Quand Victor Serge louait Eugène Pottier

mis en ligne le 15 mars 2012
Expulsé d’URSS en avril 1936, l’écrivain militant Victor Serge (1890-1947) fut l’objet d’« une invraisemblable campagne de calomnies » tandis que « des communistes noyautaient la presse et les revues françaises avec une perfection admirable ». Boycotté par la presse du Front populaire en France, il écrit pour quelques revues d’extrême gauche (comme La Révolution prolétarienne de Pierre Monatte) ; et seul le quotidien socialiste et syndical de Liège La Wallonie, en Belgique, lui offre une tribune régulière. À partir de juin 1936, Victor Serge donne un article par semaine à La Wallonie sur les sujets les plus divers, de l’actualité internationale aux critiques de livres, en passant par des chroniques d’histoire sociale où il évoque régulièrement les grandes luttes populaires du passé. Ainsi, après avoir rappelé l’anniversaire du 18 mars 1871, début de la Commune de Paris, dans l’édition du 20 mars 1937, il consacre quelques jours plus tard un bel article à Eugène Pottier, son poète (1er au 2 mai). On y vérifiera que, plus de soixante après, le souvenir de la Commune est encore présent et que Victor Serge veut donner aux ouvriers qui le lisent des éléments d’une histoire populaire permettant de relier les luttes du passé aux combats contemporains pour l’émancipation.
Alors que nous sommes confrontés à la mise en scène d’un présent perpétuel qui permet les plus grossières manipulations historiques, l’exemple mériterait d’être retenu. Car, comme Serge l’écrit dans les mêmes colonnes, « le nouveau Moyen Âge, où nous plongent les soubresauts du capitalisme finissant, nous impose la plus grande lucidité, le plus grand courage, la solidarité la plus agissante. Aucun péril, aucune amertume ne justifient le désespoir – car la vie continue et elle aura le dernier mot. Aucune évasion véritable n’est possible, sauf celle de la vaillance ».
L’ensemble des deux cent deux chroniques écrites par Victor Serge de juin 1936 à mai 1940 pour La Wallonie sont reproduites sur le site : www.agone.revues.org.
Quatre-vingt-treize d’entre elles ont fait l’objet d’une publication en volume sous le titre Retour à l’Ouest (Agone, collection « Mémoires sociales », 2010). En 2011, les éditions Agone ont également publié son roman Les Années sans pardon et une version complétée et actualisée de ses Carnets, à paraître à la rentrée 2012.