« Nous sommes fils et filles de Guernica ! » : cour d’assises antiterroriste de Paris

mis en ligne le 2 décembre 2010
Lundi 15 novembre 2010, palais de justice de Paris. 9 h 30.
Après moult fouilles (des fois que…), je fais les cent pas au pied du grand escalier menant à la cour d’assises du TGI de Paris. Le procès doit commencer à 10 heures.
10 heures. Les flics me refoulent. Il y a une grève des matons. Le transfert des prisonniers n’aura peut-être pas lieu. L’audience sera peut-être reportée. « On vous dira ! »
13 heures. Ils arrivent. Et prennent place dans une cage en verre. Ils…
Mikel Albisu-Iriarte (dit Antza), Pedro Alacantarilla-Mozota, José Ramon Arano-Urbiola, juan Cruz Maiza Artola, Miguel Angel Negrete-Ortega.
Myriam Incaby, Robert Arrambide, Xavier Oxarengo, Maria Lourdes Urdampilleta-Iturbu sont déjà dans l’arène. Ils comparaissent « libres ».
Maria Soledad Iparraguire-Guenechea arrive quelques instants plus tard. Belle. Rebelle. Magnifique. Elle a le poing levé. Elle embrasse Mikel et tous les encagés. Instant d’émotion !
Tout procès commence par la déclinaison des identités des accusés. Tous se déclarent Basques. Basques tout court. Ni Espagnols, ni Français. Ça commence fort !
Mikel lit alors un texte expliquant le pourquoi et le comment du combat des Basques. C’était vachement bien. Du même tonneau que ce qu’il nous écrivait en 2006 1 : « Le drapeau, c’est provisoire, comme les frontières, jusqu’à la liberté. Après, il ne restera que le vent et les sourires. »
Marixol poursuit et explique en quoi ils sont les fils et les filles de Guernica. Poignant. Elle conclut son intervention en demandant une minute de silence par rapport à la mort d’une camarade. La salle se lève. Le tribunal tangue et met 45 secondes à réagir. Bêtement. La salle se révolte. Mikel et Marixol lancent alors des slogans qui sont repris par le public. La Marseillaise basque retentit dans le prétoire. Même moi, qui ne comprends pas le basque, j’en ai des frissons. Les jeunes Basques qui m’entourent ne font pas semblant !
Après cela, interruption de séance. Il faut bien manger. Les Basques ont amené des victuailles. J’ai préféré la brasserie d’en face.
14 h 30. Reprise des hostilités. Les avocats demandent la mise en liberté immédiate des accusés. Certains sont en détention provisoire depuis six ans et demi. Or, la Cour de justice européenne refuse qu’une détention provisoire dure plus de cinq ans et l’Europe prime sur le national. La France s’en fout. Elle est régulièrement condamnée. Elle paye les amendes. Et… continue.
Le procu bredouille que oui, ça a été long. Mais il avait beaucoup de travail. Et puis, quand même, qui sont ces gens-là ? Alors !
Je vous laisse deviner la teneur de la décision de cette cour d’assises antiterroriste dont le soi-disant jury n’est composé que de magistrats. Jadis, avant la novlangue, on appelait ce genre de machin une juridiction d’exception. La version aux pieds du gentil chien judiciaire !
Et puis, un huissier de carnaval bégaye la liste et le planning de comparution des témoins et experts.
Plusieurs Basques ayant été arrêtés en Espagne décrivent les tortures qu’ils ont subies. C’est à vomir. Leurs avocats ont donc demandé à entendre certains flics et magistrats espagnols. Ils ont tous envoyé un certificat médical. Sans doute une épidémie. Le président n’y voit rien à redire. Très gentil, le chien !
Je profite d’une interruption de séance pour aller claquer une bise à Mikel et Marixol. Les gendarmes, visiblement mal à l’aise à l’évocation des tortures, ne se sont pas opposés à cette incongruité. Merci à eux !
Ce procès va durer un mois. Certains accusés vont prendre trente ans.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, je ne suis ni membre d’ETA ni de ses compagnons de route. Non pas que je conteste la légitimité de son combat (le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes), mais il y a manière et manière de mener ce combat. Pour autant, j’estime de mon devoir de dénoncer cette parodie de justice comme les conditions scandaleuses d’incarcération des militants d’ETA. Car, aujourd’hui, ce sont eux qui subissent cela. Mais, demain… ?
Un ou deux autres comptes rendus d’audience à venir dans ce journal. Mais, je puis dès aujourd’hui vous donner le verdict !


1. Oui, nous avons hébergé un terroriste… de trois ans, Jean-Marc Raynaud et Thyde Rosell, éditions Libertaires, 12 euros.