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Chroniques du temps réel
par Jean-Luc Debry le 21 août 2025

L’air du temps

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[note]
« Rappelez-vous bien, frères, écrivit en substance Bakounine en 1869, que la jeunesse lettrée ne doit être ni le maître, ni le protecteur, ni le bienfaiteur, ni le dictateur du peuple , mais seulement l’accoucheur de son émancipation spontanée, l’unisseur et l’organisateur des efforts et de toutes les forces populaires [note] ».

Ce n’est pas nouveau, Bakounine avait déjà alerté ses contemporains sur les dangers que contiennent les dérives avant-gardistes des intellectuels qui se considèrent comme chargés de mission auprès « du peuple » dont, au fond, ils stigmatisent sans tendresse les gouts et les pratiques sociales. C’est-à-dire les codes et les tics de langages.

Comme disait un ami, « comment des gens aussi cons peuvent encore prétendre contrôler nos consciences sans que nous rigolions comme nos pères moquaient les curés en soutane ». Son mauvais esprit me l’avait rendu sympathique. Il ne manquait pas de perspicacité le bougre. Répandre la bonne parole dans le peuple permet d’adopter des postures de maitre éducateur et de se construire des carrières politiques.

Le peuple est devenu une fiction ou dans le meilleur des cas, une hypothèse. L’abolir, rêve macronien dans toute sa flamboyance, est aussi celui de néo colons qui vivent dans une fiction qui n’a jamais existé mais fit rêver des générations muent par le désir d’un retour aux sources - une sorte de communauté primitive dont ils seraient les garants. Où l’on parle de communauté villageoise comme d’un paradis perdu alors que l’on s’acharne à détruire le peu de traces qui reste de cette fiction. Le Clochemerle de la vie villageoise soumises aux fantasmes des fictions en cours, reste à écrire.

Et l’enthousiasme que provoque ces excès de certitudes au sein de son fan-club, fait fonction de séduction. La besace pleine de moraline sur tous les sujets est vide d’une simple humanité. Plus ils sont militants, moins leur part d’humanité se manifeste dans leurs injonctions. C’est la valse des étiquettes infamantes. La messe est dite. Le ridicule ne tut pas et c’est heureux pour eux.

La nature sacrée de leur engagement, donnent à la posture des néo-colons une dimension émotive plutôt infantile ou tellement fausse dans le comportement juvénile qu’elle contraste avec la volonté de faire « comme les grands » - c’est saisissant. Et cela relève du mauvais théâtre, entre parodie involontaire et sentiment de sa propre importance.

Macron a dit, le peuple n’existe pas. La foule à laquelle il le réduit pour mieux trahir sans mauvaise conscience quiconque fait obstacle à son projet - la déconstruction du système social. Et Macron, tel Brutus entrainant dans un coup d’État les sénateurs romains, Macron trahira François Hollande [note] et fort de la naïveté déconcertante des ralliements venus de la gauche, il trahira ses électeurs et à la fin donnera les clés du pouvoir au RN, car tout le reste dans le champ politique ne sera plus que ruines. Les effets de la rancune occupent le vide créé par la perte d’espérance sous toute ses formes (le progrès technique et social, une société plus juste, bref celle des « jours heureux » de 1945 a sombré dans une désillusion sans espoir de retour en arrière). Elle nourrit une tentation nihiliste de plus en plus vigoureuse. Mission accomplie ! Le peuple, cette fiction réactionnaire, doit se fondre dans l’habitus d’une petite bourgeoisie de l’âme et disparaitre du paysage politique dans la plus grande discrétion.

Le bruit que firent « les gilets jaunes » - et qui leur insupporta et conforta leur sentiment d’être tenu de ne rien céder à ce peuple qui sent la sueur, la bière et se régale de saucisses grillées - cette révolte donc mis en évidence une alliance de classe, une alliance idéologique en quelque sorte entre le pouvoir macronien et son complice la petite bourgeoisie urbaine dans l’élaboration d’une narration qui évacue le social d’un revers de la main.

On ne dira jamais assez combien cet état d’esprit est répulsif et facilite la marche vers le pouvoir du RN. Lorsqu’on partage un sentiment commun d’humiliation, le réflexe est de céder à la tentation du mal, juste pour dire « on existe ». Jadis le PCF était puissant dans la région et les ressorts de sa popularité reposaient sur un principe identique. Le mépris de classe, qu’il soit macronien ou vert pâle tendance créatif festif, provoque une fermentation identique du ressentiment. Il inspire les mêmes manifestations de rejet que celui provoqué par la bourgeoisie à l’ancienne. À force de traité son prochain comme une âme errante en attente de la bonne parole, on finit par le convaincre qu’il est « inférieur ». Un complexe de supériorité sans noblesse et finalement d’une vulgarité sans nom. Définitivement.


Jean-Luc Debry, aout 2025

Un texte publié en 2016 (Ndlr)

PAR : Jean-Luc Debry
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