Dans un sale État > Communiqué des éditions La fabrique, mercredi 19 avril 2023
Dans un sale État
par La fabrique éditions le 19 avril 2023

Communiqué des éditions La fabrique, mercredi 19 avril 2023

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Le responsable des droits étrangers de La fabrique, Ernest, a enfin été libéré de sa garde à vue, après son arrestation et sa détention par la police antiterroriste britannique à son arrivée à la gare de Londres. Nous sommes tous et toutes très soulagé.e.s qu’il soit maintenant libre, mais nous sommes également très choqué.es et inquiet.es de ce qui vient d’arriver.

D’une part, Ernest n’est pas sorti d’affaire. Son téléphone et son ordinateur professionnel ont été saisis et sont restés entre les mains de la police britannique qui vont en extraire toutes les données en vue de les analyser et de les exploiter. Plus grave encore, notre collaborateur est convoqué dans 4 semaines à Londres pour être présenté à la cellule antiterroriste britannique. L’antiterrorisme britannique est unique en Europe en matière de législation d’exception : elle est la seule qui permette, sans aucune piste d’enquête, comportement suspect, poursuite ou même « garde à vue » officielle, d’interpeller, de détenir et d’interroger des justiciables qui s’exposent automatiquement à des poursuites judiciaires s’ils refusent de coopérer. Il offre aussi un cadre juridique très permissif aux policiers pour extraire la totalité des données de n’importe quel appareil informatique ou téléphone d’une personne interrogée. Malgré sa libération, notre collègue voit ses droits fondamentaux bafoués et sa vie soumise à un arbitraire d’État totalement opaque.

D’autre part, Ernest a été interrogé pendant plusieurs heures et lui ont été posées des questions très troublantes : son point de vue sur la réforme des retraites en France, sur le gouvernement français, sur Emmanuel Macron, son avis sur la crise du Covid, etc. Peut-être plus grave encore, lors de son interrogatoire, il lui a été demandé de nommer les auteurs "antigouvernementaux" du catalogue des éditions La fabrique, maison pour laquelle il travaille. Au-delà de la situation scandaleuse de l’antiterrorisme qui enquête sur les intentions et la vision politique et philosophique de personnes en privation de liberté, aucune de ces questions ne devrait être pertinente pour un officier de police britannique. En outre, poser des questions au représentant d’une maison d’édition, dans un cadre antiterroriste, sur les opinions de ses auteurs, c’est pousser encore plus loin la logique de censure politique et de répression des courants d’idées contestataires. Dans un contexte d’escalade autoritaire du gouvernement français, en pleine période de mouvements sociaux, cet élément fait froid dans le dos.

Comment ces mesures sont-elles compatibles avec les principes fondamentaux dont se glorifient des pays comme la France et la Grande-Bretagne, comme la liberté d’expression ou les droits démocratiques ? Comment caractériser un régime qui permet qu’une personne se rendant à une Foire internationale du Livre à Londres soit détenue pendant près de 24 heures sans que rien de concret ne soit retenu contre elle, et reste ensuite astreinte à une procédure antiterroriste pour une durée indéterminée ? Pourquoi la police britannique se livre-t-elle à des interrogatoires dont les questions semblent lui avoir été soufflées par les services français ? Doit-on supposer que, lorsqu’on voyage entre la France et le Royaume-Uni, il faut désormais craindre d’emporter avec soi son téléphone et son matériel informatique et s’attendre à ce qu’ils soient saisis et fouillés par des services antiterroristes ? Tous ceux et toutes celles qui attachent de l’importance aux principes démocratiques doivent s’inquiéter d’un symptôme aussi grave de l’évolution du maintien de l’ordre.

Cette affaire marque un précédent pour toute personne qui exerce un travail intellectuel et dont la production peut être jugée gênante par le pouvoir. Si n’importe quel téléphone et ordinateur contenant des manuscrits confidentiels, des sources journalistiques ou sociologiques peut être subtilisé, intégralement analysé et décrypté par une police étrangère bénéficiant de prérogatives draconiennes du fait de sa législation d’exception, les libertés de la presse, académiques, d’expression et les droits à la protection des données personnelles sont très sérieusement menacés.
La fabrique éditions exige l’arrêt de toutes les procédures et poursuites à l’encontre de son responsable des droits étrangers.

La fabrique éditions
64, rue Rébeval 75019 Paris
Tél. et Fax : 01 40 15 02 63
www.lafabrique.fr
PAR : La fabrique éditions
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