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Dans un sale État
par Jérôme Mangelieues • le 18 septembre 2022
Ubu ministre de l’Éducation nationale
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2e dose de chantilly...
À l’audience d’Olivier et Christophe, le ridicule le dispute au hors-sujet. Le procureur lui-même ne semble pas bien sûr de son fait quand il réclame, pour les deux fonctionnaires dont chacun reconnaît la conduite exemplaire, la carrière sans tache et l’engagement sans faille, un « stage de citoyenneté ».
Le plus pénible tient à l’impression permanente que le procès se renverse. L’absence de Jean-Michel Blanquer à l’audience embarrasse et indispose le public autant que le tribunal. Impossible, en effet, d’inviter l’ex-ministre à répondre à plusieurs critiques précises visant sa direction de l’Éducation nationale pendant cinq ans.
Le métier, il est vrai, est devenu difficile et peu attractif, déplore Dominique Cau-Bareille, ergonome, appelée à la barre à titre de témoin. Elle explique le stress engendré par le surengagement des enseignants auprès de leurs élèves, hélas proportionnel au manque de reconnaissance qu’ils éprouvent. La faute à qui ?
En partie à la Covid, sans doute ; mais cette concession aux circonstances ne dédouane en rien Jean-Michel Blanquer qui, en vingt-quatre heure et sans prévenir, décréta la « continuité pédagogique » sans se poser deux questions évidentes : les enseignants ont-ils été équipés et formés aux fins de faire la classe à distance ? les élèves jouissent-ils tous de conditions sociales et financières assez favorables pour leur assurer l’accès à un appareil informatique individuel leur permettant de suivre les cours en « distanciel » ? La réponse à ces deux questions est « non » ; et Christophe et Olivier le savaient bien, eux qui enseignent respectivement aux collèges du Grand Clos et Paul Éluard, en Réseau d’Éducation Prioritaire.
Cette inégalité de traitement entre élèves, contraire aux principes fondamentaux de l’éducation républicaine, entraîna toute une série d’autres mesures, plus farfelues, délirantes même, les unes que les autres. Trois exemples entre cent : s’avisant des inégalités sociales, le ministère choisit d’annuler les épreuves du baccalauréat ; puis, rétroactivement, d’annuler aussi les notes attribuées à des travaux rendus pendant la continuité pédagogique ; puis, d’instaurer une « demi-jauge » dans chaque salle, essayant d’y caser quinze élèves plus un enseignant en respectant un mètre de « distanciation » entre chaque personne. Un enfant de huit ans comprend que cette quadrature du cercle est impossible dans une salle de classe réelle, et que par ailleurs trente-cinq, le nombre d’élève par classe de lycée que la réforme dite Blanquer aspirait à rendre standard (sans doute le ministre a-t-il oublié ce chiffre comme il avait oublié les injures prétendues), divisé par deux, fait dix-huit (l’élève n’étant pas sécable), et non quinze. D’un autre côté, soyons fair-play : lors de sa nomination, nul n’a vérifié que Blanquer savait diviser par deux.
À la nullité du ministre répondit, de la part des enseignants, un sursaut d’énergie. Adaptables, réactifs, créatifs dans les solutions qu’ils imaginèrent : beaucoup d’enseignants surent faire face, envers et contre tout, pour porter le plus grand nombre de leurs élèves vers la réussite. Par exemple, les deux prévenus.
En retour, quelle reconnaissance ? Un enseignant français comptant quinze années d’expérience reçoit une rémunération égale à celle d’un collègue suédois ou espagnol en début de carrière. Ce même enseignant français, avec les mêmes fonctions et la même expérience qu’un collègue néerlandais ou allemand, reçoit un salaire de moitié inférieur au leur. Les chiffres sont publics et connus. Qui s’étonne des difficultés de recrutement au ministère de l’Education nationale ?
Pour qu’il y ait tout de même « un prof devant chaque classe », le ministère se voit aujourd’hui contraint de recruter, de toute urgence, les premiers venus, et de les lancer face aux élèves sans formation pédagogique. Outre qu’on se demande quels dégâts subiront ces débutants devant des classes parfois difficiles, on se demande aussi quels dégâts ils causeront aux élèves à cause d’une pédagogie inadaptée. On se demande encore qui conseillera ces nouveaux collègues et qui les soutiendra au quotidien, en salle des professeurs, par exemple ; car tutorer, cela suppose des compétences, des connaissances, une expertise, bref, c’est un métier.
Un métier que le ministère de tutelle a dévalué, avant de le rendre harassant et parfois absurde. Cinq ans durant. À cause des décisions de Jean-Michel Blanquer. Face à cela, on ne peut que s’accorder avec Olivier quand il déclare : « convertir la rage en jet de chantilly, c’est assez canalisé, comme violence ».
Jérôme Mangelieues
Le mardi 6 septembre 2022
Pour rappel :
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PAR : Jérôme Mangelieues
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