Edvige est morte, mais a laissé deux rejetons

mis en ligne le 29 octobre 2009
Après la polémique sur les libertés individuelles qu’avait suscité la création du fichier Edvige en 2008, voici que le gouvernement – par l’intermédiaire des sales pattes de Brice Hortefeux – a décidé de créer par simple décret, dimanche 18 octobre 2009, deux nouveaux fichiers policiers. Leurs petits noms sont moins burlesques que les précédents, Safari et Edvige, puisqu’ils ont été baptisés, très sobrement, Prévention des atteintes à la sécurité publique et Enquêtes administratives liées à la sécurité publique. Maintenant, ils ne prennent même plus la peine de faire un peu d’humour ! ­­­­­­­­­­­­­­­­­
Brice Hortefeux tente de nous rassurer, nous, les pauvres bougres du populo : ces deux fichiers ne sont pas un retour à la détestable Edvige : « [ce fichier] est mort, il n'est pas question de le remplacer » * nous dit-il… Bref, rassurons-nous, notre liberté n’est pas en danger ! Euh, vraiment ? Analysons-donc les informations que ces deux nouveaux avatars du flicage pourront désormais regrouper officiellement (oui, pas de doute qu’elles l’étaient déjà auparavant).
Le premier fichier – Prévention des atteintes à la sécurité publique – ciblera « les personnes dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique ». Sur quels critères une activité est-elle jugée susceptible de porter un trouble à l’ordre public ? ça, on n’en sait rien… ce sera certainement au bon vouloir de ceux qui rempliront les bases de données.
Quoi qu’il en soit, ce fichier prévoit de regrouper « l’état civil, la profession, la nationalité, les adresses physiques, les numéros de téléphone, les adresses électroniques, les signes physiques particuliers et objectifs, les photographies, les titres d’identité, les immatriculations de véhicules, les informations patrimoniales, les activités publiques, les comportements, les déplacements, et les personnes entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec l’intéressé » entre autres… Et à partir de quel âge pourrons-nous avoir une petite fiche à notre nom ? Dès 13 ans…
Le second fichier – Enquêtes administratives liées à la sécurité publique – concernera les personnes souhaitant postuler pour un travail dans des « secteurs sensibles » : police, gendarmerie, aéroports, centrales nucléaires, etc. Ce fichier concernerait environ plus d’un million de salariés. Son but exact ? S’assurer que ces individus n’aient pas de « comportements contraires aux bonnes mœurs » et que « leur comportement n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées, alors même que ce comportement aurait une motivation politique, religieuse, philosophique ou syndicale ». Pour ce qui est des données collectées, reportez-vous au premier fichier, ce sont les mêmes, à une ou deux près. Il faudra, cependant, attendre vos 16 ans pour avoir le droit à une petite place.
Résumons : fichage dès 13 ans, prise en compte des appartenances politiques, syndicales et religieuses, contrôle des déplacements, mention des origines géographiques (qui permet de contourner l’interdiction de mentionner les origines ethniques) tout ce qui avait suscité la colère contre Edvige se retrouve dans ces deux nouveaux fichiers au service du contrôle social. Brice Hortefeux se fout de notre gueule, Edvige est morte, certes, mais ils ont pu lui prélever des cellules pour la cloner.
Pour justifier leur existence, le mythe de l’insécurité revient, à nouveau alimenté par les grands médias qui ont fait des mille et des cents de trois vitrines pétées à Poitiers, tandis que des sans-papiers se font rafler et expulser en groupes par avion, que le chômage explose et que les mouvements sociaux sont réprimés sous le gaz et les matraques. Bref, dans tout ce fourbi, une chose est sûre : le pire ennemi de la sécurité de nos libertés, c’est l’État.


* www.lefigaro.fr/politique/2008/09/10/01002-20080910ARTFIG00427-fichier-edvige-une-premiere-victoire-.php