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par trimart-Elo et Rictus • le 14 janvier 2024
Kendal Breizh, internationaliste libertaire tombé au Rojava
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Dans une volonté à la fois d’hommage et de réflexion, cet article retranscrit le cheminement politique et pratique de Kendal Breizh. Cet anarchiste bretonnant a marqué son milieu par son combat : libérer les populations et leurs cultures opprimées par l’Etat colonial, que ce soit en France, au Moyen-Orient ou partout sur le globe.
Kendal Breizh : un anarcho-indépendantiste breton
Le 10 février 2018 mourrait Olier dit Kendal Breizh, militant anarcho-indépendantiste breton. Ce qualificatif peut laisser croire à un détournement nationaliste et identitaire de la pensée anarchiste mais la réalité est toute autre. S’il se considère ainsi, c’est pour deux raisons : L’existence du fait colonial et l’existence d’éléments centralisateurs et jacobins dans le mouvement anar (qu’il lui arrive d’appeler anarcho-jacobins ou anarcho-nationalistes). Le courant qu’il défend prône le droit à l’indépendance de tous les peuples opprimés et dominés du monde et non seulement le peuple breton, il ne peut être qualifié de ’nationaliste’ : "en plus de vouloir l’indépendance du peuple breton vis-à-vis de l’État français, je veux la libération de tous les peuples et dans tous les domaines (social, colonial, individuel, culturel) ; c’est là le fondement même de l’internationalisme." écrit-il dans un article du N°12 de la revueHuchoer. Pour lui, il faut concilier la libération des peuples (anticolonialisme et anti-impérialisme) avec la libération de tous les individus (antisexisme, antiétatisme, autogestion, antirépression, antiautoritarisme) sans se perdre dans l’interclassisme ou dans l’indépendance comme fin en soi. Kendal, au-delà de la cause bretonne s’intéressait, entre autres, aux luttes basques, irlandaises, palestiniennes, zapatistes et kurdes. C’est ainsi qu’il s’engage au Rojava en 2017 et meurt sous les bombardements de l’armée turque à Afrine en février 2018.
Le Syndicalisme, un allié ?
Olier s’intéressa au syndicalisme alliant à la fois revendications sociales et lutte pour l’autonomie des peuples. Il se pencha particulièrement sur l’Espagne de 1936 où la révolution se joua sur fond d’identités régionales (Pays basque, Catalogne) luttant contre le joug de l’Etat central castillan. D’ailleurs, plusieurs combattants ayant participé à la révolution espagnole étaient membres de l’Irish Citizen Army. Cette milice ouvrière de l’ITGWU, syndicat irlandais luttant contre la double oppression du prolétariat en Irlande : l’exploitation capitaliste de la bourgeoisie irlandaise et l’exploitation coloniale de l’Empire britannique.
Ce syndicat s’illustra notamment dans la grande grève de 1913, mouvement massif autant détesté par la Couronne britannique que par les nationalistes du Sin Fein et dont le seul soutien a été les organisations ouvrières anglaises !
De nouveau, durant la première guerre mondiale, l’ITGWU réussit à stopper la conscription britannique en Irlande grâce à une autre grève générale en 1918. Ainsi, ce syndicat révolutionnaire s’inscrivant dans la lutte des classes contribua à l’indépendance de l’Irlande qui fut malheureusement récupérée par la bourgeoisie et les nationalistes irlandais.
Si Kendal perçoit le syndicalisme comme une stratégie utile pour la révolution et pour l’indépendance, cela ne l’empêche pas d’avoir une analyse critique. En effet, il n’hésite pas à dénoncer la bureaucratie et l’hypocrise de la CGT ou de la CFDT.
Antimilitariste oui, pacifiste non !
Dans de nombreux articles, Olier s’attache à dénoncer le militarisme étatique. Ainsi, la fin du service militaire ne signe pas la fin de l’emprise martiale sur la société vu la police hautement armée et le discours nationaliste dominant valorisant l’armée, telle la Journée d’Appel et de Préparation à la Défense : autant d’incarnations de l’Armée dans nos quotidiens. Ces analyses datant des années 2000 ne peuvent que nous faire écho à l’heure du SNU...
Son antimilitarisme n’est pas dissociable de ses idées anticarcérales et antirépressives qui lui tenaient très à cœur.
Néanmoins, si Olier est antimilitariste, il n’est pas pacifiste. Il considère la lutte armée décoloniale comme un moyen de libération de l’individu. Il crache sur les libertaires dogmatiques qui seraient prêt-es à rejoindre la bourgeoisie contre un mouvement d’émancipation usant de la violence, alors qu’il considère celle-ci comme pouvant être bénéfique pour les peuples colonisés ou dans les manifs. Cependant, il est conscient du risque des dérives contrerévolutionnaires et militaristes. Pour Olier, la lutte armée est un moyen qui, comme les autres, ne doit pas être utilisé dogmatiquement mais pragmatiquement loin des carcans hiérarchiques de l’Armée. C’est dans cet optique qu’il partit en 2017 combattre au côté des Forces Démocratiques de Syrie pour défendre l’arme au poing la révolution au Rojava, que ce soit contre Daesh ou la Turquie.
Colonialisme sur le bout de la langue.
Dans son anarcho-indépendantisme, la protection des langues et des cultures est un pan important.
Il ne s’agit pas pour une population de se couper de celles qui ne partagent pas sa langue ou sa culture mais de rompre avec les Etats dont la pratique colonialiste impose langue, culture et lois considérées comme supérieures.
La valeur d’une langue n’existe que par celleux qui l’utilisent et qui défendent leurs valeurs. Il faut donc refuser tous les impérialismes linguistiques même l’esperanto : l’uniformisation qu’elle soit capitaliste, colonialiste ou "anarchiste" est néfaste pour les individu-es.
Une langue peut tout à fait être victime et oppresseure tel le français qui se défend face à l’anglais en minorant d’autres langues d’où la nécessité d’éviter l’écueil de la promotion d’une langue contre les autres mais de favoriser la liberté d’exister pour toutes.
"Toute langue étant le reflet d’une culture et d’une expression populaire passée ou présente, ancienne ou récente – l’espéranto par exemple –, doit pouvoir perdurer, être transmise et sauvegarder tant qu’il existe un ou plusieurs individus qui le désirent. Il n’existe pas de langue civilisatrice ou sauvage, de langue démocratique ou fasciste, de langue libératrice ou aliénante, bref de langues supérieures ou inférieures : dire le contraire, c’est se lancer dans le chemin fascisant du centralisme ethnique." écrit Kendal dans le N°11 d’Huchoer
En France, l’équation de l’Etat-Nation : Etat=Nation=Culture=Langue se sent menacée par les différentes cultures et langues sur son territoire, qu’elles soient autochtones ou issues des migrations, ce qui n’empêche pas la France de prôner le français en dehors de ses frontières.
Cet universalisme rejette les différences pour les supprimer, Olier lui oppose l’internationalisme et la tolérance qui acceptent les différences dans la solidarité.
Défendre la culture et les langues n’est pas défendre corps et âmes des traditions dont les aspects oppressifs notamment patriarcaux doivent être remis en cause. Selon lui cette défense ne peut qu’être populaire : se placer contre ces oppressions culturelles est indissociable de l’opposition à l’oppression des peuples, les oppressions des populations étant bien plus inacceptables. "Le centralisme colonial est l’ennemi majeur du fédéralisme libertaire" dit-il dans le N°12 d’Huchoer.
Pourquoi cet article ?
Ces lignes s’appuient majoritairement sur ses articles dans l’Huchoer. Elles rendent hommage à un militant internationaliste parmi tant d’autres dont l’idéologie personnelle se rapproche de la nôtre malgré certaines inimitiés entre notre groupe et certains groupes dont il a fait partie, inimitiés qu’il conviendrait de dépasser aujourd’hui pour un internationalisme libertaire d’autant qu’à l’occasion des six ans de sa mort, se tient le 10 février 2024 à Rennes une journée autour de l’internationalisme : Bevañ an Etrebroadelouriezh (Vivre l’Internationalisme en breton) organisée par les ami-es, camarades et la famille d’Olier, Serhildan-Bretagne et le CDK-R (Centre Démocratique Kurde-Rennes).
trimart-Elo et Rictus du groupe La Sociale
PAR : trimart-Elo et Rictus
Groupe La Sociale
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1 |
le 18 janvier 2024 14:26:34 par Jean Claude ind.91 |
Bonjour
Tout à fait d’accord avec cet article
Une précision pour les lecteurs: Le Huchoer est paru entre 2001 et 2008 si je ne me trompe pas. Profitons en pour évoquer Emile Masson, 2 articles sont paru dans le ML les 12 février 1987 et 19 février 1987 sur le thème "Emile Masson et la question bretonne"
Sans oublier son livre "Les Bretons et le socialisme"