Antiracisme > Des sans-papiers en grève pour leur dignité
Antiracisme
par Christophe • le 5 juillet 2021
Des sans-papiers en grève pour leur dignité
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Depuis janvier, des travailleurs et travailleuses sans-papiers ont décidé d’occuper l’église du Béguinage
Maudites soient les encres nationalistes et capitalistes qui tracent les contours de la société dans laquelle nous vivons. Précisons : il s’agit en l’occurrence de la Belgique, libre à chacune, à chacun d’adapter selon les réalités politiques, sociales et culturelles propres à sa localisation géographique. Nous savons bien qu’il faut composer entre la société que nous, anarchistes, appelons de nos vœux, et celle qui existe, avec ses quelques traits positifs et ses nombreux travers. Nous savons bien qu’il y aurait cent choses à dire, sur la légalité, le pouvoir exorbitant des États de décider de « qui » est légal et « qui » ne l’est pas... Dans une société sans État, sans frontière, il n’y aurait pas à quémander de régularisation ou de reconnaissance… Mais il y a un temps pour chaque chose : ici, le temps est à l’urgence, l’heure est à la solidarité, la solution, si inadéquate pût-elle nous sembler à nous autres anarchistes, relève de la simple humanité…
Dans cette grosse bâtisse un peu prétentieuse, de chaque côté de l’allée centrale, deux centaines de lits de fortune ont été disposés à la va comme je te pousse.
C’est de la dignité.
Sur la nature de la lutte, il y aurait cent choses à dire. Ces choses, pour l’heure : du vent, au regard du combat de ces femmes et de ces hommes décidés « à aller jusqu’au bout » – à se laisser mourir de faim. Et cela pour quoi ?
Juste pour des papiers. « Des papiers ou la mort », lit-on d’ailleurs quelque part.
Une reconnaissance officielle par un État hypocrite, qui sait qu’une partie de la sacro-sainte économie repose sur le labeur de ces travailleurs et travailleuses de l’ombre.
Or qu’ont-ils, qu’ont-elles fui ? La guerre ? L’oppression ? La misère ? Et qu’importe ! Comme s’il fallait avoir assez souffert pour mériter de vivre en ce pays !… Pour nous, anarchistes et internationalistes, il est difficile de se reconnaître dans un combat qui, de facto, reconnaît et légitime le pouvoir exorbitant d’un État de disposer de la vie et de la mort d’humains. De leur octroyer un statut, de décider de qui est légal et qui ne l’est pas. Un État qui, en retour, ne daigne même pas entamer un semblant de dialogue ou de négociation. « C’est la loi. » - « On ne veut pas provoquer un appel d’air. » Triples buses, va ! Campées et campés sur vos frontières, vous continuez de fantasmer la hantise du grand remplacement, de la gauche molle à la droite dure. « Notre » pays. « Notre » culture. Eh quoi ? Ces sans-papiers vivent et travaillent depuis des années, deux ans, trois ans, dix ans, quinze ans, dans « ce » pays. Leurs enfants vont à l’école dans « ce » pays. Y a pas de « notre pays » qui tiennent, ni de « qu’ils rentrent dans leur pays ». Puisque leur pays, ils et elles y sont. Pour nous, anarchistes, ce vocabulaire n’appartient guère à nos luttes, car notre pays, c’est le monde, notre loi, c’est la liberté.
Non, cette lutte et les moyens dont elle use n’ont rien d’anarchiste. L’État opprime, l’État exploite, l’État règne. On ne quémande pas, on ne lui demande pas le droit de vivre ou d’être. Mais nous avons des papiers. Aucun, aucune de nous ne les a brûlé en un feu de joie, en disant : « Je suis libre, je me fous des papiers ! » Nous bénéficions de la sécurité sociale et des avantages d’une citoyenneté que nous n’avons ni acquises ni choisie, mais reçue, sans l’avoir réclamée. Mais nous ne la rejetons pas. Nous en jouissons. L’abîme est immense entre le monde auquel nous aspirons et le monde contre lequel nous luttons mais dans lequel nous nous résignons à vivre, le moins inadéquatement possible avec nos valeurs. Et nous avons des papiers.
Ces sans-papiers ne réclament rien d’autre que cette liberté-là. Nizar, Hassan, Mehdi… un jour peut-être vous pourrez vous dire ma concitoyenne, mes concitoyens. Je reconnais déjà en vous mes frères, ma sœur. Qui sait ? Nous lutterons peut-être alors côte à côte pour la révolution sociale. Car vous et moi, en dépit de nos différences culturelles, partageons la condition prolétaire, qui ne connaît pas de frontière.
Ironie du sort, car il faut aussi parfois tomber dans les panneaux du sentimentalisme bon teint : Nizar, Hassan, Mehdi et les autres… dans votre enclave au cœur de la capitale de ce pays qui vous accueille si mal, je me suis rarement senti aussi cordialement accueilli. Cette leçon valait bien un thé à la menthe.
Christophe, groupe Ici & Maintenant
1er juillet 2021
Maudites soient les encres nationalistes et capitalistes qui tracent les contours de la société dans laquelle nous vivons. Précisons : il s’agit en l’occurrence de la Belgique, libre à chacune, à chacun d’adapter selon les réalités politiques, sociales et culturelles propres à sa localisation géographique. Nous savons bien qu’il faut composer entre la société que nous, anarchistes, appelons de nos vœux, et celle qui existe, avec ses quelques traits positifs et ses nombreux travers. Nous savons bien qu’il y aurait cent choses à dire, sur la légalité, le pouvoir exorbitant des États de décider de « qui » est légal et « qui » ne l’est pas... Dans une société sans État, sans frontière, il n’y aurait pas à quémander de régularisation ou de reconnaissance… Mais il y a un temps pour chaque chose : ici, le temps est à l’urgence, l’heure est à la solidarité, la solution, si inadéquate pût-elle nous sembler à nous autres anarchistes, relève de la simple humanité…
Dans cette grosse bâtisse un peu prétentieuse, de chaque côté de l’allée centrale, deux centaines de lits de fortune ont été disposés à la va comme je te pousse.
C’est de la dignité.
Sur la nature de la lutte, il y aurait cent choses à dire. Ces choses, pour l’heure : du vent, au regard du combat de ces femmes et de ces hommes décidés « à aller jusqu’au bout » – à se laisser mourir de faim. Et cela pour quoi ?
Juste pour des papiers. « Des papiers ou la mort », lit-on d’ailleurs quelque part.
Une reconnaissance officielle par un État hypocrite, qui sait qu’une partie de la sacro-sainte économie repose sur le labeur de ces travailleurs et travailleuses de l’ombre.
Or qu’ont-ils, qu’ont-elles fui ? La guerre ? L’oppression ? La misère ? Et qu’importe ! Comme s’il fallait avoir assez souffert pour mériter de vivre en ce pays !… Pour nous, anarchistes et internationalistes, il est difficile de se reconnaître dans un combat qui, de facto, reconnaît et légitime le pouvoir exorbitant d’un État de disposer de la vie et de la mort d’humains. De leur octroyer un statut, de décider de qui est légal et qui ne l’est pas. Un État qui, en retour, ne daigne même pas entamer un semblant de dialogue ou de négociation. « C’est la loi. » - « On ne veut pas provoquer un appel d’air. » Triples buses, va ! Campées et campés sur vos frontières, vous continuez de fantasmer la hantise du grand remplacement, de la gauche molle à la droite dure. « Notre » pays. « Notre » culture. Eh quoi ? Ces sans-papiers vivent et travaillent depuis des années, deux ans, trois ans, dix ans, quinze ans, dans « ce » pays. Leurs enfants vont à l’école dans « ce » pays. Y a pas de « notre pays » qui tiennent, ni de « qu’ils rentrent dans leur pays ». Puisque leur pays, ils et elles y sont. Pour nous, anarchistes, ce vocabulaire n’appartient guère à nos luttes, car notre pays, c’est le monde, notre loi, c’est la liberté.
Non, cette lutte et les moyens dont elle use n’ont rien d’anarchiste. L’État opprime, l’État exploite, l’État règne. On ne quémande pas, on ne lui demande pas le droit de vivre ou d’être. Mais nous avons des papiers. Aucun, aucune de nous ne les a brûlé en un feu de joie, en disant : « Je suis libre, je me fous des papiers ! » Nous bénéficions de la sécurité sociale et des avantages d’une citoyenneté que nous n’avons ni acquises ni choisie, mais reçue, sans l’avoir réclamée. Mais nous ne la rejetons pas. Nous en jouissons. L’abîme est immense entre le monde auquel nous aspirons et le monde contre lequel nous luttons mais dans lequel nous nous résignons à vivre, le moins inadéquatement possible avec nos valeurs. Et nous avons des papiers.
Ces sans-papiers ne réclament rien d’autre que cette liberté-là. Nizar, Hassan, Mehdi… un jour peut-être vous pourrez vous dire ma concitoyenne, mes concitoyens. Je reconnais déjà en vous mes frères, ma sœur. Qui sait ? Nous lutterons peut-être alors côte à côte pour la révolution sociale. Car vous et moi, en dépit de nos différences culturelles, partageons la condition prolétaire, qui ne connaît pas de frontière.
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Christophe, groupe Ici & Maintenant
1er juillet 2021
PAR : Christophe
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