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par Jean-Luc Debry • le 11 juillet 2023
Les riches heures du mépris de classe
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Article extrait du Monde libertaire n° 1851 de juin 2023
Le mépris totalement décomplexé, et qui ne cherche même pas à masquer la profonde répugnance que lui inspire le commun, a, avec l’hubris du gouvernement Macron, un parfum d’ancien régime – d’un régime à la dérive. Louis-Philippe avant 1848.
Le sentiment de supériorité dédaigneuse, cette conscience de soi qui abolit la simple notion de décence, s’étonnant même que l’on puisse subir de mauvaises grâce le génie inspiré qui nous « dirige ». L’ingratitude du peuple mérite le mépris hautain « des esprits supérieurs ». La décence n’embarrasse pas ses amis, anciens militants socialistes devenus – la peste soit des fan-clubs - les fossoyeurs de la volonté populaire et surtout, comme conséquence, de l’esprit critique.
La « contre-réforme » liquide, sous leurs applaudissements, l’héritage social-démocrate de l’après-guerre. Comme s’il s’agissait pour eux de renoncer, enfin, au spectacle de leurs mimiques compatissantes, de se débarrasser enfin d’un masque si peu conforme avec leur sentiment de supériorité dont ils agitent les grelots les jours de campagne électorale. Ils sont enfin eux-mêmes, affirmant sans l’ombre d’un regret « que le peuple ne mérite pas mieux qu’eux ». Il devrait au contraire leur dire merci.
Tant de complicité en dit long sur la nature idéologique des motivations qui sous-tendent leurs décisions sans trop se soucier de ce que, hors de leur entre-soi, on vivait. Cette volonté, ce spectacle, certes débile, qui consiste à prétendre défendre une démocratie sociale dont on s’aperçoit qu’elle crée chez les riches un sentiment d’injustice (sic), n’est plus d’usage, juste un vieux paletot que l’on jette dans les poubelles de l’histoire.
Des hommes et des femmes de grande culture sont partis à l’assaut d’un système social construit avec l’ambition de réduire les effets des inégalités sociales qui est mis, année après année, réforme après réforme, au placard au nom de la modernité. Comme un tuteur refuse d’écouter la personne qu’il représente légalement en prétextant son handicap pour l’ignorer, ils gouvernent. Ils « dégradent » consciencieusement, l’école publique et le système de santé, les lois sociales sont peu à peu livrées à la concurrence ce qui accroît les inégalités car, comme chacun sait, la logique de profit est souvent en contradiction avec la notion de « service ». Et comme pour les campagnes de départ volontaire dans les entreprises privées qui poussent inexorablement vers la démotivation et la sortie les éléments les plus impliqués dans la notion de bien commun, l’État « dégraisse ». Bref, l’humain leur cause beaucoup d’embarras.
L’empathie en pâtit. Le droit aux rêves dans l’entre-soi des bonnes familles - il faut lire caste ou clan mais à l’oral dites « réseaux » -, ce droit réclame sa part de « déconstruction ».
Ces hommes et femmes « de gouvernement » ont abandonné ce peuple ignorant et ingrat aux politiques exigées par « le Marché », « le sujet automate » comme Marx qualifia le cycle de création de la valeur.
Mais entre-temps, comme une évidence, le peuple est devenu une foule (pourquoi pas, la populace ?), une foule que « l’on gère » - la gestion des foules par une police abandonnée à l’extrême droite – merveille de l’ « en même temps » - en se bouchant le nez et en regardant ailleurs. Ou plus simplement, en proférant des mensonges éhontés, mensonges jamais démentis par l’intéressé. Ce n’est pas le style de la maison.
Ce mépris décomplexé qui ne prend plus la peine de donner le change, incapable de compassion, refusant l’empathie, suscite des réactions de colère, de découragement et nourrit un ressentiment tenace de révolte qui s’exprime dans la violence. Ils auront beau jeu de moquer les « infants » - ceux qui n’ont pas le droit à la parole et qui doivent subir en silence les conséquences des décisions prises « entre soi » et en leur nom. La résistance au changement dont on fait si grand cas dans l’idéologie managériale telle qu’elle se déploie sous l’égide des DRH en tous points identiques, dans leur mentalité, à ce que ce gouvernement veut mettre en place, permet d’excuser toutes les vilenies dont ceux-ci sont capables (avec le sourire). Faut-il rappeler que lorsqu’ils s’adressent aux demeurés qui doutent d’avoir « bien voté », ils communiquent avec Pif le chien, Hanouna, Playboy. L’infantilisme festif de cette jeune garde déconcerte et exprime bien le mépris dans lequel ils tiennent « la foule ».
On vous dira qu’ils ont fait des erreurs de communication, alors qu’ils sont incapables d’imaginer que le commun puisse mériter autre chose que leur arrogante suffisance et cette parole benête semblable à celle d’un éducateur peu qualifié s’adressant à un enfant débile. Protéger par une police en roue libre, ils sont convaincus d’être le sel de la terre. Ils vivent comme une pénitence de devoir diriger une foule dont ils redoutent la colère qu’eux-mêmes auront alimentée.
Cette attitude, ce comportement, est nourri d’une idéologie qui dépasse largement le cadre étriqué de la jeune garde de l’excellence. On la retrouve dans nos provinces teintée de vert : sentiment de supériorité, infatigables donneurs de leçon, préférant le bien-être à la justice sociale, réclamant le silence de ceux qui doutent et ne reprennent pas leurs codes pour se fondre dans la foule des élus. Ils font commerce d’a priori et de préjugés vis-à-vis des « autochtones ». Ce mépris est le signe d’une époque. Celle où la petite bourgeoisie impose ses habitus, ses mythes et ses croyances. Elle brandit, dans son élan, la « culture » comme le fossoyeur sa pelle en espérant obtenir le silence dans les rangs. Ils rendent détestable ce qu’elle honore. Pour comprendre cette mentalité, il n’est pas vain de relire Balzac (un peu aussi par hygiène mentale), « Ils sont heureux comme Dieu en France », mais se désolent qu’il y ait tant de ces petites gens (personnel soignant, enseignant, intérimaires, ouvriers, artisans, précaires, chômeurs et tous les personnes fragiles de l’enfance à la vieillesse) qui ne comprennent pas qu’ils doivent obtempérer et voter pour eux (c’est déjà leur faire beaucoup d’honneur) ou se taire.
Et m’est avis que ce n’est que le début, camarades.
Bien le bonjour chez vous.
Jean-Luc Debry
Le sentiment de supériorité dédaigneuse, cette conscience de soi qui abolit la simple notion de décence, s’étonnant même que l’on puisse subir de mauvaises grâce le génie inspiré qui nous « dirige ». L’ingratitude du peuple mérite le mépris hautain « des esprits supérieurs ». La décence n’embarrasse pas ses amis, anciens militants socialistes devenus – la peste soit des fan-clubs - les fossoyeurs de la volonté populaire et surtout, comme conséquence, de l’esprit critique.
La « contre-réforme » liquide, sous leurs applaudissements, l’héritage social-démocrate de l’après-guerre. Comme s’il s’agissait pour eux de renoncer, enfin, au spectacle de leurs mimiques compatissantes, de se débarrasser enfin d’un masque si peu conforme avec leur sentiment de supériorité dont ils agitent les grelots les jours de campagne électorale. Ils sont enfin eux-mêmes, affirmant sans l’ombre d’un regret « que le peuple ne mérite pas mieux qu’eux ». Il devrait au contraire leur dire merci.
Tant de complicité en dit long sur la nature idéologique des motivations qui sous-tendent leurs décisions sans trop se soucier de ce que, hors de leur entre-soi, on vivait. Cette volonté, ce spectacle, certes débile, qui consiste à prétendre défendre une démocratie sociale dont on s’aperçoit qu’elle crée chez les riches un sentiment d’injustice (sic), n’est plus d’usage, juste un vieux paletot que l’on jette dans les poubelles de l’histoire.
Des hommes et des femmes de grande culture sont partis à l’assaut d’un système social construit avec l’ambition de réduire les effets des inégalités sociales qui est mis, année après année, réforme après réforme, au placard au nom de la modernité. Comme un tuteur refuse d’écouter la personne qu’il représente légalement en prétextant son handicap pour l’ignorer, ils gouvernent. Ils « dégradent » consciencieusement, l’école publique et le système de santé, les lois sociales sont peu à peu livrées à la concurrence ce qui accroît les inégalités car, comme chacun sait, la logique de profit est souvent en contradiction avec la notion de « service ». Et comme pour les campagnes de départ volontaire dans les entreprises privées qui poussent inexorablement vers la démotivation et la sortie les éléments les plus impliqués dans la notion de bien commun, l’État « dégraisse ». Bref, l’humain leur cause beaucoup d’embarras.
L’empathie en pâtit. Le droit aux rêves dans l’entre-soi des bonnes familles - il faut lire caste ou clan mais à l’oral dites « réseaux » -, ce droit réclame sa part de « déconstruction ».
Ces hommes et femmes « de gouvernement » ont abandonné ce peuple ignorant et ingrat aux politiques exigées par « le Marché », « le sujet automate » comme Marx qualifia le cycle de création de la valeur.
Mais entre-temps, comme une évidence, le peuple est devenu une foule (pourquoi pas, la populace ?), une foule que « l’on gère » - la gestion des foules par une police abandonnée à l’extrême droite – merveille de l’ « en même temps » - en se bouchant le nez et en regardant ailleurs. Ou plus simplement, en proférant des mensonges éhontés, mensonges jamais démentis par l’intéressé. Ce n’est pas le style de la maison.
Ce mépris décomplexé qui ne prend plus la peine de donner le change, incapable de compassion, refusant l’empathie, suscite des réactions de colère, de découragement et nourrit un ressentiment tenace de révolte qui s’exprime dans la violence. Ils auront beau jeu de moquer les « infants » - ceux qui n’ont pas le droit à la parole et qui doivent subir en silence les conséquences des décisions prises « entre soi » et en leur nom. La résistance au changement dont on fait si grand cas dans l’idéologie managériale telle qu’elle se déploie sous l’égide des DRH en tous points identiques, dans leur mentalité, à ce que ce gouvernement veut mettre en place, permet d’excuser toutes les vilenies dont ceux-ci sont capables (avec le sourire). Faut-il rappeler que lorsqu’ils s’adressent aux demeurés qui doutent d’avoir « bien voté », ils communiquent avec Pif le chien, Hanouna, Playboy. L’infantilisme festif de cette jeune garde déconcerte et exprime bien le mépris dans lequel ils tiennent « la foule ».
On vous dira qu’ils ont fait des erreurs de communication, alors qu’ils sont incapables d’imaginer que le commun puisse mériter autre chose que leur arrogante suffisance et cette parole benête semblable à celle d’un éducateur peu qualifié s’adressant à un enfant débile. Protéger par une police en roue libre, ils sont convaincus d’être le sel de la terre. Ils vivent comme une pénitence de devoir diriger une foule dont ils redoutent la colère qu’eux-mêmes auront alimentée.
Cette attitude, ce comportement, est nourri d’une idéologie qui dépasse largement le cadre étriqué de la jeune garde de l’excellence. On la retrouve dans nos provinces teintée de vert : sentiment de supériorité, infatigables donneurs de leçon, préférant le bien-être à la justice sociale, réclamant le silence de ceux qui doutent et ne reprennent pas leurs codes pour se fondre dans la foule des élus. Ils font commerce d’a priori et de préjugés vis-à-vis des « autochtones ». Ce mépris est le signe d’une époque. Celle où la petite bourgeoisie impose ses habitus, ses mythes et ses croyances. Elle brandit, dans son élan, la « culture » comme le fossoyeur sa pelle en espérant obtenir le silence dans les rangs. Ils rendent détestable ce qu’elle honore. Pour comprendre cette mentalité, il n’est pas vain de relire Balzac (un peu aussi par hygiène mentale), « Ils sont heureux comme Dieu en France », mais se désolent qu’il y ait tant de ces petites gens (personnel soignant, enseignant, intérimaires, ouvriers, artisans, précaires, chômeurs et tous les personnes fragiles de l’enfance à la vieillesse) qui ne comprennent pas qu’ils doivent obtempérer et voter pour eux (c’est déjà leur faire beaucoup d’honneur) ou se taire.
Et m’est avis que ce n’est que le début, camarades.
Bien le bonjour chez vous.
Jean-Luc Debry
PAR : Jean-Luc Debry
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