Espagne : la santé ne se vend pas, elle se défend !

mis en ligne le 20 décembre 2012
1692SanidadDepuis le 26 novembre, une marée blanche envahit régulièrement les rues de Madrid : chez le personnel hospitalier, c’est le branle-bas de combat. La cause ? La décision de la Communauté de Madrid de privatiser la gestion de six hôpitaux et de vingt-sept centres médicaux. Comme tous les autres services publics, la santé est menacée de privatisation, que ce soit par les mesures du gouvernement central ou des gouvernements autonomes des régions. L’Afem 1 annonce une participation à la grève de 75 %, le ministère n’arrivant, lui, qu’à 23 % (toujours la guerre des chiffres). Précisons qu’il s’agit d’une grève illimitée contre le plan de restructuration du gouvernement régional. Sur la voie publique s’improvisent des ateliers de formation, consistant à donner à la population des cours basiques de réanimation. Cours donnés par des médecins, auxiliaires et étudiants en médecine. Le Conseil de la santé 2 n’a rien trouvé de plus provocateur à faire que de dénoncer le fait que les grévistes avaient utilisé des draps de lit d’hôpital pour en faire des banderoles ; et de rappeler que chaque drap coûte (soyons précis) 4,62 euros ! Devant ce gaspillage énôôôrme, ces hauts fonctionnaires en oublient de parler du montant de leurs émoluments obtenus par leur participation à des entreprises de santé privées (ça porte pourtant un nom précis : conflit d’intérêts).
Les chefs de service des hôpitaux publics madrilènes, même s’ils n’entrent pas dans la catégorie des smicards (loin s’en faut), ont rejoint le mouvement de protestation. Ils sont près de cinq cents à s’être réunis dans le grand amphithéâtre de la faculté de médecine de Madrid pour exprimer leur opposition au plan concocté pour le secteur de la santé par le gouvernement régional. Plan qui consiste entre autres choses à privatiser la gestion et à demander aux gérants des hôpitaux de se faire remettre le plus rapidement possible par les chefs de service des rapports et des informations permettant de voir comment on peut réduire personnel et activités. L’absence de réelle négociation est dénoncée par les cinq cents chefs de service qui mettent comme préalable à toute discussion le retrait du plan gouvernemental. Ils dénoncent l’attitude irresponsable des dirigeants du Conseil de la santé qui font traîner le conflit et sont ainsi « les responsables directs du manque d’assistance et de soins » pouvant se produire les jours de grève. Au cours de leurs prises de parole, beaucoup de chefs de service ont exigé la démission de Javier Fernández Lasquetty, conseiller (ministre) de la Santé, d’autant plus que certaines analyses des données économiques semblent indiquer que la gestion privée est plus coûteuse que la gestion publique. Au vu également du nombre important de conflits d’intérêts chez certains membres du Conseil de santé, il est demandé aussi leur démission ainsi que celle des gérants d’établissements hospitaliers qui ont accepté de fait la situation actuelle. Bien entendu les chefs de service ont décidé de refuser de rédiger et de remettre rapports et informations sur la manière de faire des économies sur les soins (notamment par des suppressions de postes). Leur réponse aux demandes du gouvernement a été sans ambiguïté : « Nous devons appeler ceci par son nom : c’est une spoliation. »
Parallèlement aux luttes dans la branche hospitalière, d’autres conflits se poursuivent à travers tout le territoire espagnol dans la foulée de la grève générale du 14 novembre dernier. Nos camarades de la CGT espagnole continuent d’appeler les autres centrales syndicales et mouvements sociaux à continuer de construire des processus unitaires de mobilisation permanente pour rejeter la politique antisociale du gouvernement et de l’Union européenne, qui décrètent les coupes budgétaires, les « réformes », les sauvetages des banques, les baisses de salaires, d’allocations, de pensions, etc., qui spolient les classes populaires en les privant de leurs droits fondamentaux : travail, logement, éducation, santé, etc.
Les anarcho-syndicalistes soutiennent et participent aux luttes en cours dans tous les secteurs : contre la privatisation des transports, de l’énergie, des services publics, contre les ERE 3, pour une santé publique, une éducation publique et laïque, pour la fin des expulsions, la défense du système de retraite, pour l’auto-organisation des sans-emploi. Les anarcho-syndicalistes interpellent une fois de plus les syndicats institutionnels pour qu’ils poursuivent la lutte entamée le 14 novembre, qu’ils cessent de gérer la crise du capital, qu’ils refusent de signer les ERE, les conventions collectives, les accords avec le patronat et le gouvernement sur la « réforme » de la législation du travail, « ce contre quoi nous avons tous fait grève générale le 14 novembre dernier ». Pour rappeler tout cela, grèves et manifestations se sont de nouveau déroulées les 13 et 14 décembre : métro, bus, trains, éducation santé etc. et même les paradores 4 dont certains doivent être vendus au privé, ont suivi le mouvement. Et pour enfoncer le clou et rappeler qui est le véritable responsable de la crise, rendez-vous est pris pour la mi-janvier : journées de lutte contre la banque et la finance.
Pas de paix entre les classes ! Pas de répit pour les exploiteurs !











1. Afem : Association des médecins spécialistes de la faculté de Madrid.
2. Conseil : ministère du gouvernement régional.
3. ERE (Expediente de regulación de empleo) : plan de restructuration de l’emploi. Il s’agit d’une disposition de l’actuelle législation du travail en Espagne, permettant à une entreprise se disant en difficulté économique, de licencier des salariés sans autre motif que cette – supposée – mauvaise situation financière.
4. Chaîne hôtelière de luxe gérée par l’État.