La propagande par le montage…

La nouvelle exposition de la Contemporaine accompagnée de son catalogue et la publication conjointe d’une recherche sur la propagande par le photomontage permettent de remettre en perspective des évolutions majeures dans l’art de la communication de masse entre les deux guerres.

L’ouvrage de Max Bonhomme revient en cinq chapitres denses sur la naissance et le développement du photomontage. Né dans les milieux de la publicité, il est utilisé dès le début du XXe siècle pour vanter les mérites touristiques de Paris par exemple, son support repose alors principalement sur les cartes postales. Par la suite le magazine d’actualité Vu tente de mettre en récit les événements en utilisant cette technique. Il est aussi prisé par les journaux d’enquête policière qui font de même avec les grandes affaires. Si elles se diffusent rapidement en France, ces techniques sont particulièrement encore plus amplement utilisées dans les milieux artistiques dit d’avant-garde en Allemagne et en URSS. Max Bonhomme souligne que l’un des acteurs centraux de cette nouvelle utilisation de l’image a été le Secours ouvrier international, l’organisation fondée par le Komintern pour venir en aide aux victimes de la famine en URSS. Très vite, son initiateur le communiste allemand Willy Münzenberg se sert de l’organisme pour réaliser des films de propagande en faveur de l’URSS et créer plusieurs sociétés destinées utiliser l’image à cette fin. Le journal, Arbeiter Illustrierte Zeintung (journal illustré des travailleurs) rencontre un succès dépassant les sphères d’influence des milieux communistes. Une copie conforme des techniques utilisées en Allemagne est développée en France. Ainsi, les unes du journal communiste Nos regards copient celle de l’AIZ. Le réseau Münzenberg importe également les photomontages soviétiques. Les affiches de Klucis et de Senkin marquent par leur capacité à innover et à renouveler dans les thèmes de propagande. Ainsi la Russie nouvelle puis l’Appel des soviets (en français comme en allemand) rompent avec les canons traditionnels de l’affiche et des couvertures et en renouvellent le genre. L’association des artistes et des écrivains révolutionnaires fondée dans le sillage du PCF en est une autre illustration à l’image de l’affiche de Willy Ronis reproduite dans l’ouvrage souligne à la fois la recherche artistique et la mise en œuvre de nouvelle forme de propagande.
L’auteur détaille ensuite les techniques mises en place et les thématiques récurrentes utilisées. On retrouve les classiques de l’imaginaire communiste : imaginaire industriel reproduit soit pour dénoncer les pays capitalistes soit pour valoriser l’URSS, détournement visuel, contre champ. La presse se sert alors des moyens cinématographiques pour donner une impression de mouvement et conséquemment mettre les foules en mouvements. Ces techniques innovantes reposent sur des temporalités visuelles contrastées pour montrer l’opposition entre le bien communiste et le mal capitaliste, d’un côté la foule et le peuple de l’autre côté les oppresseurs. Ces visuels de propagande sont mis en scène à grande échelle lors de l’exposition universelle de 1937, tous les régimes finissent par s’en inspirer comme le montre l’affiche de propagande de réalisée par l’État français en 1943.

Max Bonhomme est l’un des maîtres d’œuvre de l’exposition qui ouvre à la Contemporaine le 19 novembre 2025. Le catalogue et l’exposition laissent une large place à son principal auteur John Heartfield. Cet ancien dadaïste devenu communiste est l’un des principaux promoteurs du mouvement. C’est lui qui par exemple réalise les affiches de propagande du KPD. Réfugié en Angleterre, il finit sa carrière en Allemagne de l’Est après la Seconde Guerre mondiale. Les commissaires de l’exposition laissent ensuite une large place aux collages venus d’URSS ou glorifiant son image comme le montre les abondantes illustrations issues de la presse communiste. Ils soulignent également que le photomontage devient un terrain d’affrontement symbolique entre les différentes propagandes totalitaires. S’il disparaît après la Seconde Guerre mondiale, il connaît une seconde vie dans les années 1960-1970 avant d’être définitivement abandonné à l’heure de la transformation des images par le numérique.

Propagande graphique
Max Bonhomme
Éditions de la Sorbonne 2025 378 p. 29 €

Couper coller imprimer
Max Bonhomme et Aline Théret
Anamosa/La contemporaine 2025 258 p. 35 €