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par Elan noir le 13 juin 2021

Suivre la « voie du jaguar » de Marc Tomsin

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Ce texte étant arrivé plus tard n’a pu être intégré à la compilation "Marc Tomsin va manquer". (Le Monde libertaire)



Les chemins de notre compagnon anarchiste Marc Tomsin sont ensoleillés de tant de rencontres, de voyages, de luttes, que je n’imagine pas qu’ils s’arrêtent suite à son accident mortel à La Canée en Crète, le 8 juin dernier.




Je le vois bien suivre encore « La voie du jaguar » avec les peuples amérindiens, dans les montagnes du Chiapas.
« La voie du jaguar » est le titre d’un livre de Georges Lapierre, que Marc a publié aux Éditions Rue des Cascades à Ménilmontant, qu’il avait fondées en 2007. Dans la collection « Les livres de la jungle » dédiée aux peuples du Mexique, l’auteur relate ses conversations avec deux jeunes anarchistes de VOCAL (« Voix oaxaquègne construisant l’autonomie et la liberté »), très impliqués dans la « Commune d’Oaxaca », cette insurrection urbaine à forte participation indigène qui a fait trembler l’État mexicain pendant six mois.
« La voie du jaguar » est le nom du site qu’il a animé depuis janvier 2012 et présente ainsi :
« une passerelle vivante liée aux résistances et aux expériences passées et présentes sur toute la planète, cherchant leur cohérence dans l’autonomie du mouvement d’émancipation sociale […] une invitation au voyage et à la rencontre, de lutte à lutte, de cœur à cœur ».

Avec des étudiants de la CNT et les compagnons mexicains Jorge Hernandes (d’origine amérindienne) et Raúl Ornelas Bernal, il est à l’origine du CSPCL (« Comité de soutien aux peuples du Chiapas en lutte ») créé en janvier 1995 pour faire connaître les initiatives des communautés zapatistes, depuis l’intervention de 10 000 indigènes convergeant sur les principales villes du Chiapas le 1er janvier 1994. Il participe à des rencontres en Europe et au Mexique et notamment à leur volonté de mise en réseau de mouvements luttant pour une autre société, qui se concrétisera par la Sexta, respectant les particularités de chaque groupe : « un monde pour tous les mondes ». Le Monde Libertaire lui avait ouvert ses pages pour « Transformer le monde sans prendre le pouvoir », un entretien qu’il avait réalisé avec Jérôme Baschet.

Comment oublier que nous lui devons la création de l’émission Terre et Liberté sur Radio Libertaire. Ayant appris le rapide passage à Paris d’un compagnon anarchiste indigène d’Oaxaca en transit vers Carrare, pour le 8ème Congrès de l’IFA (Internationale des fédérations anarchistes) en juillet 2008, une réunion publique est organisée à la Librairie du Monde Libertaire, en sa présence et celle de Jorge pour la traduction. À son issue, nous avons regretté que ces échanges particulièrement intéressants n’aient pas une plus large diffusion. Nous avons donc décidé d’utiliser les ondes de la « Radio sans Dieu, ni maître, ni publicité » pour faire connaître les cultures, les luttes, les alternatives des peuples sans État (et qui n’en souhaitent pas). S’est rapidement jointe à l’animation Métie Navajo du CSPCL, qui avait noué des contacts au Mexique avec les compagnons de VOCAL. Une quarantaine d’émissions sont ainsi accessibles sur le site :
http://trousnoirs-radio-libertaire.org (rubrique « Terre et Liberté »)

Bien qu’ayant eu l’occasion de le rencontrer avant, c’est dans cette période que nous avons pu mieux connaître quelques-unes de ses « tranches de vie ».
En mai 1968 il s’investit dans le réseau des CAL (« Comités d’action lycéens ») qui, au départ, avait un fonctionnement très libertaire et reposait sur le refus de l’autorité et du gavage de cerveau de l’institution scolaire : « Le lycée Voltaire est à deux pas du Père-Lachaise et nous nous reconnaissions dans le drapeau noir des pirates, des canuts et des anarchistes ». Il acquiert rapidement une bonne expérience des manœuvres des directions trotskystes ou staliniennes pour s’accaparer la représentation du mouvement lycéen, ce qui aboutira à sa canalisation puis à sa destruction. Dans cette période, il rentre en contact avec les lycéens de la JAC (« Jeunesse anarchiste communiste », s’intéresse à leur critique de la vie quotidienne inspirée par les situationnistes, va à Nanterre rencontrer libertaires et enragés, participe au réseau ICO (« Information et correspondance ouvrières »).
Il continue son chemin en s’engageant dans le comité de quartier de la Place des Fêtes, laboratoire des luttes urbaines où les assemblées évoquaient la prise en main par les habitants de la vie collective : « J’y ai poursuivi l’apprentissage de la lutte sociale commencé dans les CAL ».
La destruction de ce quartier le conduit à Toulouse où il croise le chemin de Maria Mombiola, qui fut milicienne dans la Colonne Durrruti sur le front d’Aragon, puis exilée en France lors de la « Retirada » de juillet 1939. Elle y milite à la CNT et à la FIJL (Fédération ibérique des jeunesses libertaires), est en contact avec les groupes d’action en Espagne et crée le Centre d’archives libertaires de Toulouse. Les nombreux échanges avec Maria sur le mouvement anarchiste espagnol conduisent Marc à participer en juillet 1977 aux Journées libertaires internationales de Barcelone, pendant lesquelles le meeting de Montjuic rassemble plus de 300 000 personnes, marquant ainsi la renaissance de la CNT. Il décide de rester en Espagne et participe aux activités de divers collectifs anarchistes. Il se lie d’une très forte amitié, qui ne se démentira pas, avec Diego Camacho (« Abel Paz »), dont il a publié le premier volume des mémoires en 2020.
De retour à Paris deux ans plus tard, il devient correcteur, travaille dans les imprimeries du labeur et s’investit dans le Syndicat des correcteurs CGT, où les anarcho-syndicalistes ont une grande influence. Il est notamment chargé de la solidarité internationale.

Sa dernière « tranche de vie » l’a ainsi conduit à s’installer en 2017 dans le quartier anarchiste d’Exarcheia dans ce pays « berceau d’un autre monde », ainsi décrit par Yannis Youlountas et Raoul Vaneigem, dont Marc était très proche.

Élan Noir












PAR : Elan noir
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