Actus anarchistes > Le XXXIIe Congrès de la Fédération Anarchiste Italienne -FAI, Carrare 3-6 janvier 2025
Actus anarchistes
par Fédération anarchiste Italienne • le 19 janvier 2025
Le XXXIIe Congrès de la Fédération Anarchiste Italienne -FAI, Carrare 3-6 janvier 2025
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1. CONTRE LA RÉPRESSION SOCIALE ET POLITIQUE
Le parlement italien à majorité néofasciste est sur le point d’approuver une loi (connue sous le nom de DDL 1660) qui vise à criminaliser toute forme de dissidence et à limiter les libertés de tou.te.s, en incluant vingt-quatre articles tels que de nouveaux délits, des sanctions et des circonstances aggravantes pour les délits existants.
Cette nouvelle loi fait partie de la stratégie exclusivement répressive avec laquelle le gouvernement Meloni veut réprimer toute forme d’opposition sociale et politique en Italie, et qui a déjà vu les décrets « anti-rave », les décrets Cutro, les décrets Caivano et les nouvelles lois sur la circulation routière.
Nous sommes confronté.e.s à l’accélération d’une voie répressive mise en œuvre par tous les gouvernements successifs, dont le seul objectif a été la contraction progressive des espaces de liberté et d’action sociale et politique. Le mouvement anarchiste est particulièrement attaqué, et est frappé avec tous les moyens à la disposition de l’État non seulement pour sa présence dans les situations de lutte mais aussi au niveau de la liberté d’expression. Les technologies de contrôle et les mesures policières sont de plus en plus utilisées : la présomption de culpabilité permet de contrôler n’importe qui, quel que soit le délit commis. Les mesures d’interdiction de fréquenter certains lieux et les ordres d’expulsion sont imposés sur la base d’une prétendue « dangerosité sociale ».
Au niveau local aussi, on assiste à une augmentation des situations répressives. Sous prétexte de « décorum » urbain, et aussi en fonction de l’exploitation touristique, certaines catégories de personnes « indésirables », identifiées également par le profilage ethnique, sont expulsées de certaines zones urbaines. Dans la ville de Rome, avec le jubilé de l’Église catholique, ces mesures vont connaître une augmentation certaine.
La présence des militaires dans les rues nous rappelle que le grand problème des gouvernements est l’ennemi intérieur : les prolétaires, les exploité.e.s, les migrants, les sans-papiers, les pauvres, sur lesquels s’exerce la « loi pénale de l’ennemi ». Les portes des prisons et des CPR [camps d’expulsion pour migrants, équivalents des CRA en France] leur sont toujours ouvertes, et ils/elles sont maintenant déporté.e.s au-delà des frontières dans une absurde escalade de haine envers des personnes qui ne cherchent qu’à fuir des situations désespérées.
Les anarchistes de la FAI confirment leur engagement dans la lutte pour la liberté dans une société sans contrôleurs ni prisons.
2. CRISE CLIMATIQUE ET ACTION DIRECTE
Les débats sur la question environnementale, le changement climatique et les mouvements de lutte développés au Congrès de Carrare ont mis en évidence que l’accélération très violente de l’exploitation indiscriminée de la planète sous la pression du capitalisme produit de la pollution, des ravages environnementaux et une augmentation des températures avec des conséquences mortelles sur le plan environnemental et social. Il s’ensuit qu’il ne peut y avoir de solution capitaliste à un désastre causé par le capitalisme.
Les stratégies d’atténuation proposées par les gouvernements et les entreprises transnationales ne sont que des opérations de « greenwashing ». Le capitalisme est également capable de tirer profit de la crise climatique. Les gouvernements et les institutions supranationales portent des masques écologistes pour cacher leur réticence à changer les choses.
La seule façon viable d’arrêter la destruction est l’action directe d’en bas et la transformation du mode de production et de distribution pour qu’il ne soit plus orienté vers le profit individuel mais vers la satisfaction des besoins de l’humanité. Cela implique également de renforcer les débats en cours avec les parties de la communauté scientifique qui étudient et évaluent le changement climatique, en partageant des outils précieux contre le négationnisme climatique.
Nous appelons à un plus grand engagement de la FAI dans le domaine de l’information et de la lutte contre le changement climatique et ceux qui le produisent.
3 ABOLISSONS LES ARMÉES ! ARRÊTONS LES GUERRES ! DÉMASQUONS LES NATIONALISME !
La Fédération Anarchiste Italienne réaffirme son soutien à l’Assemblée Antimilitariste pour construire un vaste mouvement anti-guerre, unitaire et indépendant des partis, contre les politiques bellicistes des gouvernements. Nous réaffirmons l’importance de soutenir les luttes contre la militarisation des écoles et des universités, les luttes contre les installations militaires, la production d’armes et les bases militaires qui se poursuivent du Frioul à la Sicile, du Piémont à la Toscane, les initiatives des travailleurs contre la production et le trafic d’armes, et de renforcer la solidarité avec les déserteurs de toutes les guerres.
Le monde se rapproche à nouveau d’une catastrophe nucléaire, un risque renouvelé qui est anticipé par de nombreux conflits et massacres qui, bien que se déroulant à des échelles plus réduites, ne cessent d’impressionner par leur caractère tragique. Parmi les nombreux facteurs qui ont conduit à cette situation dramatique, il y a la folie belliciste croissante des classes dirigeantes – qu’elles soient « occidentales » ou « orientales » - qui sont composées de personnes de plus en plus incompétentes et improbables, dont le charlatanisme rivalise et parfois surpasse leur soif de pouvoir et de profit, ce dernier reposant de plus en plus sur l’industrie de guerre.
D’un côté, dans ce qu’on appelle l’Occident, des politiciens et des intellectuels des milieux libéraux et d’ailleurs dessinent de plus en plus explicitement les scénarios potentiels d’une nouvelle guerre mondiale. Pour eux, le soi-disant « monde libre », expression déjà utilisée dans les décennies qui ont vu le monde divisé en deux blocs, livre une bataille existentielle contre les autocraties du reste de la planète, identifiées par de nouveaux stéréotypes orientalistes comme le lieu d’origine des menaces qui peuvent détruire notre prétendue « civilisation ». Dans ce récit à la fois toxique et manichéen, les nations alliées qui partagent les valeurs de la démocratie libérale comme l’Ukraine, Israël et Taiwan, ou même la soi-disant opposition démocratique dans des pays comme le Myanmar, sont présentées comme menant la même bataille mondiale des « bons » contre les « méchants ». Selon la même logique, même les fondamentalistes du HTS en Syrie ont été enrôlés du côté des « bons ».
Le gouvernement italien actuel est pleinement impliqué dans cette course au désastre, en caractérisant sa politique étrangère de manière agressive. Ce discours sert avant tout de prétexte pour justifier l’augmentation des dépenses militaires et la production d’armes mortelles comme quelque chose de vertueux au nom de la prétendue nécessité de la « défense », et pour rejeter le pacifisme et l’antimilitarisme comme des outils obsolètes et inadéquats pour résoudre les nouvelles urgences « pratiques » – évidemment, selon un récit unique. Sous toutes les latitudes, la propagande nationaliste alimente les conflits et empoisonne le débat public en érigeant des murs entre les classes opprimées.
Dans le cas de la Palestine, cela implique une minimisation constante des crimes de guerre israéliens et du génocide en cours à Gaza, en Cisjordanie et au Liban, au point que même les gouvernements européens ont relativisé le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre le criminel Netanyahou après avoir applaudi celui contre le criminel Poutine.
En ce qui concerne l’Ukraine, il existe un projet international visant à enrôler les mouvements de gauche et autonomes, y compris les anarchistes ou autoproclamés tels, dans le front de guerre contre le tyran. Ce récit se fonde sur la rhétorique de la résistance nationale à l’invasion, dans laquelle le fin justifie tous les moyens (y compris la guerre nucléaire dans les cas les plus extrêmes), dans le but de diviser les forces pacifistes et antimilitaristes en désamorçant l’un des combats qui ont été historiquement les plus efficaces dans les pays occidentaux : l’opposition aux guerres et aux dépenses militaires accompagnée de l’objection, du refus de combattre dans les guerres et de la désertion en lien avec des luttes sociales plus larges.
Une rhétorique belliciste a été abondamment déployée au cours des trois dernières années par des secteurs autoproclamés antifascistes et antiautoritaires dont les slogans, les analyses et les documents publics n’ajoutent rien à la propagande de guerre occidentale et libérale et aux récits nationalistes locaux, en l’absence totale de tout point qualifiant en termes de lectures anarchistes, ou de classe, de la situation. Sans prétendre, selon nos principes fondateurs, à un quelconque monopole de l’anarchisme, il nous paraît évident que de telles dérives nationalistes, militaristes et libérales n’ont rien à voir avec notre idée de l’anarchisme et doivent donc être abordées comme celles de toute autre force politique qui nous est opposée : dans la reconnaissance des différentes positions, sans aucune confusion ni association formelle entre des programmes et des projets politiques irréconciliables.
De l’autre côté de cette ligne de front, le projet d’un monde « multipolaire » promu par certains gouvernements au sein des BRICS+, qui n’est rien d’autre qu’un programme impérialiste différent, a fatalement séduit les restes du bolchevisme et des secteurs de la gauche qui sont allés jusqu’à considérer des dictateurs sanguinaires comme Poutine en Russie, Maduro au Venezuela et plusieurs de leurs associés comme des « camarades » ou presque. Selon la même logique, il y a ceux qui légitiment les fanatiques religieux, misogynes, homophobes et assassins de groupes comme le Hamas et le Hezbollah, ou les bureaucrates d’autorités corrompues plus ou moins « nationales », comme les protagonistes d’une prétendue résistance à Israël. Alors que la misère et les contradictions de ces discours sont évidentes, nous ne pouvons que réaffirmer avec toute force le principe fondateur de la cohérence des moyens et des fins, selon lequel notre antimilitarisme ne peut en aucun cas être séparé de notre inspiration antiautoritaire, anticléricale, antipatriarcale et anticapitaliste.
Dans les scénarios internationaux futurs, ce ne sera certainement pas l’installation de vieux réactionnaires comme Donald Trump qui apportera une alternative à la folie progressiste et belliciste de son prédécesseur Joe Biden et de la plupart de la classe dirigeante occidentale, et un éventuel succès (ou non-échec) militaire du monde « non occidental » n’apportera pas plus de justice ni ne remettra en question le capitalisme, la colonialité du pouvoir et l’impérialisme.
Il ne faut pas oublier, cependant, la centaine d’autres conflits qui continuent de se dérouler au niveau mondial, en particulier dans les pays du Sud, y compris, comme le rappellent nos camarades du Brésil et d’Amérique latine, la guerre génocidaire qui dure depuis plus de 500 ans dans leurs régions contre les femmes, contre les pauvres et contre les communautés indigènes et afro-descendantes. Si nous reconnaissons la nécessité toujours actuelle d’une action anticoloniale et décoloniale, il est important de préciser que celle-ci ne doit en aucun cas conduire à de nouvelles formes de nationalisme, de communautarisme ou d’essentialisme de civilisation. Le concept d’individu reste central contre toute dérive qui mène à des essentialismes ethniques, raciaux et culturels, même s’ils sont basés sur l’idée de « peuples ». Ces derniers sont toujours caractérisés en interne par des dynamiques d’inégalité et d’oppression en termes de classe, de genre et de toute forme possible de discrimination et de marginalisation.
Malgré toutes les difficultés, il existe d’importants espaces d’action et d’organisation à la base dans lesquels notre contribution peut être décisive pour construire une opposition sociale à la guerre et au militarisme. Un point central de notre action a été le soutien aux grèves générales du syndicalisme conflictuel et de base, qui ces dernières années ont associé les luttes sociales pour les salaires à une approche antimilitariste contre les guerres et l’économie de guerre, en cohérence avec notre idée qui lie étroitement une perspective antimilitariste à une perspective de lutte des classes.
Une grande initiative culturelle est également nécessaire pour contrer la propagande militariste qui est servie quotidiennement, de manière plus ou moins explicite, dans les écoles et dans la communication publique de manière de plus en plus envahissante, prête à exploiter tous les lieux d’éducation pour valoriser un discours qui présente le prétendu « bon » visage des forces armées de l’État comme s’il s’agissait d’entreprises humanitaires.
En ce sens, notre soutien au défaitisme révolutionnaire, au refus, à l’objection, à la désertion et à l’insoumission sur tous les fronts de guerre reste fondamental, en particulier à un moment où, pour ne citer qu’un des fronts les plus connus, même les commandements militaires russes et ukrainiens reconnaissent la désertion comme un véritable problème qui entrave leurs respectifs programmes de mort. Ce soutien se développe dans le cadre de notre engagement internationaliste, en particulier dans le contexte de l’Internationale des Fédérations Anarchistes, qui doit se développer en promouvant de nouvelles initiatives pour déconstruire les frontières et contester toute idée de nationalisme et de souveraineté territoriale de l’État-nation ou de toute autre entité qui aspire à devenir un État, en la remplaçant par de nouveaux mécanismes de solidarité internationale et de fraternité universelle.
Dans le cadre d’actions menées de manière cohérente depuis la base et en dehors des partis et du contrôle des institutions, nous devons favoriser le dialogue avec tous les groupes et mouvements qui partagent notre intransigeance antimilitariste, en construisant des alliances fonctionnelles sur des objectifs bien définis et cohérents avec toutes les hypothèses que nous avons exprimées dans ce document. Ce n’est qu’en développant et en généralisant des actions de bas en haut basées sur ces hypothèses qu’il sera possible de renouveler véritablement l’espoir dans un monde de liberté et d’égalité au lieu de celui de mort, de destruction et de guerre permanente que le capitalisme et l’État nous imposent sans vergogne.
Le XXXIIe Congrès de la Fédération Anarchiste Italienne -FAI, Carrare 3-6 janvier 2025
PAR : Fédération anarchiste Italienne
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