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Chroniques du temps réel
par Caillou • le 22 novembre 2021
Prendre l’actualité dans le passé
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Une situation nouvelle à la frontière entre la Bielorussie et la Pologne ? Non. Voici ce qu’écrivait en 1938 Erich Maria REMARQUE, un auteur allemand, dans son livre Les exilés
Il savait que le chemin à parcourir serait long et il essaya de dormir.
Nous arriverons à traverser, dit l’homme pâle, tu verras, Anna, tout ensuite ira mieux pour nous.
La femme ne répondit pas.
Nous pourrons certainement traverser, reprit l’homme, certainement. Pourquoi ne nous laisseraient-ils pas passer ?
Parce qu’ils ne veulent pas de nous, répondit la femme.
Mais nous sommes cependant des hommes... »
Pauvre fou, songea Kern. Il entendit que l’homme continuait à marmonner, puis il s’endormit.
Il se réveilla quand le douanier entra pour les chercher. Ils traversèrent des champs et arrivèrent à une forêt d’arbres feuillus qui s’étendait massivement devant eux, bloc noir dans l’obscurité.
Le douanier s’arrêta.
Suivez ce sentier et tenez votre droite. Quand vous aurez atteint la route, vous tournerez à gauche. Bonne chance.
II disparut dans la nuit. Ils restèrent debout tous quatre, irrésolus.
Que devons-nous faire maintenant, demanda la femme. Est-ce que quelqu’un connaît le chemin ?
- J’irai en tête, dit Kern. J’étais déjà là, il y a un an. »
Ils marchèrent à tâtons dans l’obscurité. La lune n’était pas encore levée. L’herbe était humide et frôlait leurs chaussures, invisible et hostile. Puis ils arrivèrent à la forêt, dont le grand souffle les happa.
Ils marchèrent longtemps. Kern entendait les autres derrière lui. Soudain des lampes électriques s’allumèrent derrière eux dans la nuit, et une voix grossière cria : Halte, ne bougez plus ! Kern, d’un bond, sauta dans le taillis. Il courait dans l’obscurité, se heurtait à des arbres, continuait son chemin, traversa un tas de ronces où il jeta sa valise. Il entendait courir derrière lui. C’était la femme.
Cachez-vous ici, chuchota-t-il.
Mon mari... oh ! lui...
- Je vais grimper là-haut.
Kern escalada rapidement l’arbre. Il sentait le feuillage en dessous de lui, doux et frémissant, et il s’installa dans la fourche d’une branche. En bas, la femme se tenait immobile ; il ne pouvait pas la voir, mais il sentait qu’elle était là.
Dans le lointain, il entendit le vieux juif dire quelque chose.
Je m’en fous, répliqua la voix grossière. Sans passeport, vous ne passerez pas, c’est tout.
Kern tendait l’oreille. Au bout d’un moment, il entendit la voix assourdie de l’autre homme qui répondait aux gendarmes. L’un et l’autre s’étaient donc fait prendre. Au même moment, il entendit un bruissement à ses pieds. La femme chuchota quelque chose et s’en alla.
Il resta tranquille pendant un moment. La lumière de la lampe de poche se mit alors à tournoyer entre les arbres. Des pas s’approchèrent. Kern se pressa contre le tronc. Il était bien caché par le feuillage épais sous lui. Soudain, il entendit la voix dure de la femme dire sans ambages : Il doit être là. Il a grimpé dans un arbre.
Le rayon de lumière glissa vers le haut.
Descendez, cria la voix grossière, ou je tire !
Kern réfléchit un instant. Il était inutile de s’obstiner. Il descendit. On lui braqua la lumière des lampes électriques sur le visage.
Passeport ?
- Si j’avais un passeport, je ne serais pas monté là-haut.
Kern vit la femme qui l’avait trahi. Elle était défaite et avait presque perdu la raison.
Vous l’avez voulu, l’apostropha-t-elle d’une voix sifflante. Vous vouliez filer et nous laisser ici. On doit tous rester ici, cria-t-elle, tous !
La ferme ! hurla le gendarme. Rassemblement ! Il éclaira le groupe.
Nous devrions vous amener à la prison, vous le savez bien. Passage illégal de la frontière. Mais à quoi bon vous nourrir ! Demi-tour, marche. Vous n’avez qu’à retourner en Tchécoslovaquie. Mais rappelez-vous bien que la prochaine fois nous tirerons sans avertissement.
Kern chercha sa valise dans les broussailles. Ils revinrent alors sur leurs pas en silence, à la queue leu leu. Les gendarmes marchaient derrière eux avec les lampes de poche.
PAR : Caillou
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