Commune libre : une expérience communale du futur

mis en ligne le 6 décembre 2012
Las des éternelles déclarations militantes et velléitaires qui annoncent le Grand Jour pour un demain incertain, las des affirmations théoriques qui se fondent sur les grands maîtres libertaires du XIXe siècle et se dispensent de concrétisations pratiques, las surtout des aveux d’impuissance face au rouleau compresseur du capitalisme, de la mondialisation, de la captation du pouvoir par la grande finance, j’ai fini par prendre la plume pour imaginer un demain possible. Les expérimentations de microsociétés libertaires sont légion, les initiatives allant vers une pratique réellement démocratique foisonnent, les idées géniales permettant de reprendre le pouvoir sur notre vie quotidienne fleurissent un peu partout dans le monde.
Pourtant, on voudrait nous faire accroire qu’il faut attendre le Grand Jour, la chute de l’empire de la finance, la prise de conscience généralisée de ce qu’est l’asservissement volontaire… On critique savamment le système, on appelle à la mobilisation, on exige de l’autre un investissement héroïque dans l’action et un purisme qu’aucune compromission ne saurait entacher. Et si la révolution était possible à notre niveau, localement, sans rigueur intellectuelle ni fidélité à une théorie quelconque ? Et si l’imagination, les tâtonnements expérimentaux, les travaux pratiques de la démocratie directe prenaient enfin le pouvoir ?
Je me suis donc transporté dans une commune de cinq mille habitants, une classique et banale ville de province, où un maire devenu « fou » transformerait le pouvoir communal en laboratoire, refusant d’accepter qu’il y ait des problèmes sans solutions, des solutions qui excluent, des exclusions qui permettent à d’autres de vivre…
La commune fictive de Saint-Martin va réinventer un monde viable. La société du don va remplacer la société marchande. Le service prendra le pas sur l’exploitation, la solidarité sur le profit, la responsabilité sur la délégation des pouvoirs, l’imagination sur la passivité. Un vent de folie balaie toutes les évidences d’hier et oblige les habitants à repenser la justice, la police, l’école, le commerce, les pompes funèbres, l’établissement d’un budget, la fête locale, l’autosuffisance alimentaire, la politique énergétique, les déchets, l’urbanisme, les transports, le salariat, la banlieue, la banque, la santé. Dans cette joyeuse pagaille, les débats enflammés sont longs, bavards, conflictuels. Mais ils permettent de faire éclore une potentialité que nul n’aurait imaginée dans cette ville dépressive et économiquement mourante.
Il n’est pas question, dans ce récit, de prôner le municipalisme, de proposer un programme libertaire, de donner des solutions clé en main. Les erreurs de jugements, les errements théoriques, les oppositions de cultures éthiques et politiques, sont aussi essentiels que les outils dont la commune se dote. Nous avons la « boîte à outils », nous avons l’urgence de la situation économique et écologique, nous avons la soif d’innover, de changer le cours des choses. Reste à trouver le déclencheur, le catalyseur qui mettent tout cela en branle et rendent possibles nos rêves les plus fous. Dans la commune libre de Saint-Martin, il se nomme Laurent, conseiller municipal qui croise par hasard un petit groupe d’anarchistes. Ailleurs, chez vous, chez moi, il en serait autrement, ce qui garantit des risques de la modélisation, des dérives du programme politique, et laisse rêver…
Ce roman, qui vient de paraître aux Éditions libertaires, n’a d’autre but que de redonner l’espoir en ce temps de crise économique, un sens aux indignations multiples, une foi dans l’homme et dans son pouvoir d’adaptation et d’innovation…

François Grandebru