Franco est mort dans son lit le 20 novembre 1975.

Un an auparavant, le 25 avril 1974, officiers subalternes de l’armée portugaise avaient mis fin à la dictature de Salazar en marchant sur Lisbonne et en occupant le siège de la police politique (PIDE).
Trois mois après, le 24 juillet, en Grèce, le régime des colonels s’écroulait sous la pression populaire.

Pendant ce temps-là, en Espagne la répression faisait rage :
– Le 2 mars 1974, l’anarchiste Salvador Puig Antich, du Mouvement Ibérique de Libération (MIL), était exécuté par "garrot vil" pour avoir mené la lutte armée et la lutte ouvrière contre Franco.
-En juin 1975, les initiateurs de l’Union Militaire Démocratique clandestine (UMD), organisation sœur (UMD), de celle qui accomplit la Révolution des Œillets, dans le pays voisin, étaient arrêtés et jetés en prison.
-Trois mois plus tard, en septembre 1975, les autorités franquistes fusillaient cinq militants antifascistes, trois du FRAP et deux de l’ETA.
-Et en novembre 1975, après la Marche Verte marocaine décrétée par Hassan II, le gouvernement livrait le Sahara Occidental au Maroc et à la Mauritanie.

Deux ans seulement après ces événements, en 1977, les dirigeants des principaux partis de gauche, socialistes et communistes signaient le pacte amnistiant les serviteurs de la dictature. Une démocratie pactisée sous forme de monarchie naissait, incarnée par Juan Carlos I. Le roi désigné par Franco sera élu nouveau chef de l’État.

Au cours du débat parlementaire qui signa l’impunité des crimes de la dictature, le porte-parole du Parti Communiste espagnol (PCE) et leader du syndicat Comisiones Obreras, Marcelino Camacho justifiait ainsi que sa formation ait voté pour : " Nous considérons que la pièce maîtresse de cette politique de réconciliation nationale doit être l’amnistie". Comment pourrions-nous nous réconcilier nous qui avions passé tout ce temps à nous entretuer si nous n’effacions pas ce passé une fois pour toutes ? Les victimes et les vainqueurs sur le même plan.
Il n’y a rien de noble ni de juste dans cette herméneutique. Un tel nivellement a été le point de départ de la transition comme rite d’initiation pour conclure le marché. Le consensus entre franquistes et antifranquistes fut justifié comme "une union de faiblesses", selon la phrase consacrée du célèbre écrivain du PSUC, Manuel Vázquez Montalbán. En théorie, l’opposition reconnaissait son incapacité à mettre en échec le franquisme, en choisissant de pactiser avec ce régime et ses héritiers. Table rase du passé.

Le 15 juin 1977 se déroulaient les premières élections libres.
Suite à cela, le 29 octobre, les chefs des partis politiques signaient les Pactes de la Moncloa qui devaient valider le cadre économique et social de la démocratie, ensuite ratifiés par les syndicats UGT et Comisiones Obreras.
En signe de refus à cet accord politico-syndical préconstitutionnel, fin octobre et début novembre, la Confederación Nacional del Trabajo (CNT) lançait une grève générale dans les stations essence de Barcelone et de sa province, Le secrétaire général de la CNT, Enric Marco, était arrêté et torturé dans les locaux de la police.

En novembre 2021, les mêmes partis protagonistes de la "convergence de faiblesses", à présent au pouvoir dans un Gouvernement de coalition des gauches, font l’annonce, la qualifiant d’"événement historique", d’une Loi de Mémoire Démocratique pour poursuivre les crimes du franquisme... sans abroger la Loi d’Amnistie. Quelques jours auparavant, ils s’étaient partagé les postes aux principales institutions avec la droite, Tribunal Constitutionnel, Cour des Comptes et Médiateur. En attendant d’en faire autant avec le Conseil Général du Pouvoir Judiciaire. Tout est ficelé et bien ficelé [dixit Franco en 1969 dans son discours de fin d’année, après avoir désigné Juan Carlos pour lui succéder].

Traduction Monica Jornet Groupe Gaston Couté FA