Totalitarisme et patriarcat en Iran

Le régime théocratique iranien a, depuis 1979, transformé l’Iran en une gigantesque prison à ciel ouvert. Deux ouvrages importants viennent en analyser les différents aspects.

Le livre de Chahla Chafiq, La prison politique en Iran est une remarquable analyse et mise en perspective des mécanismes de la terreur. Comme tous les régimes totalitaires, la prison, l’arbitraire et la coercition sont les éléments par lesquels le régime assoit sa domination sur la population.
Après un historique dans lequel l’auteure revient sur le système répressif du Shah d’Iran. Elle détaille longuement la mise en place de l’État théocratique de l’Ayatollah Khomeiny. Dès 1979, les arrestations des opposants. Le régime invente de nouvelles catégories d’ennemis : blasphémateurs et impies, associationnistes, hypocrites qui servent à catégoriser les adversaires du régime. Comme dans tous les régimes totalitaires, il utilise la repentance et les aveux publics comme moyen de faire pression sur l’opinion, l’exécution publique promue en système exemplaire. Il s’appuie sur des corps sociaux nouvellement créés comme les gardiens de la révolution pour façonner la société à sa main, ses hommes de main lui étant entièrement redevables.
Depuis 45 ans, en dépit de contestations nombreuses, le régime demeure solide grâce à cette base répressive et à la complicité active de ses serviteurs. Les opposants n’arrivent pas à percer la forteresse autour de laquelle s’est construit le pouvoir.
La prison est aussi un moyen de modeler la société de créer un sujet idéal, obéissant et croyant dans le régime et de renvoyer la femme a une prétendue nature démoniaque, en construisant par la même une société uniformisée.
C’est un des éléments centraux qui permet de comprendre le sens du combat des femmes iraniennes, pour leur liberté, mais qui rejoint aussi l’universalité des luttes d’émancipation.

Le second ouvrage est issu du travail collectif de militante soutenant le droit des femmes en Iran en est la preuve. Il est composé de deux parties distinctes. D’abord, il reprend et réédite les déclarations des différents collectifs féministes iraniens publiés lors de la révolution durant laquelle est né un immense espoir de libération. Les tracts en témoignent. Il est question de toutes les dimensions de la libération allant du droit à l’avortement et à la contraception en passant par la reconnaissance de l’homosexualité jusqu’à l’égalité salariale. Très vite, les mollahs prennent le pouvoir et interdisent les libertés fondamentales. La dimension théocratique et patriarcale du régime apparaît immédiatement, les fondamentalistes interdisent l’espace public aux femmes qui remettent en cause la nature même du pouvoir politico-religieux. L’ouvrage donne à lire de nombreux témoignages recueillis en 1979 et pour certains complétés en 2023. Il est aussi augmenté par des extraits des journaux féministes publiés en France et des comptes rendus de manifestations effectuées en solidarité avec les opprimées iraniennes. Devenu souterrain, clandestin, persécuté, le mouvement réapparaît sous une nouvelle forme en 2022 avec le slogan femme, vie, liberté. Le mouvement a changé de nature, car il s’agit de se défaire d’une oppression qui a recouvert le pays. Les militantes choisissent des symboles, retirer l’un des attributs principaux de l’oppression le tchador. Au péril de leur vie, nombre d’entre elles ont été arrêtées, violentées et assassinées, ces militants continuent à porter ce combat de liberté. Là encore l’ouvrage leur donne la parole, quelques exilés témoignent et l’ouvrage donne à lire quelques manifestations de solidarités réalisées dans ces dernières années.
Deux ouvrages qui viennent utilement compléter l’analyse du totalitarisme islamiste.


La prison politique en Iran
Chahia Chafiq
Le Félin 2024 206 p. 22 €

Des Iraniennes
Femmes, vie, liberté 1979-2004
Éditions des femmes/Antoinette Fouque 2024 240 P. 25 €