L’écrivain américain Ray Bradbury sommeillait confortablement dans son cercueil lorsqu’un certain Jean-Luc Coudray entreprit de lui faire la lecture de ses
Chroniques terriennes. "Dis-toi bien, prévint l’auteur et dessinateur, plume régulière du mensuel
La Décroissance, que ce qui se passe sur Terre aujourd’hui rend complètement ringardes tes fameuses
Chroniques martiennes." Et Jean-Luc Coudray de mentionner l’apparition, en un laps de temps minime, d’une nouvelle technologie liée à l’informatique. Technologie dont personne ne saurait plus, oserons-nous dire, se
désesclavagiser. Ce qui pourrait s’apparenter à de la science-fiction est à l’œuvre dans tous les domaines et c’est un tout autre monde que celui que Bradbury a connu qui s’est mis en place argumente, mine de rien, Jean-Luc Coudray. Dans la trentaine de nouvelles rassemblées dans ce recueil,
Chroniques terriennes, l’auteur imagine une société future assez semblable à la nôtre, fondamentalement, si ce n’est encore plus soumise à la tyrannie de la technologie, que l’État entend contrôler, évidemment pour notre plus grand bien. «
Chers concitoyens, vous connaissez la situation actuelle. Le travail est obligatoire pour toucher les aides sociales qui remplacent maintenant les salaires. Le prélèvement des impôts à la source est également incontournable. Ainsi, votre compte en banque est crédité ou débité indépendamment de votre volonté par les versements ou retraits de l’État. » La croissance à tout prix est objectif politique, au détriment de ces petits rien qui font la joliesse de la vie. Avec humour, Jean-Luc Coudray attaque ici billes en tête une société consumériste devenue assassine d’elle-même. «
Toutes les machines espionnaient leurs usagers. Les téléphones captaient les conversations, les réveils les rythmes de vie, les compteurs électriques les usages des appareils, les compteurs d’eau les aspects de la vie intime. » Et pour parfaire le tout, «
il y avait aussi des lecteurs de pensées, conscientes et inconsciente, mais qui étaient restés à un niveau d’interprétation grossier. Les idées subtiles échappaient à l’État comme les livres difficiles à la plupart des lecteurs. »
Tout bon livre de SF ou de dystopie est à prendre au sérieux, celui-ci encore plus qu’un autre.
Thierry Maricourt
Chroniques terriennes, Jean-Luc Coudray.La Déviation, 2020.