Identifier les violences pour mieux les combattre

mis en ligne le 14 novembre 2013
Les violences faites aux femmes désignent l’ensemble des comportements individuels ou collectifs violents reposant exclusivement sur une question de genre. Elles peuvent prendre diverses formes, en fonction des périodes de la vie.

De la naissance à l’âge adulte
Des femmes avortent en raison du sexe féminin de leur fœtus (foeticide) et des filles sont tuées directement après leur naissance. Dans le monde, entre 300 000 et 500 000 femmes meurent chaque année du fait de grossesses trop précoces, trop rapprochées, trop fréquentes ou trop tardives. Dans certains états des États-Unis, des élus tentent de faire adopter des lois restrictives sur l’avortement. En France, c’est la loi « hôpital patients santé territoires » (dite loi Bachelot) qui conduit les hôpitaux à négliger les centres d’IVG ou à les fermer.
L’accès à l’enseignement, à l’alimentation et aux soins de santé est refusé, limité ou compliqué pour les filles et les femmes. Des milliers de jeunes filles subissent des mutilations génitales (excision, infibulation). Elles se voient contraintes aux mariages forcés, le plus souvent accompagnés de grossesses forcées ou d’avortements forcés. Elles subissent lapidations, défigurations à l’acide et autres crimes d’honneur (pas le leur, bien sûr, mais celui d’un père, d’un frère ou d’un autre homme…).
Les situations d’esclavage et de violences, domestiques et sexuelles, sont très fréquentes. Les privations « traditionnelles » ou politiquement tolérées de libertés et d’accès aux droits humains fondamentaux existent dans tous les pays.
La violence au sein du couple (appropriation de ses revenus, limitation de sa liberté de mouvement, insultes, coups et viols) se termine souvent par le meurtre de la femme par son conjoint ou ex-conjoint. La moitié des meurtres commis sur des femmes sont imputables à leur (ex-) partenaire. Les enfants, souvent exposés à cette violence, en souffrent toujours. En Belgique, une femme sur sept a été victime de violence conjugale en 2009. En France, sans compter les agressions subies dans leur cadre familial actuel, 6 % des femmes ayant entre 18 et 59 ans ont été l’objet d’injures sexistes en 2005 ou 2006, 2,5 % ont été agressées physiquement et 1,5 % a déclaré avoir subi un viol ou une tentative de viol. Dans ce dernier cas, un sur cinq est perpétré par l’ex-conjoint et la moitié des victimes connaissaient leur agresseur. (Source : Les violences faites aux femmes, Insee Première, février. 2008.)
En 2012, 148 femmes et 26 hommes sont décédés en France, victimes de leurs compagnons ou ex-compagnons. Ce chiffre est en nette hausse par rapport à 2011 (28 décès en plus) et représente 22 % des homicides de toute nature répertoriés au cours de l’année écoulée. Neuf enfants ont également été victimes, en 2012, de violences mortelles exercées par leur père ou leur mère. (Source : Délégation aux victimes du ministère de l’Intérieur.)
L’exemple de Noëlle D. : suite à deux dépôts de plainte pour menaces de mort réitérées, le juge aux affaires familiales (JAF) a autorisé le mari à revenir au domicile conjugal, après l’en avoir été écarté deux mois. Noëlle D. est étranglée par son mari. Sa sœur a porté plainte pour non-assistance à personne en danger.
Les femmes veuves, quant à elles, sont forcées, parfois très jeunes, à se marier avec leur beau-frère, ou sont tuées.
Aux Maldives, une adolescente de 15 ans victime de viols répétés vient d’être condamnée à cent coups de fouets en public. Le beau-père de la jeune fille est accusé de l’avoir violée pendant des années et d’avoir tué le bébé qu’elle portait. Aujourd’hui, les tribunaux disent qu’elle doit être fouettée pour « relations sexuelles hors mariage » !

Les abus sexuels et les viols au travail
Trois salariées d’une société de nettoyage, sous-traitante de la SNCF, épaulées par l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, ont décidé de porter plainte pour harcèlement sexuel et moral contre leur supérieur hiérarchique. Elles racontent être embrassées contre leur gré, subir des attouchements et des insultes. Mais, depuis qu’elles ont parlé, leurs conditions de travail se sont dégradées et les vexations se poursuivent. La direction de l’entreprise demeure silencieuse, assurant qu’une enquête interne est en cours. Un éventuel procès ne se déroulera pas avant des mois… Les salariées qui ont dénoncé les violences sont sur le qui-vive, car elles continuent de travailler sous les ordres de supérieurs qui soutiennent l’homme qu’elles accusent de harcèlement.

La violence avec des outils modernes
Le porno-vengeur consiste à publier sur Internet des photos d’ex-copines dénudées. Des sites spécialisés font des ravages aux États-Unis. C’est le cauchemar de nombreuses femmes. Une rupture se passe mal, et hop, l’ex-petit ami balance sur Internet des photos intimes et compromettantes. Des cas rares, des dérapages isolés ? Pas du tout.
L’antiféminisme peut prendre différentes formes, comme le déni ou l’invisibilité, mais aussi des formes plus violentes comme le masculinisme.
La violence à l’égard des femmes peut se faire ouvertement ou dans le secret, elle peut être permise de façon implicite ou explicite, ou condamnée publiquement. Pourtant, cette violence est presque partout tabou. Une grande ignorance règne autour de cette problématique. Les victimes sont montrées du doigt et le comportement des coupables est minimisé, parfois même par les femmes elles-mêmes. Un viol n’est pas une jolie scène érotique : faire croire que c’est joli, c’est le banaliser et l’accepter.
La violence à l’égard des femmes étant encore très souvent taboue, la loi du silence prévaut souvent. Les victimes n’osent pas entreprendre de démarches pour mettre un terme à cette violence. Et, lorsqu’elles le font, elles sont rarement entendues.
Les masculinistes invitent les pères à propager sur le Web une haine misogyne… Leur triste « printemps » rappelle le pire racisme, tout aussi accusateur, des Juifs, des Noirs, des musulmans. S’ils font en public de telles vacheries (« Anonymes, tout de même ! on a la haine, pas l’imprudence… »), imaginez les violences secrètes de ces hommes contre femmes et enfants…
Le viol comme arme de guerre et le corps des femmes comme objectif militaire
Durant les conflits, la violence sexuelle est parfois présentée comme un ensemble de faits isolés pour lesquels quelques militaires endossent individuellement la responsabilité. Mais ce n’est qu’une facette de l’histoire. Depuis l’Antiquité, la violence sexuelle est utilisée comme arme de guerre dans de nombreux conflits et parfois même comme stratégie militaire pour humilier les hommes et les femmes, déchirer les familles, pratiquer une « épuration ethnique » et démoraliser les communautés.
Le viol a été utilisé comme arme de guerre durant les conflits en Afghanistan, au Rwanda et en ex-Yougoslavie, et l’est toujours en République démocratique du Congo (RDC) et en Colombie, par exemple.
Les victimes subissent souvent les conséquences d’un viol durant toute leur vie. Certaines contractent des maladies sexuellement transmissibles comme le Sida ou doivent supporter une grossesse non désirée. Chez d’autres (une femme sur quatre dans l’est de la RDC), le viol provoque une fistule (une affection qui empêche la femme de retenir son urine ou de contrôler l’évacuation des matières fécales). La victime est souvent abandonnée par son mari et l’exclusion sociale est son destin. En outre, nombre d’entre elles souffrent du syndrome de stress post-traumatique.
Le viol déchire aussi les familles des victimes. Parfois, un homme doit sacrifier sa vie pour tenter de protéger sa femme ou sa fille contre des agresseurs. D’autres hommes sont honteux de ne pas avoir pu empêcher la violence sexuelle. La relation est parfois tellement sous pression que le viol entraîne finalement une rupture. Après un viol, les jeunes femmes sont souvent confrontées à une recherche difficile et souvent sans espoir d’un partenaire.
Confronté il y a des années à son premier cas très grave d’un viol, suivi de tirs pour détruire l’appareil génital de la victime, le Dr Mukwege l’a d’abord pris comme « un cas isolé de barbarie ». Mais, après « quarante-cinq affaires comparables la même année », il a compris qu’il s’agissait d’autre chose. « On détruit la vie à son origine, à sa porte d’entrée. La femme est prise pour cible pour atteindre un objectif militaire, son corps devient le champ de bataille. Son viol se fait en public, devant les enfants, le mari, qui sont anéantis et prêts à être battus », assène-t-il.
Ces crimes ont également pris une ampleur inédite dans le nord du Mali, durant l’année où les milices islamistes se sont rendues maîtres du terrain, avant que l’intervention militaire française ne les repousse. « La nuit est tombée sur Gao », a lancé Maïga Hadizatou Hamzatou, institutrice dans cette ville malienne, qui a raconté la mainmise des islamistes sur son école, l’obligeant à séparer les garçons des filles, à n’enseigner que la religion, terrorisant les écolières, intimidant leurs mères et violant certaines d’entre elles.
Lorsque des femmes sont victimes de viol et que leurs familles sont déchirées, la violence sexuelle porte aussi atteinte au tissu social d’une communauté. Les femmes sont en effet souvent les piliers de leur communauté car elles sont, entre autres, garantes de toutes les phases de la chaîne alimentaire. Lorsque les femmes ne sont plus en mesure d’aller travailler sur leurs terres, la sécurité alimentaire de la communauté est alors menacée.
De plus, les forces armées ne sont pas les seules à se rendre coupables de violence sexuelle durant les conflits. La violence perpétrée par d’autres personnes augmente tout simplement pendant et après les situations de conflit. La déchirure du tissu social, l’érosion des normes sociales et une culture d’impunité et de violence en sont des facteurs explicatifs. Les conséquences peuvent durer des années, comme le démontrent les statistiques sur la violence envers les femmes dans des pays comme le Guatemala ou le Cambodge.
Les ONG qui interviennent sur le terrain de ces conflits ne sont pas exemptes de cas de viols par leurs intervenants.
Bref, le viol est une arme de guerre très efficace car les conséquences sur la vie des victimes, de leur famille et de leur communauté sont très lourdes.

Les inégalités, violences quotidiennes
Quel que soit le secteur activité, dans le secteur privé, les femmes ont un revenu salarial inférieur de 28 % à celui des hommes (chiffres de 2010). Elles occupent encore plus de 70 % des postes d’employés, qui présentent les niveaux de salaire les plus bas. Dans le secteur public, l’écart de revenu salarial entre hommes et femmes est de 18 %. (Source : Le revenu salarial des femmes reste inférieur à celui des hommes, Insee Première, mars 2013.)
Au moment de la retraite, les femmes perçoivent une pension inférieure de 42 % à celle des hommes en moyenne. Ceci pour deux grandes raisons : d’une part les femmes sont en moyenne nettement moins rémunérées que les hommes (situation aggravée du fait du temps partiel), d’autre part un grand nombre d’entre elles n’ont eu que des carrières incomplètes, liées notamment à la maternité. Ce qui explique aussi qu’elles prennent leur retraite un an plus tard que les hommes en moyenne. (Source : http://www.inegalites.fr/.)
Chaque jour, en moyenne, chaque adulte consacre plus de trois heures à des tâches domestiques (cuisine, ménage, courses, soins aux enfants, etc.) et produit des services pour ses proches et lui-même. Mais ces services ne sont pas comptabilisés dans le produit intérieur brut (PIB), alors qu’ils le seraient s’ils étaient achetés. En 2010, selon la définition du travail domestique retenue, une femme vivant en couple et mère d’un ou plusieurs enfants de moins de 25 ans, réalise en moyenne entre vingt-huit et quarante et une heures par semaine de tâches contre onze à vingt-trois heures pour un homme vivant seul. (Source : Le Travail domestique : 60 milliards d’heures en 2010, Insee Première, novembre 2012.)
Les luttes contre toutes ces formes de violences sont portées par de nombreuses associations qui sont souvent spécialisées afin de mieux prendre en charge les personnes victimes, mieux comprendre les conséquences des violences subies et agir.
Citons en quelques-unes en France : Planning familial, Collectif féministe contre le viol (Viols-Femmes-Informations, tél. : 08 00 05 95 95, permanence ouverte du lundi au vendredi, de 10 heures à 19 heures), GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants), Violences faites aux femmes (tél. : 39 19), Association contre les violences faites aux femmes au travail (www.avft.org), Mouvement du Nid, collectif de solidarité avec les femmes tutsies qui ont porté plainte contre des militaires français lors de l’opération turquoise en 1994 (http://contreviolsrwanda.info), Stop aux viols en RDC (https://www.facebook.com/StopAuxViolsEnRdc), Mémoire traumatique et victimologie (http://www.memoiretraumatique.org)…
Sans oublier les regroupements comme la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac), le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF) et la Marche mondiale des femmes (qui prépare de nouvelles actions pour l’année 2015).