Rattrapage

mis en ligne le 29 novembre 2012
Si vous n’avez pas trouvé ou pas participé au grand jeu-concours de la semaine dernière, tentez de gagner un superbe cadeau surprise en me disant qui a bien pu écrire ces lignes dans les années trente. Écrivez-moi à rodkol (arobase) netcourrier.com. Pour les ronchons qui manqueraient d’humour, qu’ils prennent cela très au sérieux ne me dérange aucunement, et qu’ils m’envoient un mail pour me donner leur avis sur les phrases suivantes :
« La maturité politique.
La démocratie bien entendue n’est pas le gouvernement d’un peuple par des représentants élus exerçant les prérogatives de ses anciens seigneurs et maîtres. C’est le gouvernement du peuple par la loi commune qui définit les droits et les obligations réciproques des personnes. Cette loi commune est définie, appliquée et amendée par les représentants du peuple.
Si l’on se contente d’affranchir les électeurs, même de les faire représenter fidèlement, cela ne suffit pas pour établir un gouvernement démocratique ; cela peut mener, et cela a en effet mené dans la plupart des pays, à une nouvelle forme d’État absolu, à l’établissement d’une oligarchie permanente et d’une bureaucratie incontrôlable qui gouverne en flattant, en caressant, en corrompant et en brutalisant le peuple souverain mais incompétent. Car le peuple ne saurait gouverner en confiant à ses représentants les prérogatives du roi. Il ne peut gouverner que lorsqu’il comprend comment une démocratie peut se gouverner elle-même ; que lorsqu’il a compris qu’elle ne peut pas gouverner en donnant des ordres et qu’elle ne peut gouverner qu’en nommant des représentants pour juger, appliquer et réviser des lois déterminant les droits, les devoirs, les privilèges et les garanties des personnes, des associations, des collectivités, et des fonctionnaires eux-mêmes à l’égard de tous. […]
Cette définition de la souveraineté populaire n’est pas une abstraction que j’ai inventée parce que je la trouve désirable. Elle est, selon moi, une déduction de l’expérience historique acquise au cours de la longue lutte menée pour supprimer la domination de l’homme par l’homme. Cette idée doit peu à peu se cristalliser dans les esprits, au fur et à mesure que les hommes cessent de penser que leurs rois, leurs seigneurs et maîtres et leurs chefs sont nommés par dieu pour les gouverner. Car lorsqu’ils ne considèrent plus le gouvernement comme le sujet considère son roi, l’esclave son maître, le serviteur son patron, ils doivent le considérer comme un ordre légal à l’intérieur duquel les individus ont des droits et des devoirs réciproques.
Ce changement d’opinion marque le commencement de l’âge viril, et la fin de l’enfance de l’espèce humaine. Les hommes n’acceptent pas facilement cette conception du gouvernement. Car elle exige un changement profond d’attitude psychologique, et ce changement s’accompagne de tous les troubles de l’adolescence ; l’individu est trop grand pour qu’on le traite comme un enfant, et pas encore assez mûr pour supporter les responsabilités d’un adulte. Mais ceux qui grandissent doivent continuer à grandir. Le changement est inéluctable. On voit çà et là des nations qui trouvent intolérable le poids du gouvernement démocratique et reculent un moment, essayant de vivre de nouveau la vie paisible de l’enfance ; mais la destinée évidente de l’humanité est de devenir adulte et de remplacer l’autorité paternelle par l’association fraternelle.
Un problème a dérouté les grands penseurs et les hommes d’État du XIXe siècle, et l’échec de leurs efforts pour l’élucider a causé cet affolement populaire qui fait croire aux hommes qu’ils n’ont à choisir qu’entre l’anarchie des possédants tout-puissants et la gestion de la propriété par l’autorité publique. Ils croyaient avoir à décider entre ne rien faire et administrer presque tout. Ceux qui désiraient ne toucher à rien se firent appeler individualistes et déclarèrent qu’ils croyaient en la liberté. Ceux qui voulaient tout diriger devinrent des collectivistes et se posèrent en champions de la sécurité, de l’ordre et de l’égalité. […] L’étatisme n’est pas la seule solution possible pour remplacer le système existant des contrats privés dans les relations industrielles… »