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par Ángeles Maestro • le 14 novembre 2021
Espagne. Le gouvernement socialiste fait de nouveaux cadeaux aux entreprises
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Le gâteau pour lequel les factions oligarchiques dominantes se battent bec et ongles est l’argent public que l’État, leur État, l’État au service du capital, met à leur disposition.
Après les attaques subies lors de la crise précédente, un nouvel assaut aux dimensions bien plus importantes est en cours de préparation, il est consciemment conçu à travers un scénario de terreur généralisée visant à minimiser nos possibilités de réponse.
Alors que l’abîme de la crise s’approfondit, le capitalisme montre sans ambages que la liberté des marchés et sa défense de la libre concurrence ne sont que de la propagande. Le gâteau pour lequel les factions oligarchiques dominantes se battent bec et ongles est l’argent public que l’État, leur État, l’État au service du capital, met à leur disposition.
Et cette énième appropriation de nos richesses, celles que la classe ouvrière produit, ce n’est pas seulement la plus-value, pas seulement les profits que nous générons pour eux en achetant leurs marchandises, c’est aussi le vol des fonds publics que nous générons avec nos impôts — payés pratiquement uniquement par les travailleurs — et nos cotisations sociales.
Les fonds de l’Union européenne comme outil de chantage
Les 2 000 pages que le gouvernement espagnol a envoyées à Bruxelles pour rendre compte des contre-réformes à entreprendre en échange des fonds de reconstruction sont secrètes.
Elles sont secrètes pour deux raisons :
— D’une part, parce qu’ils changent chaque jour en fonction des pressions exercées par ceux qui sont réellement aux commandes : l’Union européenne au nom des banques et des multinationales.
— Et surtout, parce que, comme tous les crimes contre le peuple, ils sont perpétrés dans l’obscurité, de sorte qu’il faille le plus longtemps possible pour que nous les découvrions.
Il se passe exactement la même chose qu’en 2011. Alors que « notre » dette augmentait et que les signaux d’alarme retentissaient, le gouverneur de la Banque centrale européenne et le gouverneur de la Banque d’Espagne, le social-démocrate Fernández Ordóñez, ont écrit une lettre secrète au Premier ministre, le très « progressiste » Zapatero, le menaçant, sous peine de ne pas acheter les obligations de la dette publique, de réduire les pensions et les droits des travailleurs et de réduire et privatiser -— encore plus — les services publics tels que la santé et l’éducation. Le gouvernement du Parti socialiste a non seulement fait ce qu’on lui demandait, mais en plein mois d’août et en l’espace d’une semaine, avec le soutien du Parti populaire, il a réformé la sacro-sainte Constitution pour faire passer le paiement de la dette avant tout besoin social. Il faut rappeler que cette dette a été construite sur la base d’un transfert massif d’argent public vers les banques et d’une réduction des impôts pour les grandes entreprises.
Aujourd’hui, l’histoire se répète : le Plan de choc approuvé au début de l’été dernier, entre autres mesures, a mis 100 milliards d’euros à la disposition des banques, à travers lesquels l’État s’est porté garant de la dette de toutes les entreprises et des travailleurs indépendants qui ont fait faillite et n’ont pas pu rembourser les prêts demandés aux banques.
En outre, à la fin du mois de juillet, 40 milliards d’euros supplémentaires ont été annoncés. Il a récemment été rapporté qu’en effet, une grande partie de ces crédits n’ont pas été payés, et qu’ils seront comptabilisés comme déficit public.
Avec une dette de 125 % du PIB, conséquence d’une économie en plein effondrement, due à la crise et au pillage des richesses, les vampires de l’Union européenne font pression pour que toutes sortes de contre-réformes soient appliquées afin que la classe ouvrière et les PME paient pour l’énorme crise engendrée par le capitalisme lui-même.
Face à ces agressions, le gouvernement du PSOE et de Unidas Podemos, comme auparavant celui de Zapatero, se soumet sans se plaindre et prépare une énième attaque contre la classe ouvrière et les couches populaires.
Bien que, comme je l’ai dit, l’opacité sur les réformes demandées soit totale, il y a déjà suffisamment d’indications pour connaître le scénario du drame qui s’annonce, qui sera en gros le suivant :
1. Où iront les fonds européens ?
Les fonds européens, ces 140 milliards d’euros, iront à la « reconversion verte » et à la « digitalisation ». L’Union européenne a décidé, et le gouvernement a accepté, que ce soient « nos » priorités.
Les besoins sociaux urgents : logement, santé, éducation, protection sociale, précarité, etc., ou la planification démocratique de l’économie après l’effondrement du tourisme et de la construction, ne comptent absolument pas.
2. Qui les recevra ?
Nous ne savons pas exactement comment ils seront distribués, mais c’est un secret de polichinelle que les 140 milliards seront distribués aux requins de l’Ibex (l’équivalent espagnol du CAC 40), cette fois déguisés en « verts », en écologistes. Et ce sera le cas, car on sait que tant la réforme des administrations publiques et de la procédure administrative — pour accélérer les procédures d’accès aux Fonds — que les critères de distribution ont été élaborés par des bureaux juridiques liés à la CEOE (Confédération espagnole des organisations entrepreneuriales). Ils conçoivent et le gouvernement signe.
3. Quel sera le montant alloué à la santé ?
Pendant la pandémie, au milieu des applaudissements et des louanges, nous avons vu de quoi il s’agissait. Toutes les dépenses supplémentaires causées par la pandémie sont systématiquement allées dans les poches des particuliers. Rien pour embaucher plus de personnel ou renforcer la santé publique.
Les maigres fonds qui seront alloués à la santé représentent 1,5 %, soit un peu plus d’un milliard d’euros, qui iront aux « partenariats public-privé », le nouvel euphémisme pour la privatisation.
Le ministre de la Santé, en pleine pandémie, a eu l’impudence de présider un événement financé par l’industrie pharmaceutique sur « La santé du futur » où il n’y avait pas d’autres horizons que cette « collaboration » qui consiste à vampiriser les fonds publics par l’entreprise privée.
4. Que va-t-il se passer avec la digitalisation ?
La digitalisation, comme toute autre technique, dépend des mains dans lesquelles elle se trouve et de l’objectif pour lequel elle est utilisée. La digitalisation augmente considérablement la productivité du travail, c’est-à-dire que la même quantité de travail est produite en moins de temps. La digitalisation, logiquement, dans un pays où le taux de chômage est si élevé, devrait servir à réduire la journée de travail et à répartir le travail, évidemment sans réduire les salaires, étant donné qu’il y a d’énormes augmentations de la plus-value — les salaires non payés — qui sont appropriées par l’employeur.
La digitalisation, logiquement, dans un pays où le taux de chômage est si élevé, devrait servir à réduire la journée de travail et à répartir le travail, évidemment sans réduction des salaires, étant donné qu’il y a d’énormes augmentations de la plus-value appropriée par l’employeur.
Ce sera l’inverse. Le patronat, la réforme du travail n’étant pas abrogée dans la énième rupture du pacte gouvernemental, s’apprête à réduire les effectifs (voir ce qui s’est passé avec le secteur bancaire) et à augmenter la journée de travail (en Grèce, ils ont l’intention de la porter à 10 heures). En outre, il ne faut pas oublier que la principale utilisation de la numérisation est la « Défense », c’est-à-dire l’amélioration des armes pour la répression des travailleurs et le massacre des peuples.
Mais cela ne s’arrête pas là.
Qui paiera pour ce que « nos » multinationales recevront des fonds européens ?
Tout est conçu pour être payé par nous. Nous ne savons pas encore tout, mais ils ont déjà fait des progrès :
1º La moitié de ces 140 000 millions d’euros sera payée sous forme de Dette, c’est-à-dire avec des coupes dans les dépenses publiques, en réduisant le personnel, les salaires et les ressources des services publics. Cela fera d’une pierre deux coups : les banques, qui sont nos créancières, s’engraisseront pour la énième fois, et les services publics s’effondreront au profit du secteur privé.
2º Le gouverneur de la Banque d’Espagne l’a annoncé il y a quelques jours : la classe ouvrière devra payer ses propres indemnités de licenciement et allouer une autre partie de son salaire à un fonds de pension privé afin d’avoir une pension qui lui permette de vivre (une mission impossible après les coupes qu’ils prévoient de nous imposer). C’est ce qu’on appelle le sac à dos autrichien. L’affaire est rondement menée : on vide les caisses de la Sécurité sociale construite avec notre argent et, comme il n’y a pas d’argent, dit-on, on impose un financement supplémentaire aux assurances privées.
3º De plus, comme ils sont « verts », « écologistes » et préoccupés par le changement climatique, ils vont réformer les impôts. Et comment vont-ils le faire ? En faisant payer les entreprises polluantes, comme les incinérateurs, qui ont des impacts terribles sur la santé de leurs travailleurs et de la population environnante ? Pas du tout. Ils vont introduire de nouveaux impôts indirects, c’est-à-dire des impôts que nous payons tous de manière égale, riches et pauvres, comme les péages d’autoroute ou les taxes sur le diesel des voitures.
A présent, l’intrigue devrait être claire. Ils entendent continuer à détruire la vie de la classe ouvrière et des petits et moyens entrepreneurs, tandis que les banquiers et les propriétaires de multinationales amassent des fortunes toujours plus grandes. Et les gouvernements, quelle que soit leur couleur, les servent sans se plaindre.
Ils entendent continuer à détruire la vie de la classe ouvrière et des petits et moyens entrepreneurs, tandis que les banquiers et les propriétaires de multinationales amassent des fortunes toujours plus grandes.
Ángeles Maestro
Médecin, technicien supérieur en santé publique. Ancien membre du Parlement, porte-parole de la santé au Congrès.
Traduction : Daniel Pinós
Article publié par le journal libertaire El Salto diario
PAR : Ángeles Maestro
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