Histoire > PAGES D’HISTOIRE N°102: Une guerre mondiale
Histoire

par Sylvain Boulouque • le 22 novembre 2025
PAGES D’HISTOIRE N°102: Une guerre mondiale
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Deux grandes synthèses reviennent sur des aspects moins connus de la Seconde Guerre mondiale : le front asiatique et le front soviétique.
Ces vastes synthèses proposent une histoire de la Seconde Guerre mondiale en Asie et en URSS vue d’en bas. Ces deux espaces ont subi de plein fouet la violence de la guerre. Le nombre des victimes y étant au total de plus 50 millions de victimes soit plus de 80 % des morts pendant ce conflit. Les auteurs restituent les principales opérations militaires, mais laissent une place centrale aux témoignages et surtout montrent que cette guerre a d’abord été une guerre contre les civils.

La guerre en Asie commence en 1937 – voir même en 1931 avec l’invasion de la Mandchourie par le Japon – et s’achève après les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki en 1945.
Comme en Allemagne nazie, les nationalistes japonais se considèrent comme supérieurs aux autres peuples de l’Asie. Ce sentiment se double d’une vision impériale et antioccidentale considérant que l’Europe a perverti et appauvri le pays. Ces éléments légitiment les annexions des pays limitrophes et surtout autorisent le massacre des populations civiles. Le premier exemple de ces massacres de masse est la destruction de Nankin. Elle s’accompagne de l’assassinat de 30 à 60 000 soldats chinois et de 30 000 victimes civiles. L’armée japonaise se livre en outre à des viols de guerre massifs. Ces pratiques du viol et de l’assassinat collectif se perpétuent tout au long de la guerre. En 1945 à Manille alors que l’armée japonaise est en déroute sur tous les fronts, les derniers combattants de cette poche massacrent de manière analogue près de 1000 personnes. Parallèlement, les Japonais réduisent à l’état de quasi-esclave d’abord les Chinois faits prisonniers puis l’ensemble des populations du continent, comme les Indonésiens victimes des mêmes traitements. Ainsi Margolin énumère les méthodes systématiques de pillage de mise en coupe réglée et d’assassinat collectif pratiqués par l’armée. Une synthèse bienvenue sur la violence souvent oubliée de cette partie du monde. Le chapitre sur Hiroshima et Nagazaki peut être prolongé par deux ouvrages qui soulignent le retournement de violence.

Le premier est le manga de Keiji Nakazawa, Gen aux pieds nus. Il retrace la vie des habitants de la ville après le 6 août 1944. Littéralement Gen est la contraction de plusieurs termes signifiants symbole, chimique, vitalité et courage. Le héros a perdu sa majeure partie de sa famille dans le bombardement. Son père pacifiste et mis au ban de la société japonaise meurt comme son frère et sa sœur. L’œuvre analyse le long travail de reconstruction dans une société encore dominée par le nationalisme, la violence et le racisme. Ainsi, les Coréens sont vus comme des êtres inférieurs. Le héros, comme un contre-exemple, rêve d’un autre Japon, Gen et son frère choisissent la vie et l’amitié. Keiji Nakazawa évoque également la présence américaine dans l’archipel.

Si les dimensions géopolitiques de la présence américaine au Japon après 1945 sont évidentes, Michael Lucken montre qu’elle ne peut pas être réduite à cette approche. Il y a une vision pragmatique. Il s’agit d’abord et avant tout de rééduquer les Japonais, non pas comme peuvent le faire les soviétiques instaurant une dictature, mais de faire comprendre les bases de la liberté et de l’égalité en réformant le pays. Si les premières années sont empreintes d’une visée éducationniste. Rapidement, un conflit apparaît entre les dirigeants japonais et les Américains, ces derniers retournant les principes de liberté pour reprendre les mythes du Japon impérial. In fine, face à ce refus, qui pourtant a été accepté par la majorité de la population, les Américains abandonnent cette dimension pour se recentrer sur les intérêts économiques.

La synthèse que propose Alexandre Sumpf analyse le double phénomène de violence à la fois des nazis contre les Soviétiques et du Parti-État contre ses populations.
La signature du pacte germano-soviétique de 1939, si elle offre un répit à l’URSS est aussi en quelque sorte une drôle de guerre et le début d’une guerre de conquête pour l’URSS avec l’annexion et la soviétisation des pays baltes et de l’est de la Pologne, qui s’accompagne du massacre de Katyn et de la déportation d’une partie des élites des zones annexées vers la Sibérie. Cette drôle de guerre est cependant le prélude d’une défaite temporaire. L’URSS n’est pas prête pour un conflit de grande ampleur, la Grande Terreur n’ayant pas arrangé les choses, comme le montre l’opération fiasco de tentative d’invasion de la Finlande. L’opération Barbarossa surprend le commandement. Cette débâcle s’accompagne d’une politique de la terre brûlée, partout où l’armée rouge recule, elle ne laisse rien derrière elle. Elle déplace massivement une partie de la population vers l’arrière du front plus de 3 millions de personnes et plusieurs centaines d’usines. Les nazis pratiquent au même moment une terreur de masse, assassinant par balles près de 1 million de Juifs et tuant de la même manière plusieurs centaines de milliers d’autres Soviétiques. Le désastre se poursuit jusqu’à la mi 1942. Le 28 juillet 1942 l’ordre 227 interdit aux soldats « un pas en arrière ». Le régime soviétique use de la répression, les détachements de barrage du NKVD 158 000 personnes sont exécutées pour désertion ou trahison et près d’un million ont été traduit devant des cours martiales pour être envoyées dans des unités disciplinaires. La violence contre les traîtres s’accompagne d’un appel à la vengeance contre l’ennemi comme en témoigne par exemple le poème d’Ilia Ehrenbourg,tue-me. Dans les deux cas, la guerre s’accompagne de viol de guerre l’auteur note que près de 10 millions de femmes ont été violées par les Allemands entre 1941 et 1945.
Stalingrad symbolise la rupture. En l’espace d’un an, l’armée rouge a repris la majeure partie du terrain perdu. En outre, les unités de partisans atteignent un nombre record près de 10 000 personnes qui vivent souvent selon leurs propres lois. Considérés comme des héros, ils ont cependant été remis au pas et épurés par le NKVD entre 1944 et 1946. La « libération » de la partie occidentale de la Russie puis de l’Europe de l’Est s’accompagne d’une nouvelle mise en coupe réglée des pays annexés ou soumis à la domination. La guerre a entraîné la mort d’au moins 27 millions de Soviétiques dont 16 millions de civils due en grande partie à la guerre d’anéantissement conduite par l’Allemagne à une définition paradoxale de Staline qui considérait l’homme comme le capital le plus précieux, pour servir les intérêts du Parti. L’auteur prolonge son ouvrage en montrant comment Staline a utilisé la victoire des Alliées en grande partie due à l’aide américaine et au sacrifice des Soviétiques asseoir son pouvoir sur une moitié du monde.
L’autre Seconde Guerre mondiale
Asie-Pacifique, de Nankin à Hiroshima
Jean-Louis Margolin
Perrin 2025, 462 p. 25 €
Gen aux pieds nus
Keiji Nakazawa
2 volumes 288 et 252 p. 13,90 € chaque
Le Tripode, 2025
Les Occupants
Michael Lucken
La découverte 2025, 336 p 22 €
Les Soviétiques en guerre
Alexandre Sumpf
Tallandier 2025, 622 p. 27,50 €
PAR : Sylvain Boulouque
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