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par frédéric Pussé le 24 juillet 2023

La collaboration des industriels avec le régime nazi (1e partie)

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Article du Monde libertaire n° 1847 de février 2023

L’industrie automobile allemande tourne à plein régime pour le IIIe Reich



Elles sont nombreuses, ces grandes entreprises, à vouloir laisser un voile sur leur passé trouble et pas très glorieux, et grâce auquel elles ont pu prospérer. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), la plupart d’entre elles ont poursuivi leurs activités, et certaines sont même devenues aujourd’hui des multinationales.
Intéressons-nous à ces grands groupes industriels et à leurs dirigeants ayant sévi aux côtés des nazis, avant et pendant le conflit, que ce soit par idéologie ou par intérêt économique.

Le premier des trois volets de cette série d’articles traitant de la collaboration des industriels avec le régime nazi est consacré à l’industrie automobile allemande.
Hitler, qui avait fait du réarmement sa priorité, ne négligea pas pour autant l’automobile. En ce sens, il put compter sur le zèle et la complicité de nombreux constructeurs du secteur, allemands mais pas seulement, séduits par le nazisme ou par l’appât du gain, afin d’approvisionner et d’entretenir le parc automobile militaire du Troisième Reich, mais aussi afin de fabriquer d’autres matériels de guerre.

Bosch équipe la machine de guerre nazie
C’est dès fin 1933 que la compagnie Bosch, alors fabricant d’outillage ou de pièces pour l’automobile, coopère avec les autorités nazies en construisant, dans le plus grand secret, deux usines exclusivement consacrées à la production d’armement.
Leur main d’œuvre est pour moitié constituée de travailleurs forcés. Ainsi, des prisonniers de guerre, des internés militaires et des prisonnières de camps de concentration produisent les équipements nécessaires aux avions de la Luftwaffe et aux chars de la Wehrmacht.
Bosch est, de nos jours, une multinationale surtout connue pour ses appareils électroménagers.

Le Führer, Ferdinand Porsche et Volkswagen
Le Führer et Ferdinand Porsche, dont nous allons reparler juste après, partagent le désir commun de produire un modèle de voiture populaire à bas coûts.
Pour ce faire, ils créent en 1937, la société Volkswagen, littéralement, la « voiture du peuple ». Mais avant de produire en masse celle qui deviendra après-guerre la fameuse Coccinelle, la flambant neuve usine géante de Wolfsburg fabrique surtout des véhicules militaires légers ou amphibies. Volkswagen exploite de nombreux détenu.es des camps de concentration, employé.es dans des conditions la plupart du temps effroyables, dans des ateliers délocalisés.
Le groupe Volkswagen, qui de nos jours comprend entre autres les marques Audi, Seat, Škoda, Porsche, Lamborghini, Bentley, Ducati, Scania... deviendra en 2018 le premier constructeur mondial de véhicules.



Ferdinand Porsche. Archives fédérales allemendes

L’ingénieur Ferdinand Porsche, fondateur de la célèbre marque de voiture de sport et de luxe, est l’un des principaux rouages du complexe militaro-industriel nazi.
D’origine austro-tchèque, il se fait naturaliser allemand en 1935, intègre le parti nazi en 1937 et s’enrôle même dans la SS en 1942. Nommé par Hitler coordinateur de l’effort de guerre industriel du Troisième Reich, il conçoit et fabrique à grande échelle du matériel de guerre (véhicules divers, chars, moteurs d’avions, armement, munitions, missiles...), avec entre autres les firmes Daimler-Mercedes-Benz, BMW, Volkswagen et Porsche. Il bénéficie des importants marchés d’État, accumule de très hauts revenus, et c’est massivement qu’il emploie comme main d’œuvre des travailleurs déportés.
En décembre 1945, Ferdinand Porsche est arrêté par les autorités françaises. Emprisonné à l’âge de 70 ans, il ne supporte pas sa détention et sera libéré en 1947. Il mourra en 1951 sans jamais avoir été jugé.
Ses héritiers, son fils puis ses petits-fils, lui succéderont à la direction de Porsche, Volkswagen, puis du Groupe Volkswagen. En 1996, Ferdinand Porsche est intronisé au Temple international de la renommée du sport automobile. En 1999, il remporte à titre posthume le prix de l’ingénieur automobile du siècle. Le Porsche Museum lui est consacré en 2009, sur le site industriel historique de Porsche à Stuttgart, à proximité des musée Daimler et Mercedes-Benz.

La famille Quandt fait fructifier BMW et AFA
La famille Quandt, propriétaire de BMW et d’AFA (future VARTA), déjà richissime avant la guerre, profite de la situation pour s’enrichir encore davantage.
C’est dès 1931 que Günther Quandt aide financièrement le parti nazi auquel il adhère deux ans plus tard. Sa fortune, et celle de sa famille, deviennent immenses grâce à la spoliation d’entreprises juives et à l’emploi de la main d’œuvre servile durant la guerre.



Gunther Quandt, Adolf H. 29 janvier 1943

Les usines BMW de la famille Quandt fabriquent pour l’armée nazie véhicules et moteurs, et leurs usines AFA confectionnent accumulateurs et batteries destinés à équiper sous-marins, bombardiers, torpilles ou encore divers véhicules et appareils. Et c’est à plein régime qu’elles tournent, usant à la tâche des milliers de travailleurs.ses forcé.es, prisonniers.ères de guerre ou issu.es de camp de concentration. Victimes de conditions de vie et de travail atroces, des brutalités inqualifiables des SS, ou encore exposé.es sans protection aux dangers du plomb, beaucoup périront, et certain.es seront mêmes assassiné.es peu avant la fin du conflit mondial.
Au sortir de la guerre, BMW et AFA échappent au démantèlement, et la famille Quandt est blanchie, échappant aux sanctions par dissimulation et mensonges.
Günther meurt au Caire, en décembre 1954, au cours d’un séjour touristique, et ses fils Herbert et Harald Quandt reprennent alors en main la société BMW qui deviendra par la suite l’énorme et mondialement réputé constructeur d’automobiles haut-de-gamme, sportives et luxueuses. La firme AFA, quant à elle, se transforme en VARTA, la marque de piles aujourd’hui bien connue.

Opel et Mercedes-Benz en roue libre
Pendant la guerre, les grands constructeurs automobiles Opel et Mercedes-Benz développent leurs véhicules, produisent des camions pour la Wehrmacht et assemblent des avions pour la Luftwaffe.
La marque à l’éclair traversant un cercle appartient alors à l’Américain General Motors, qui avait racheté la société des frères Opel lors de la crise de 1929, et dont nous reparlerons dans le troisième volet de cette série d’articles.



Walter Rietig, ouvrier à l’usine Opel de Rüsselsheim, dénoncé uniquement pour avoir été en contact avec des travailleurs forcés ainsi que pour de prétendues "diatribes communistes" et exécuté après un procès expéditif

Comme tant d’autres entreprises, Opel et Mercedes-Benz se servent de la main d’œuvre provenant de l’univers concentrationnaire, utilisée dans des conditions épouvantables, leur permettant de générer d’énormes sommes d’argent.
À l’instar de tant d’autres également, leurs dirigeants ne seront pas inquiétés par la justice après la guerre et Opel et Mercedes-Benz poursuivront leurs activités lucratives, jouissant de nos jours d’une notoriété s’étalant bien au-delà des frontières de l’Allemagne.

L’industrie automobile allemande ne fut pas la seule à rouler pour le régime nazi et le Troisième Reich put aussi compter sur d’autres constructeurs au-delà de ses frontières. C’est ce que nous développerons dans le troisième volet de cette série d’articles traitant de la collaboration des industriels avec le régime nazi.
Mais en attendant, c’est dès le mois prochain que nous découvrirons le second volet, consacré lui à la sidérurgie et à la chimie, deux des grandes industries allemandes de la mort.

Frédéric Pussé

Sources : Terre promise, Le Monde, Observatoire des multinationales, La Liberté & Wikipédia.


PAR : frédéric Pussé
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