Nouvelles des fronts

mis en ligne le 4 octobre 2012
Pour faire passer les pilules les plus amères, rien de mieux que l’éducation. À Hongkong, le gouvernement chinois, qui a reculé depuis, voulait imposer « l’éducation patriotique » pour faire accepter le régime autocratique du socialisme de marché à la population. En France, c’est le retour de la morale laïque pour œuvrer au « redressement moral et intellectuel de la nation ». De fait, une morale d’État où le citoyen se sacrifiera pour le capital sur l’autel de l’intérêt général. Asie, Europe, marchés de dupes pour les uns, profit et domination pour les autres.
Après l’élection présidentielle, on s’y attendait et c’est en cours. La CGT annonçait au printemps la suppression de 80 000 emplois et tout semble aller dans ce sens puisque, déjà depuis janvier 2012, 208 usines ont fermé leurs portes. Si les patrons et les RH font leur job de liquidateurs au bénéfice d’actionnaires toujours plus gourmands, les socialistes au pouvoir, comme à l’accoutumée, se préparent à prêter main forte au capital. Onze dévoués ministres sont allés courtoisement lustrer les pompes patronales à l’iniqueversité du Medef. Du jamais vu.
L’affaire PSA Aulnay, 3 000 emplois dans la balance de l’injustice, est un bel exemple de la solidarité de classe dominante et ce malgré les rodomontades de Montebourg, le tartarin du Redressement productif. Tartarin qui a vite replié ses gaules pour donner raison au rapport Sartorius qui conclue à la nécessaire liquidation du site de Peugeot. Certes, les représentants des salariés d’Aulnay, avec une petite manif à la clé, ont été reçus par un président à l’Élysée, toujours avenant, mais sans pouvoir faire face à l’intérêt supérieur de la finance des pères imbus de leur puissance sans limite.
Dans le même temps, le PS organise la gestion sociale du chômage des jeunes comme il l’avait fait précédemment en réinventant le programme Paque, les emplois jeunes de Martine Aubry en 1997 et autres TUC, encore plus anciens et de sinistre mémoire. Cette fois, ce sont les « emplois d’avenir », dont on peut imaginer l’avenir en toute quiétude. Un sas en attendant un autre sas pour atterrir à terme à Pôle emploi… Un avenir radieux promis par le socialisme d’État gestionnaire. État socialiste qui engage avec les « partenaires » une réflexion qui doit aboutir à une réforme du marché du travail dont on peut aussi imaginer l’avenir, il suffit de regarder chez les voisins. On nous parle de « sécurisation des parcours » quand s’organise l’insécurité sociale généralisée.
En Grande-Bretagne, on prépare les mini-jobs sans charges ni imposition, bien sûr sous-payés et, en Allemagne, après les réformes orchestrées par les sociaux-démocrates Hartz et Schröder dans les années 2000, le travail dérégulé, pardon modernisé, avec la bénédiction de la DGB (Confédération allemande des syndicats), voit naître un système de sous-salaires autour des 400 euros mensuels, heureusement défiscalisés… Grèce, un tiers de la population sous le seuil de pauvreté, 15 % au Portugal, 11,3 % de chômage en Europe. Quant aux États-Unis, 24 % des emplois sont qualifiés de « mauvais emplois », ce qui rime avec bas salaires, absence de couverture sociale et de régime de retraite d’entreprise.
Et ici, déjà des bruits courent d’une nouvelle et nécessaire réforme des retraites, les accords « anciens » ne seraient pas tenables ou déjà dépassés. Il va donc falloir là aussi moderniser: 208 usines et plus si affinités avec 200 emplois supprimés au groupe Lhor maintenant actés, 320 chez TRW dans les Vosges (sous-traitant de PSA), 1 500 à Néo-sécurité après négociations et reprise partielle des activités du groupe, 200 chez Kronenbourg, 470 salariés du Ritz saqués pour travaux, 556 chez Bouygues Telecom, 180 chez Coca-Cola pour réorganisation de la compta, tout comme les 260 postes perdus à la SNCF because délocalisation, 85 à Paris-Normandie, 1 000 attendus chez Presstalis, 600 à Carrefour, 80 au CCE d’Air France, 300 probables chez Technicolor à Angers, 260 menacés à la papeterie Stracel (67) et de 1 000 à 2 500 chez Sanofi à Montpellier et Toulouse malgré des profits colossaux.
En bref, un bien bel été et un automne vraiment frais malgré l’annonce, pour le 9 octobre, d’une journée d’action par les matamores du syndicalisme… Un baroud du déshonneur pour Thibault, sur le départ. Une journée avec, comme à l’habitude, pas de grand soir ni de petit matin qui déchantent.
Durant ce bel été, petits sursauts des salariés de Brittanies Ferry en grève pour les salaires, des pilotes d’Air France en région et de ceux d’Easy Jet malgré l’usage de jaunes par la direction low cost. Et, dans les derniers jours, grève à L’Équipe (46 salariés sur la ligne de départ), au Figaro, à Radio France et port de bracelets dans les Apple stores. Bracelets revendicatifs, bien sûr, sur lesquels est écrit « Believe », croire ou ne pas croire aux promesses de la direction sans porter atteinte au chiffre d’affaires… Forme symbolique d’un hara-kiri sans avenir. Quant à Indes, 50 millions de grévistes protestent contre la venue des multinationales de la distribution, tueuses d’emplois.
Ailleurs, ça sent la mort. Pakistan, 289 morts brûlés dans une usine vétuste à Karachi, 21 morts à Lahore dans les mêmes conditions. Les bagnes industriels sont des mouroirs, mais qu’importe, la main d’œuvre est pléthorique. Afrique du Sud, relent d’Apartheid, 34 mineurs assassinés par la police lors d’une grève pour dénoncer des salaires de misère (400 euros par mois) et des conditions de vie dignes du bétail à la mine de platine de Marikana. Grève dramatique qui, après extension, a été suivie d’une augmentation des salaires, sans pour autant atteindre les 1 200 euros revendiqués. Esclaves salariés, mais aussi esclaves tout court. 27 millions d’entre eux ont été comptabilisés de par le monde. L’Arabie saoudite et la Corée du Nord tiennent le pompon des dictatures esclavagistes.