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Actus anarchistes
par Nuage fou le 31 mai 2021

29 Mai, Paris, au mur des fédérés.

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La Commune, c’était il y a 150 ans – très lointain, très proche.

Et à ce moment où le communalisme libertaire émerge comme la réactualisation anarchiste adaptée à l’époque, que chacun peut entendre et comprendre, ça résonne méchant. Il fallait non pas pleurer une défaite, mais vigoureusement célébrer la détermination et les réalisations des communards. Il nous fallait être présents en nombre et faire savoir qu’à la Fédération Anarchiste notre noir n’est pas celui du deuil ; qu’il rime plutôt avec bouilloire qu’avec mouchoir !

Un coup de bain à remous


Rendez-vous donc à l’heure des poules, 9h30 à Publico. Une dizaine à empaqueter livres, autocollants et drapeaux puis transporter le tout 800 mètres plus loin sur la place de la République, pilotés au millimètre par la mandatée à l’animation de la librairie. L’anarchie c’est pas le bordel ! Sur la place, une trentaine d’organisations tiennent des stands, celui de la fédération entre l’UCL et la CNT.

Petit à petit le monde arrive, des camarades, de vieilles branches, toutes sortes de visiteurs avides de discussions et de lectures. Et la place se décore, affiches, banderoles, stickers. Jusqu’à une paire de grandes banderoles qui s’accrochent sur la statue au centre de la place. Mais voilà que ça ne plaît pas à Lallemand ! Il nous envoie une escouade d’une douzaine de bleus. On est rapidement une cinquantaine à s’incruster dans l’affaire : les accrocheurs qui ne veulent pas descendre pour se faire emballer, et les bleus qui font le siège ! Bouilloire, je disais, la pression monte direct, fallait pas grand-chose. Poitrine contre poitrine, slogans aussi, façon « Tout le monde etc. » et au final – les intellos dormaient encore – ça vire sans fioriture sur un simple « Cassez-vous ! » qui part en boucle façon mantra.
J’ai le nez dessus, ce sont des petits jeunes, manifestement pris de court mais qui veulent tenir la position, tout ce qu’on leur a appris c’est obéir ; presque envie de les protéger d’eux-mêmes. L’affrontement n’a aucun sens mais la bouilloire commence à siffler, les slogans, les cris sont plus fort. Y’en a un qui descend de la statue ; ça crée une confusion parce que les flics poussent pour l’entourer. Là, forcément ils ont tort parce que le rapport de force est pas pour eux, et que c’est la Commune, qu’on est pas là pour pleurnicher, que Paris c’est nous. Y’en a deux, façon culturistes, qui voudraient jouer les gros bras, mais ça tient pas. Chance pour eux, y’en a un qui doit avoir une lumière, ils finissent par décrocher et s’évacuer à reculons, gazeuse à la main – dont une juste devant mon pauvre nez. Mais ils ont tenté le sort trop longtemps, et leur retraite piteuse rend plus courageux une paire d’agités qui veulent chauffer deux des uniformes bêtement isolés, un homme et une femme. Au final on calme les vengeurs et les bourres rentrent dans leur camion s’enfiler un coup de Ventoline et reprendre ce qu’ils ont d’esprit. C’est dingue comme un truc peut partir en vrille sans vraiment de raison… enfin là y’en avait quand même une faut dire. Lallemand, il nous teste, on laisse rien passer. Un authentique Versaillais, limite Prussien, parachuté sur Paris pour nous faire la guerre. Mais ces pauvres jeunots envoyés au casse-pipe et qui vont dormir ce soir dans une banlieue pourrie… ça me fait penser à cette chanson : combien on vous paye, combien on vous paye, pour faire ça.

Fédé, Chiapas, Corée…


Retour au calme. Coté fédé, les parigos (et associés) étaient dans la place : Salvador Segui et Commune de Paris en force, La révolte, Louise Michel, la liaison 95, Pierre Besnard, Ivry, Gaston Leval. Des individuels aussi. On accueille avec joie des membres du groupe de Chambéry, des chapeaux ronds de La Sociale, des minots du groupe de Metz… Mais je vois bien que j’en oublie… motivés, motivés quoi !

Sur la place, une dizaine de chorales poussent le couplet. Trois jeunes Sud-coréennes groupées autour d’un énorme drapeau violet magnifiquement calligraphié. Forcément je m’intéresse… on échange en Anglais : elles sont venues en avion pour l’occasion et nous faire connaître le « Parti pour la démocratie ». Charmantes mais pas vraiment convaincantes. Mais malgré tout une bonne piqûre de rappel sur les deux faces de l’horreur des États : capitalisme et communisme. Tandis que le nord ne se remet pas du massacre de masse au napalm de sa population, de ses villes et villages, le Sud, sous la botte de l’oncle Sam, est passé de la misère la plus crasse aux buildings auto-nettoyants des Smart-cities. Mais les habitants sont tellement heureux d’y vivre qu’ils ne font plus d’enfant. On pourrait aussi parler de la K-pop Sud-coréenne qui a transformé la musique en une machine à gagner milliards et soft-power, et les artistes en marionnettes siliconées manipulées par les services marketing de labels coté en bourse. Bienvenue dans une des vitrines du capitalisme mondial.

Sur la place aussi, plusieurs groupes préparent la venue des zapatistes du Chiapas en France. Banderoles créatives et colorées comme celle de enlacezapatista.ezln.org.mx. C’est une formidable expérience que de lire les textes zapatistes ! Une puissante force poétique vitale y danse avec un pragmatisme de la survie issu de combats quotidiens. L’impression en retour qu’ici on est des buses au front bas, mécanisées, dévitalisées !

13h30 les stands se replient, pour nous direction Publico. Puis 14h départ du cortège. Pour une fois les flics sont en retrait, le cortège s’avance tranquille jusqu’au "Père La" sous un soleil radieux. Sol Invictus est avec nous ! Et en tête du cortège anar, c’est l’impressionnante banderole conçue et peinte par Juan du groupe Salvador Segui et qui avait fait son avant-première le premier mai.





Sur le déroulé du cortège, pas grand-chose à raconter a part le plaisir du chaud soleil et de longer les terrasses du 11e pleines à craquer. On était de l’ordre de 10,000 ; et à l’avant, les nécessaires banderoles renforcées du cortège de tête, façon « À l’assaut du ciel » ou encore « Thiers - Lallement, même combat ».

De Père-Lachaise en mer falaises





Au final on arrive à l’entrée du Père-Lachaise ; d’elle-même notre banderole remonte d’un cran, on la tient maintenant les bras tendus… l’émotion aussi qui monte quand on passe la porte pour avancer dans l’allée de pavés. Ouais y’a de l’émotion, et on se replonge dans cette énorme épopée parisienne, ce jaillissement de créativité, de fièvre révolutionnaire, cet espoir des ouvriers, des artisans et de ces intellectuels qui n’ont pas peur du peuple, comme parmi de nombreux autres la famille Reclus. La Force, c’est vrai, une fois de plus a fini par gagner, se venger salement. Mais on se dit, là, au milieu des tombes ; on est presque sûr ; on le sait. On est une ces vagues qui reviennent les unes après les autres, sans s’arrêter, comme au pied des infranchissables falaises de Normandie. ET à un moment, y’a une vague… Paf ! Et la falaise, elle est tombée dans la mer. Elle était minée de partout, on le savait pas, on était tellement habitués à la falaise. On sait pas pourquoi, on sait pas quand ni comment. Mais ce dont on est certain, là au milieu des tombes, c’est que l’eau, à la fin, tombe la falaise la plus haute. Lallemand et ses patrons devraient méditer ça et préparer leur retraite, plutôt que siphonner les nôtres.


JG, paléo-Finistère et mousse


Sinon je vois un groupe d’une vingtaine de Gilets Jaunes regroupés autour d’une banderole ; pas ceux qu’on connaît bien ici, de Montreuil ou Place des Fêtes, mais plutôt des banlieues nord (Montreuil c’est plus vraiment une banlieue, plutôt le prochain arrêt des fauchés du 11e… ). 24 GJ, un tiers de femmes. J’envoie une petite discussion pour voir avec un gars au beau sourire sans trop de dents pour qu’il se raconte un peu : un irréductible, sur les manifs depuis le début et encore chaque samedi. Amende et rappel à la loi pour avoir savaté un encasqué alors qu’ils essayaient de le bloquer au sol. Deux grenades dans les pieds à la grande fête de l’Arc de Triomphe de l’Acte III, en décembre 2018. Des GAV en veux-tu en voilà. C’est un retraité de l’hôpital, aide-soignant il était ; il a déchiré sa carte d’électeur et le voilà les yeux brillants, chaud comme un gamin à me faire l’éloge du bloc. Je regarde toujours les dos des Gilets, c’est la parole du peuple, rien à branler des intellos, pas besoin ; ici, les premiers vers d’un poème qui demande qu’à être continué… ou s’incarner : « Macron en prison, Castaner en enfer ». Poésie… simple… cash… comme au Chiapas on pourrait dire.

Puis on rentre ; on perd les uns, on en retrouve d’autres, en terrasse, à fatiguer leur pinte de bière. Mais voila qu’arrive en bas une drôle de procession Des bannières, des soutanes, façon fête mariale du fin fond du Finistère ou de l’Alsace-Lorraine… Momo me dit que c’est un cortège de paléo-Versaillais qui défile. Un truc de dingue !

La bière chauffera, on fonce vers ce truc insensé. Pas de contact physique, mais les mots, les cris, les gestes sont dans la place et les terrasses de Ménilmontant s’agitent comme la houle. Derrière les curés qui pressent le pas il y a peut-être 200 péquins. C’est à se tirer des balles… heureusement ils s’évaporent vite fait, et la bière veut attendre plus longtemps.

Nuage Fou

PAR : Nuage fou
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