, manquerait-il de légitimité étant donné qu’il ne prend pas en compte les assemblées auto-convoquées?

Comme nous l’avons esquissé, à notre sens la Convention constitutionnelle décidée par le Bloc au pouvoir en concertation avec des partis qui se sont arrogés la représentativité, et ce dans le dos du peuple insurgé, est un mécanisme doté de légalité du point de vue des institutions bourgeoises mais qui est dépourvue de légitimité sociale. En effet, elle se réalisera avec les droits de blocage existant dans la constitution actuelle, par exemple la règle des deux tiers pour l’approbation des points à traiter, l’impossibilité de remettre en cause les TLC (traités de libre commerce), les entraves à la participation des dirigeants syndicaux et des activistes sociaux en tant que membres de la Constituante, le fait de ne pas autoriser la participation des mineur.e.s, entre autres. Plus important encore, elle ne prend pas en compte les milliers de consultations et d’accords auxquels notre peuple est parvenu dans les conseils et les assemblées auto-convoquées sur tout le territoire.

Nous le déclarons clairement : toute tentative de former une assemblée constituante populaire, souveraine, libre, auto convoquée ou autre épithète, doit être une nécessité émanant du mouvement populaire, de ses propres organisations de classe, de ses bases dans les différents territoires, dans le respect des mécanismes de démocratie directe que le peuple a fait naître de ses consultations, telles que les assemblées fonctionnant au consensus et/ou au vote à main levée.

Malgré tout, il faut souligner qu’à la différence des processus électoraux réguliers de la démocratie représentative et bourgeoise qui nous gouverne, ce processus de constituante, quoique le fruit d’un accord venu d’en haut, du Bloc au Pouvoir, est tout de même une concession obtenue par une pression sociale très forte, que l’on sentait au quotidien sur des institutions débordées par la rue, afin d’éviter que nous renversions le gouvernement de Piñera, car telle était la principale revendication avant le 15 Novembre.

Et si l’on garde à l’esprit ce qui vient d’être dit, c’est loin d’être négligeable qu’ils aient ouvert la porte à un processus que la république et l’État du Chili n’ont jamais connu en 200 ans d’existence. Et, pour finir, il faut souligner que c’est le peuple insurgé dans son ensemble qui donnera ou pas une légitimité au résultat du processus dans le feu des luttes et des consultations à venir.




Le travail militant de l’Anarchisme organisé

A notre sens, notre rôle en tant qu’organisation politique et sur un plan général en tant qu’anarchistes organisé.e.s n’est pas de participer au référendum, à la Convention Constitutionnelle et au processus constituant en appelant à voter OUI et encore moins en appelant à voter NON avec les secteurs d’extrême droite et conservateurs du bloc dominant et de la société. Mais nous pensons aussi qu’en tant qu’anarchistes nous ne pouvons être en marge des processus sociaux qui nous concernent en tant que classe laborieuse, aussi nous nous positionnons pour une reprise progressive du Soulèvement Populaire dans le contexte de la pandémie que notre pays et le monde vivent. Notre contribution sera de reprendre les rues ; de renouer avec les assemblées syndicales, étudiantes, territoriales, antipatriarcales et socio-environnementales, entre autres, afin qu’elles se reconstituent maintenant qu’une grande partie du pays n’est plus soumise au confinement et à la quarantaine ; de monter sur les barricades et d’organiser l’autodéfense contre la forte répression à venir si nous voulons maintenir le niveau de mobilisation de notre peuple dans les manifestations ; ne pas céder d’un pouce dans la rue face aux néofascistes regroupés derrière le NON, car en tant que mouvement populaire nous ne pouvons tolérer l’intolérance du révisionnisme pinochettiste et dictatorial qui a profondément imprégné la bourgeoisie et pourquoi ne pas le dire, des secteurs de notre propre classe aussi.

Notre travail militant consistera à rester vigilants, à réfléchir ensemble dans les assemblées auto -convoquées de consultation populaire quant à la portée du processus constituant, à continuer construire dans les espaces sociaux où nous sommes présents quotidiennement, à entretenir la flamme des barricades car c’est dans le feu de l’action et de la lutte que nous nous sommes peu à peu (re)connus comme des égaux, comme faisant partie d’un même peuple, d’une même classe sociale vivant de son travail. Nous comprenons bien que certains secteurs de notre classe ont déposé leur confiance dans le Référendum, la Convention Constitutionnelle et le processus constituant : cela, à nos yeux, n’en fait pas des ennemi.e.s de classe ni des traîtres non plus. L’important c’est de viser le même ennemi de classe -à savoir les secteurs qui veulent tout garder en l’état-, lors des assemblées populaires et dans la contestation de rue, nous qui ne voulons pas participer au processus constituant et les personnes qui au contraire veulent y participer. Avancer dans l’établissement d’un programme commun de notre classe, des secteurs sociaux et politiques révolutionnaires, dans l’unité et depuis les bases sociales, afin d’obtenir la démission de Piñera et de son gouvernement, le dépassement du néolibéralisne et la conquête de droits sociaux qui nous ont été arrachés par la classe dominante en mettant la société à feu et à sang et en exerçant la terreur pendant la Dictature ; afin de dépasser ainsi l’actuelle période politique qui a débuté en 1973 avec le Coup d’État civico-militaire contre la classe laborieuse et le peuple organisé.


POUR RENVERSER LE NÉOLIBERALISME ET GARANTIR DES DROITS SOCIAUX, NE LÂCHONS RIEN EN ASSEMBLÉES, SUR LES BARRICADES ET DANS LES RUES !

PAR : Frente Anarquista Organizado - FAO Chile.
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