Histoire > PAGES D’HISTOIRE N°70
Histoire
par Sylvain Boulouque • le 27 octobre 2024
PAGES D’HISTOIRE N°70
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Retour sur la Révolution française
Plusieurs ouvrages reviennent chacun à leur manière sur l’épisode révolutionnaire.
Robert Darnton montre dans une étude au long cours l’importance des différents soulèvements populaires qui ont, entre le milieu du XVIIIe siècle et 1789, traversé la France en général et Paris en particulier. La détestation du despotisme s’est construite entre ses deux dates. Il s’appuie sur des sources originales souvent négligées comme la chanson, les libelles, les gravures, les poésies, les rapports de police concernant les rumeurs, la diffusion des textes des philosophes et le partage de l’information via la parole… L’auteur montre à travers cinq grandes phases les tensions qui ont progressivement construit la base de cette révolution. D’abord le refus des guerres comme celle de succession d’Autriche en 1748, la détestation grandissante à l’égard de Marie-Antoinette et les scandales qui secouent régulièrement la cour du roi, le poids de la constitution américaine qui envisage un pays de liberté. La circulation de l’information, les critiques grandissantes contre le régime sont les ferments de la crise révolutionnaire du printemps et de l’été 1789, la coagulation des colères ayant entraîné la fin de l’Ancien Régime.
Une synthèse forte utile de Michel Biard et Pascal Dupuy permet de restituer les grandes phases de la période allant de 1787 à 1804. En quatorze chapitres alternant récit chronologique et analyses thématiques, ils proposent un rappel des principaux travaux de recherche concernant la Révolution française.
Ils dressent le portrait d’une France bouillante entre 1787 et l’explosion de 1789 ouvrant une nouvelle période où la monarchie reste sous le contrôle de l’assemblée. Les auteurs soulignent le rôle et le poids de la foule révolutionnaire récemment politisée qui exige des droits nouveaux. Ils étudient les mouvements contradictoires entrent le roi et l’Assemblée et les revendications grandissantes de la population. La chute de la monarchie à la suite de la prise des Tuileries le 10 août 1792 permet de découvrir le rôle du souverain dans la volonté de stabiliser les institutions nouvelles et de remettre en place l’ordre ancien. La guerre est certes un élément central dans la mise en place des mesures d’exception, elle se double de plusieurs guerres civiles en Vendée et dans les départements peu favorables aux directives du Comité de salut public. Si les auteurs réfutent l’expression de terreur en la préférant à l’affrontement entre les fractions au sein des comités et des clubs et entre les opposants à la révolution et les révolutionnaires. La chute de Robespierre entraîne la fin de la période révolutionnaire et des mesures sociales, la guerre accapare encore et toujours la Révolution favorisant l’accession au pouvoir de Napoléon Bonaparte. Les auteurs proposent aussi une analyse thématique sur les rapports entre l’Église et la Révolution, sur la culture et sur les différentes composantes du mouvement révolutionnaire.
Une monographie locale proposée par Pierre Serna vient étudier la révolution à l’échelle d’une ville, Orléans. Celle-ci est un centre important dans le système économique et social de la France du XVIIIe siècle, les échanges y sont nombreux, les produits issus pour partie de la traite et de l’esclavage ont permis à la ville de s’enrichir. Si quelques-uns se sont bâti de véritables fortunes, la majeure partie de la population demeure à l’écart de la prospérité.
La ville contrairement à la légende que les élites locales ont tenté de créer à partir de la Restauration, a été un des épicentres de la révolution. Orléans possède environ 45 000 habitants en 1789, le maillage religieux est particulièrement important même si le haut clergé est peu nombreux dans la ville de même la noblesse, si elle existe, est peu importante. En revanche, les 8 000 adultes d’origine ouvrière et les 24 000 personnes qui en dépendent sont le cœur de la ville. Orléans bascule dans l’orbite révolutionnaire en 1789. Si la seule lecture des cahiers de doléances laisse à penser que les revendications ont été secondaires, les revendications apparaissent dans les marges, les pamphlets dénonçant les privilèges, le manque de nourriture, les injustices se multiplient. La ville s’est embrasée très tôt. Face aux menaces de famine, la municipalité organise des secours à partir de mesures d’urgence réquisitionnant le blé. Avant de chercher par tous les moyens à temporiser les mesures radicales demandées par les clubs. La chute de la monarchie favorise la rupture. À l’été 1792, la ville bascule dans le camp des révolutionnaires, les sans-culottes tiennent le pavé. Les fêtes de la ville en l’honneur de Jeanne d’Arc sont remplacées par un culte en l’honneur de Marianne. La convention en profite pour utiliser les lieux d’enfermement pour y déplacer les Parisiens emprisonnés. Mais très vite, ils perdent de l’influence, les rumeurs jouant un rôle important dans la perte de leur influence politique. Très vite, la ville redevient un pôle de stabilité. Le directoire puis l’Empire cherchent à faire disparaître de la ville ces épisodes. L’auteur articule le récit révolutionnaire et les événements locaux offrant ainsi une histoire de la révolution à l’échelon local.
Enfin, belle initiative que cette bande dessinée sur Robespierre. Le titre de la collection Les légendes noires de l’histoire pouvait laisser craindre un récit uniquement à charge, il n’en est rien. Il s’agit d’une réelle biographie de Robespierre montrant les contradictions du personnage. Elle commence par la prise de la Bastille et l’année 1789, puis elle remonte par un habile procédé à la construction du personnage. Le petit avocat malheureux né à Arras en 1758, fait sienne la cause du tiers état, en rédigeant des cahiers de doléances et épousant la cause des humbles. Très vite, Les auteurs présentent ses grands discours à l’Assemblée nationale puis à la Convention, montrant qu’il a été tour à tour l’apôtre de l’abolition de la peine de mort puis son ardent partisan deux ans plus tard lorsqu’il s’agit de condamner le roi pour haute trahison. Ils soulignent son opposition à la guerre en 1791 puis rappellent à ses discours favorables à la levée en masse quelques mois après. De même, le personnage évolue entre une volonté de défendre le pluralisme et son caractère implacable dans la lutte contre ses adversaires. Les auteurs montrent les contradictions du personnage, dans lesquelles l’orgueil et l’estime de soi ont beaucoup compté, reste la question centrale l’exercice du pouvoir par un homme seul imbu d’un rôle historique. Question fondamentale que posent les études sur la Révolution française.
L’humeur révolutionnaire Paris 1748-1789
Robert Darnton
Gallimard, 2024, 582 p. 32 €
La Révolution française
Michel Biard et Pascal Dupuy
Armand Colin, 2024, 382 p. 33 €
La révolution oubliée. Orléans 1789-1820
Pierre Serna
CNRS éditions 2024 436 p. 26 €
Robespierre, le sphinx mélancolique
Makyo, Gabrielli et Polelli
Delcourt 2024 94 p. 19 €
PAR : Sylvain Boulouque
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