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par Marie-Jo Pothier • le 15 mars 2021
Olympe et Louise
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Article extrait du Monde libertaire n° 1825 de février 2021
La Fédération anarchiste, à travers notamment Radio Libertaire, fait vivre la Commune, pour ce cent-cinquantième anniversaire. Période révolutionnaire au cours de laquelle une figure se détache encore et toujours : Louise Michel. Sa vie est pour nous une référence d’un idéal social. Elle avait un, deux, et plein de points communs avec une autre grande figure révolutionnaire qui a marqué tout autant son époque par ses combats et son enthousiasme à défendre la cause des femmes, Olympe de Gouges. A travers elles deux, découvrons deux grandes figures de notre histoire féministe.
Marie Gouze est née en mai 1748 à Montauban. Louise Michel est née en mai 1830 dans un petit village de la Haute-Marne, Vroncourt-la-Côte. A peine un siècle les sépare...
Toutes deux ont du « sang bleu » dans les veines : le père de Marie est Monsieur Le Franc de Pompignan, amant de sa mère. Louise est le fruit d’une liaison ancillaire entre sa mère, Marianne, servante au château de Monsieur Demahis Etienne et son fils Laurent.
Toutes deux sont le fruit d’une liaison hors mariage, très mal vue à l’époque, les enfants adultérins et hors mariage n’ayant aucun droit.
Marie fut mariée à 16 ans, à un vieux barbon qu’elle n’avait pas choisi, elle aura un fils à 17 ans et sera veuve à… 18 ans. Elle décide alors de partir pour Paris. Elle refuse d’être la veuve Aubry, le nom de son mari ; elle prend le prénom de sa mère, Olympe, et ajoute une particule ; c’est Olympe de Gouges, elle commence alors une carrière littéraire à Paris et fréquente les salons à cent lieues des convenances ! Louise devra quitter le château familial à la mort de ses père et grand-père sur ordre de la famille légitime. Devant travailler, elle devient « sous-maîtresse », c’est-à-dire institutrice. Six ans plus tard, elle part pour Paris. Parallèlement à son métier, elle écrit des poèmes qu’elle adresse à Victor Hugo, qu’elle admire et avec qui elle entretient une correspondance suivie pendant près de trente ans !
Toutes deux ont l’espoir de mener une carrière littéraire. Elles publient des romans, des pièces de théâtre, des poèmes, etc. Toutes deux les irriguent de leurs projets politiques : Louise sera présente très tôt dans le mouvement qui va conduire à la Commune. Elle s’y investit pleinement. C’est en Nouvelle-Calédonie qu’elle découvre l’anarchie avec Nathalie Le Mel, déportée politique elle aussi. Plus tard, elle donnera des conférences dans toute la France. Olympe écrit et monte ses pièces de théâtre, elle joue dans une petite troupe ; elle publie des textes politiques qu’elle affiche dans les rues de Paris pendant la Révolution à laquelle elle va participer activement.
Mais aucune des deux n’obtiendra de reconnaissance à travers leur œuvre. C’est leur rôle politique qui leur donnera une aura jamais démentie à ce jour. La société aura tôt fait de les caricaturer en les affublant de surnoms : la vierge rouge pour Louise et une réputation de courtisane pour Olympe qui refusait le mariage et qui menait une vie très libre, ce qui équivalait à la prostitution.
Sur le plan personnel, Olympe refuse de se remarier. Elle vit avec un haut-fonctionnaire de la marine. Elle n’accepte pas le mariage, forme de « tombeau de la confiance et de l’amour » pour elle ; de plus, elle devrait demander l’autorisation à son mari pour publier une œuvre, ce qu’elle refuse catégoriquement d’envisager. Pendant la Révolution, elle propose de remplacer le mariage par un « contrat social de l’homme et de la femme » et est favorable au divorce. Louise ne vivra jamais en couple. On lui prête une passion amoureuse pour Théophile Ferré. Ceci dit, elle avait des idées très affirmées sur le mariage et la prostitution : « il y a entre les propriétaires des maisons de prostitution échange de femmes comme il y a échange de chevaux ou de bœufs entre agriculteurs ; ce sont des troupeaux, le bétail humain est celui qui rapporte le plus (…) Est-ce qu’il n’y a pas de marchés où l’on vend dans la rue aux étalages des trottoirs les belles filles du peuple tandis que les filles des riches sont vendues pour leur dot ? L’une, la prend qui veut ; l’autre, on la donne à qui on veut ».
« Olympe propose d’assurer la défense de Louis Capet, considérant que tout citoyen a le droit de bénéficier d’une défense pendant son procès. Louise propose d’aller tuer Adolphe Thiers, chef des versaillais. ».
Toutes deux vivront au cœur de deux périodes qui marqueront à jamais l’Histoire : la Révolution française pour Olympe, la Commune de Paris pour Louise. Elles seront très actives pendant les événements. Olympe propose d’assurer la défense de Louis Capet, considérant que tout citoyen a le droit de bénéficier d’une défense pendant son procès. Elle sera « déboutée » au motif qu’une femme ne peut assumer une telle tâche ! Louise est une des figures principales de la Commune. Elle propose même d’aller tuer Adolphe Thiers, chef des versaillais. Elle n’est pas suivie et le projet avorte. Mais surtout, par leur engagement, elles prendront une place de premier plan. Louise s’implique totalement durant la Commune ; on la voit partout ; elle sera garde nationale, ambulancière, propagandiste, animatrice de clubs politiques... Olympe, pendant la Révolution, fait des propositions de loi, écrit des textes politiques, est présente aux réunions, affiche ses opinions sur les murs de Paris... L’une sera déportée en Nouvelle-Calédonie, l’autre décapitée pendant la Terreur.
Leur combat concerne aussi les femmes. Louise est féministe dans la mesure où l’un de ses premiers combats concerne l’instruction des femmes. Devenue anarchiste, elle poursuivra cette lutte pour les droits des femmes. Cela paraît tellement évident ! Et pourtant certains anarchistes suivaient les réflexions désastreuses de Proudhon !
Leur engagement les amènera à défendre d’autres peuples. Olympe va se battre contre l’esclavage des Noirs. Elle écrit notamment une pièce de théâtre sur ce sujet : Zamore et Mirza ou l’heureux naufrage, qui lui vaudra des menaces de mort et une lettre de cachet pour être embastillée. Elle échappera de justesse à la prison, pour cette fois. Louise rencontrera le peuple canaque lors de sa déportation en Nouvelle Calédonie. Très investie dans la pédagogie, elle fera la classe à des enfants et des adultes canaques. Elle publiera aussi les Légendes et Chansons de gestes canaques ; elle apprendra la langue kanake. Pendant la Révolution, Olympe a laissé de nombreux écrits en faveur de l’abolition de l’esclavage et l’égalité des droits noirs-blancs particulièrement les droits des enfants mulâtres, ces enfants naturels nés de la relation « illégitime » d’une mère esclave et d’un blanc. Clin d’œil à sa propre histoire ? En postface de la « déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », elle rappelle la question des Noirs, autres exclus de la condition humaine.
Leur dénominateur commun et principal, elles sont rebelles. Louise refusera de prêter serment à Napoléon III, démarche obligatoire pour être institutrice. Elle ouvrira donc des écoles alternatives, fidèles aux idées républicaines, avec des méthodes pédagogiques modernes, basées sur l’expérience et la créativité. Elle combattra portant l’habit de la garde nationale, au premier rang, pour défendre Paris pendant la Commune. Arrêtée lors de la défaite, elle déclare à ses juges : « Ce que je réclame de vous, c’est le poteau de Satory où, déjà, il faut me retrancher de la société. On vous dit de le faire. Et bien on a raison. Puisqu’il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’a droit aujourd’hui qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part, moi ! » Au pied de la guillotine, Olympe s’écriera : « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort ». Dans l’article 10 de la « déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », elle affirme : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud. Elle doit avoir celui de monter à la tribune ». Elle sera décapitée le 3 novembre 1793.
Au XXIe siècle, ces révolutionnaires sont toujours présentes par leurs messages encore actuels et même précurseurs dans nos sociétés. Pourtant la mise en actes tarde, est freinée, voire ne peut même pas être envisagée dans nombre de pays. Si Olympe et Louise étaient encore parmi nous, elles seraient devant, ensemble !
Marie-Jo Pothier
Femmes libres sur Radio libertaire - Tribune du 20 janvier 2021
Programme de l’émission relatif au 150e anniversaire de la Commune, le mercredi de 18 h 30 à 20 h 30 sur 89.4 :
- tous les premiers et troisièmes mercredis, une chronique sur une communarde ou une tribune sous forme de réflexion sur un événement ;
- tous les deuxièmes mercredis, un invité sur une thématique, ainsi en janvier sur le livre Commune de Paris 1971-2021, Toujours debout ! (H. Lenoir, F. Pian & R. Romnée), en février, sur la pièce de théâtre et le livre La Combattante et le Zouave noir (F. Belenfant), en mars, sur le livre Louise(s) (E. Valat), en avril, sur Les Femmes et la Commune de Paris (H. Hernandez), en mai, sur Les Communes de Narbonne, Limoges, Bordeaux (C. Auzias), en juin, sur Les artistes et la Commune (G. Bounoure).
Marie Gouze est née en mai 1748 à Montauban. Louise Michel est née en mai 1830 dans un petit village de la Haute-Marne, Vroncourt-la-Côte. A peine un siècle les sépare...
Toutes deux ont du « sang bleu » dans les veines : le père de Marie est Monsieur Le Franc de Pompignan, amant de sa mère. Louise est le fruit d’une liaison ancillaire entre sa mère, Marianne, servante au château de Monsieur Demahis Etienne et son fils Laurent.
Toutes deux sont le fruit d’une liaison hors mariage, très mal vue à l’époque, les enfants adultérins et hors mariage n’ayant aucun droit.
Marie fut mariée à 16 ans, à un vieux barbon qu’elle n’avait pas choisi, elle aura un fils à 17 ans et sera veuve à… 18 ans. Elle décide alors de partir pour Paris. Elle refuse d’être la veuve Aubry, le nom de son mari ; elle prend le prénom de sa mère, Olympe, et ajoute une particule ; c’est Olympe de Gouges, elle commence alors une carrière littéraire à Paris et fréquente les salons à cent lieues des convenances ! Louise devra quitter le château familial à la mort de ses père et grand-père sur ordre de la famille légitime. Devant travailler, elle devient « sous-maîtresse », c’est-à-dire institutrice. Six ans plus tard, elle part pour Paris. Parallèlement à son métier, elle écrit des poèmes qu’elle adresse à Victor Hugo, qu’elle admire et avec qui elle entretient une correspondance suivie pendant près de trente ans !
Toutes deux ont l’espoir de mener une carrière littéraire. Elles publient des romans, des pièces de théâtre, des poèmes, etc. Toutes deux les irriguent de leurs projets politiques : Louise sera présente très tôt dans le mouvement qui va conduire à la Commune. Elle s’y investit pleinement. C’est en Nouvelle-Calédonie qu’elle découvre l’anarchie avec Nathalie Le Mel, déportée politique elle aussi. Plus tard, elle donnera des conférences dans toute la France. Olympe écrit et monte ses pièces de théâtre, elle joue dans une petite troupe ; elle publie des textes politiques qu’elle affiche dans les rues de Paris pendant la Révolution à laquelle elle va participer activement.
Mais aucune des deux n’obtiendra de reconnaissance à travers leur œuvre. C’est leur rôle politique qui leur donnera une aura jamais démentie à ce jour. La société aura tôt fait de les caricaturer en les affublant de surnoms : la vierge rouge pour Louise et une réputation de courtisane pour Olympe qui refusait le mariage et qui menait une vie très libre, ce qui équivalait à la prostitution.
Sur le plan personnel, Olympe refuse de se remarier. Elle vit avec un haut-fonctionnaire de la marine. Elle n’accepte pas le mariage, forme de « tombeau de la confiance et de l’amour » pour elle ; de plus, elle devrait demander l’autorisation à son mari pour publier une œuvre, ce qu’elle refuse catégoriquement d’envisager. Pendant la Révolution, elle propose de remplacer le mariage par un « contrat social de l’homme et de la femme » et est favorable au divorce. Louise ne vivra jamais en couple. On lui prête une passion amoureuse pour Théophile Ferré. Ceci dit, elle avait des idées très affirmées sur le mariage et la prostitution : « il y a entre les propriétaires des maisons de prostitution échange de femmes comme il y a échange de chevaux ou de bœufs entre agriculteurs ; ce sont des troupeaux, le bétail humain est celui qui rapporte le plus (…) Est-ce qu’il n’y a pas de marchés où l’on vend dans la rue aux étalages des trottoirs les belles filles du peuple tandis que les filles des riches sont vendues pour leur dot ? L’une, la prend qui veut ; l’autre, on la donne à qui on veut ».
« Olympe propose d’assurer la défense de Louis Capet, considérant que tout citoyen a le droit de bénéficier d’une défense pendant son procès. Louise propose d’aller tuer Adolphe Thiers, chef des versaillais. ».
Toutes deux vivront au cœur de deux périodes qui marqueront à jamais l’Histoire : la Révolution française pour Olympe, la Commune de Paris pour Louise. Elles seront très actives pendant les événements. Olympe propose d’assurer la défense de Louis Capet, considérant que tout citoyen a le droit de bénéficier d’une défense pendant son procès. Elle sera « déboutée » au motif qu’une femme ne peut assumer une telle tâche ! Louise est une des figures principales de la Commune. Elle propose même d’aller tuer Adolphe Thiers, chef des versaillais. Elle n’est pas suivie et le projet avorte. Mais surtout, par leur engagement, elles prendront une place de premier plan. Louise s’implique totalement durant la Commune ; on la voit partout ; elle sera garde nationale, ambulancière, propagandiste, animatrice de clubs politiques... Olympe, pendant la Révolution, fait des propositions de loi, écrit des textes politiques, est présente aux réunions, affiche ses opinions sur les murs de Paris... L’une sera déportée en Nouvelle-Calédonie, l’autre décapitée pendant la Terreur.
Leur combat concerne aussi les femmes. Louise est féministe dans la mesure où l’un de ses premiers combats concerne l’instruction des femmes. Devenue anarchiste, elle poursuivra cette lutte pour les droits des femmes. Cela paraît tellement évident ! Et pourtant certains anarchistes suivaient les réflexions désastreuses de Proudhon !
Leur engagement les amènera à défendre d’autres peuples. Olympe va se battre contre l’esclavage des Noirs. Elle écrit notamment une pièce de théâtre sur ce sujet : Zamore et Mirza ou l’heureux naufrage, qui lui vaudra des menaces de mort et une lettre de cachet pour être embastillée. Elle échappera de justesse à la prison, pour cette fois. Louise rencontrera le peuple canaque lors de sa déportation en Nouvelle Calédonie. Très investie dans la pédagogie, elle fera la classe à des enfants et des adultes canaques. Elle publiera aussi les Légendes et Chansons de gestes canaques ; elle apprendra la langue kanake. Pendant la Révolution, Olympe a laissé de nombreux écrits en faveur de l’abolition de l’esclavage et l’égalité des droits noirs-blancs particulièrement les droits des enfants mulâtres, ces enfants naturels nés de la relation « illégitime » d’une mère esclave et d’un blanc. Clin d’œil à sa propre histoire ? En postface de la « déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », elle rappelle la question des Noirs, autres exclus de la condition humaine.
Leur dénominateur commun et principal, elles sont rebelles. Louise refusera de prêter serment à Napoléon III, démarche obligatoire pour être institutrice. Elle ouvrira donc des écoles alternatives, fidèles aux idées républicaines, avec des méthodes pédagogiques modernes, basées sur l’expérience et la créativité. Elle combattra portant l’habit de la garde nationale, au premier rang, pour défendre Paris pendant la Commune. Arrêtée lors de la défaite, elle déclare à ses juges : « Ce que je réclame de vous, c’est le poteau de Satory où, déjà, il faut me retrancher de la société. On vous dit de le faire. Et bien on a raison. Puisqu’il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’a droit aujourd’hui qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part, moi ! » Au pied de la guillotine, Olympe s’écriera : « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort ». Dans l’article 10 de la « déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », elle affirme : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud. Elle doit avoir celui de monter à la tribune ». Elle sera décapitée le 3 novembre 1793.
Au XXIe siècle, ces révolutionnaires sont toujours présentes par leurs messages encore actuels et même précurseurs dans nos sociétés. Pourtant la mise en actes tarde, est freinée, voire ne peut même pas être envisagée dans nombre de pays. Si Olympe et Louise étaient encore parmi nous, elles seraient devant, ensemble !
Marie-Jo Pothier
Femmes libres sur Radio libertaire - Tribune du 20 janvier 2021
Programme de l’émission relatif au 150e anniversaire de la Commune, le mercredi de 18 h 30 à 20 h 30 sur 89.4 :
- tous les premiers et troisièmes mercredis, une chronique sur une communarde ou une tribune sous forme de réflexion sur un événement ;
- tous les deuxièmes mercredis, un invité sur une thématique, ainsi en janvier sur le livre Commune de Paris 1971-2021, Toujours debout ! (H. Lenoir, F. Pian & R. Romnée), en février, sur la pièce de théâtre et le livre La Combattante et le Zouave noir (F. Belenfant), en mars, sur le livre Louise(s) (E. Valat), en avril, sur Les Femmes et la Commune de Paris (H. Hernandez), en mai, sur Les Communes de Narbonne, Limoges, Bordeaux (C. Auzias), en juin, sur Les artistes et la Commune (G. Bounoure).
PAR : Marie-Jo Pothier
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1 |
le 16 mars 2021 18:16:34 par Luisa |
Ça fait bien longtemps que le féminisme d’Olympe de Gouges et de Louise Michel est complètement dévoyé !