Voyage à facholand

Deux ouvrages précieux viennent de paraître qui renseignent utilement sur la progression de l’extrême droite dans la société française.

Pop Fascisme est signé par deux journalistes, Pierre Plottu et Maxime Macé, parmi les meilleurs spécialistes de l’extrême droite. Depuis plusieurs années, ils effectuent un travail de fourmi pour porter à la connaissance du public toutes les stratégies et infiltrations de l’extrême droite. Ils ont publié de nombreux articles notamment dans Street press puis animent aujourd’hui Frontal dans Libération.
Leur livre porte sur un aspect parfois sous-estimé le rôle d’internet dans la progression de la droite nationaliste. Son succès à l’étranger avec Trump aux États-Unis et Bolsonaro au Brésil notamment aurait dû alerter davantage. Les réseaux sociaux et les moyens de communication mis en place sont un des éléments de la conquête du pouvoir par l’extrême droite.

Depuis le milieu des années 2010, les sites d’extrême droite ont littéralement investi la toile. Les premières initiatives partent de deux groupes différents d’un côté les apôtres du tandem Soral-Dieudonné, qui développent des théories complotistes et antisémites et de l’autre côté les milieux « identitaires », qui ont créé plusieurs sites de « réinformation », selon la terminologie qu’ils utilisent. En fait d’information, il s’agit de désinformation. Monter un événement en épingle pour prouver qu’il s’étend à la société entière. Devant le succès de cette méthode, plusieurs figures de proue de l’extrême droite radicale ont choisi de faire de même, distillant leur haine au grand jour, sans contradiction réelle. Un racisme larvé est apparu, les contenus haineux se multiplient, les menaces et les intimidations sur les personnes aussi.
Les auteurs décortiquent les mécanismes de la montée en puissance du fascisme en ligne. Ils montrent quelles sont les grandes thématiques utilisées : pseudo-humour, prétendue dérision, appels à la vindicte. C’est sur cette base que l’extrême droite a prospéré bénéficiant depuis de la caisse de résonance que constitue le système Bolloré passant d’une diffusion à bas bruit la saturation de l’espace médiatique. Les auteurs présentent une brillante synthèse de cette évolution médiatico-politique.

Parallèlement, Jacques Leclerc publie une nouvelle synthèse sur l’extrême droite qui prolonge ses utiles dictionnaires sur les extrêmes droites (publiés à l’Harmattan entre 2008 et 2019). Il s’attelle à proposer une analyse fouillée des différents réseaux d’extrême droite prêts à utiliser la violence. L’inventaire commence par une présentation des groupes multipliant les appels à l’action violente (des cathos traditionalistes Academia Christina au groupuscule vendéen Virido Galia). Il s’attache ensuite à montrer la persistance des familles traditionnelles de l’extrême droite des monarchistes de l’Action française jusqu’aux nationaux révolutionnaires et aux nationaux socialistes. Ces différents groupes ont aujourd’hui quasiment pignon sur rue. Plusieurs d’entre eux comme les Zouaves de Paris ou le Groupe Union défense ont agi pendant plusieurs années, multipliant les attaques physiques contre les militants de gauche et les antifascistes. En deuxième lieu, il constate également la multiplication des structures informelles regroupant d’anciens militaires et policiers prêts à passer à l’action armée. Leur nombre demeure certes marginal, mais ces groupes se développent d’autant plus rapidement que la société devient poreuse et réceptive aux idées fascisantes. Il pointe également l’extension des réseaux culturels de l’extrême droite (musique, salle de sport et bien évidemment internet). L’enquête extrêmement fouillée complète et synthétise utilement bien des travaux antérieurs.


Pop fascisme
Pierre Plottu et Maxime Macé
Divergences 2024 144 p. 15 €

La menace de l’ultra-droite en France
Jacques Leclercq
L’Harmattan 2024 310 p. 32 €