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par Un juriste • le 16 août 2025
Soyons vigilants : le diable dans les détails
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Savoir raison garder face à l’évènement, se taire pour mieux analyser les causes et les effets dudit évènement, voilà qui évite des propos enthousiastes mais trop rapides. Il en est ainsi la décision du Conseil constitutionnel rendue le 7 août 2025 et portant sur la loi Duplomb du nom de son auteur, sénateur LR de Haute-Loire, adepte de l’agriculture intensive, responsable de la FNSEA et partie intégrante de groupes laitiers plus industriels que petits agriculteurs.
Le texte téléguidé par les lobbies évoqués ci-dessus avait été adopté dans des conditions peu orthodoxes, c’est-à-dire sans débat. Or au Parlement, on parle !! Passons sur ces questions de procédure pourtant essentielles dans une démocratie qui oublie ses principes fondateurs quand cela arrange le Pouvoir et l’Argent.
Le Pouvoir et l’Argent
Ce texte contenait plusieurs mesures sujettes à débat :
• Attribution d’un qualificatif d’« intérêt général majeur » aux retenues de substitution, les bassines à ciel ouvert,
• Possibilité de recours en cas de pertes de cultures,
• Simplification administrative pour l’agrandissement ou la modernisation des élevages,
• Suppression de la stricte séparation entre l’activité de conseil aux agriculteurs et la commercialisation de pesticides,
• Autorisation de dérogation à l’interdiction de pesticides de la famille des néonicotinoïdes (l’acétamipride et le flupyradifurone).
Ces thèmes ont fait l’objet de discussion dans la société qualifiée de civile, les consommateurs, les agriculteurs dits bios, les médecins se sont mobilisés pour dénoncer les risques d’une agriculture qui ne raisonne que sur le court terme. La pétition lancée contre ce dispositif a recueilli plus de deux millions de signature et le débat parlementaire n’est pas clos à son sujet.
Ne boudons pas notre plaisir
Les opposants à cette loi se sont satisfaits de la décision du Conseil qui censure l’article 2 de la loi relatif aux pesticides. Ne boudons pas notre plaisir. Pourtant, attention, le diable se cache dans les détails. Certes le Conseil invoque, pour justifier la censure, le risque pour l’environnement et la santé en s’appuyant sur la Charte de l’environnement, texte à valeur constitutionnelle depuis 2005, plus particulièrement son article 1er : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Il souligne que les dérogations n’étaient pas suffisamment encadrées, ni contraintes dans le temps, la clause de revoyure était illusoire, ni limitées à certaines cultures. Il est probable que les lobbies via les parlementaires et les ministres notamment de l’agriculture vont affiner une nouvelle proposition de loi pour répondre aux critères énoncés par le Conseil. Et là, le résultat ne sera sans doute pas aussi favorable à la santé publique. Les premières déclarations vont en ce sens, agrémentées de menaces électorales, voire davantage. L’incohérence gouvernementale montre aussi qu’il n’y a aucun pilote dans l’avion. On navigue à vue. Suite au prochain numéro sur cette question. Ne relâchons pas notre vigilance
De plus, les autres dispositions sont passées au travers des mailles du filet. Ainsi les bassines de stockage d’eau sont « d’intérêt général majeur » même si ce ne sera pas systématique et donc la contestation en justice sera possible mais toujours aléatoire.
On peut sourire des critiques de la droite à l’égard de la Charte de l’environnent initiée par Jacques Chirac, à l’égard de la légitimité du Conseil, une création de la Constitution gaulliste de 1958, comprenant 9 membres nommés par la droite.
On peut s’affliger de constater, chez les élus, la justification des néonicotinoïdes par leur utilisation dans d’autres pays notamment européens. Il fut un temps sans doute mythique où la France se voulait à l’avant-garde des technologies, elle n’est plus à la traîne du profit à court terme.
Il faut aussi rester lucide et relever les graves difficultés que rencontrent certains secteurs de l’agriculture. Je n’ai pas envie de pleurer sur les immenses exploitations de la Beauce ou de la Brie. Je m’inquiète davantage pour l’avenir des petites structures et là une autre politique respectueuse des droits des personnes, de la santé publique et de l’environnement est essentielle.
PAR : Un juriste
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