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par Élan noir • le 18 janvier 2021
Sécurité globale : en marche... vers la démocrature !
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Article extrait du Monde libertaire n°1823 de décembre 2020
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux », Benjamin Franklin.
Quand la police fait la loi
L’État a toujours laissé à sa police une grande latitude en contrepartie de la protection armée contre les « débordements » populaires.
Une proposition de loi « relative à la sécurité globale », fortement inspirée par le Ministère de l’Intérieur, a été déposée par le groupe LREM à l’Assemblée nationale le 20 octobre 2020 :
« L’insécurité prend aujourd’hui des formes de plus en plus variées dans le quotidien des Français », exposé des motifs.
« Cette proposition de loi soulève des risques considérables d’atteinte à plusieurs droits fondamentaux, notamment au droit à la vie privée et à la liberté d’information », Claire Hédon, « Défenseur des droits ».
Les principales dispositions pour rassurer la « France qui a peur » et « protéger ceux qui nous protègent » :
- Renforcement des pouvoirs et armes de la police municipale et des agents de sécurité privée, multiplication de l’installation de caméras (rues, immeubles, entreprises, salles de spectacle), drones de surveillance, utilisation des images en temps réel, droit pour les policiers de conserver leur arme hors des heures de travail, etc.
La forte limitation de la diffusion des images de policiers a fait beaucoup réagir :
« J’avais fait une promesse, qui était celle de ne plus pouvoir diffuser les images des policiers et des gendarmes sur les réseaux sociaux. Cette promesse sera tenue », Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur.
« Elle vise à empêcher la révélation d’affaires de violences policières illégitimes, souvent dissimulées par la hiérarchie des fonctionnaires en cause », intersyndicale de journalistes.
Les deux rapporteurs de cette loi policière :
Alice Thourot, avocate, refuse tout amendement non liberticide : « Cette disposition a été demandée par la police, il faut l’adopter telle quelle ».
Jean-Michel Fauvergue, ancien chef du GIPN puis du RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion), affirme : « nous voulons que les agents ne soient plus identifiables du grand public » et « critiquer la police, c’est critiquer la France » .
Souriez, vous êtes fichés !
→ Un rapport parlementaire de 2010, « La sécurité partout et pour tous », énumère déjà les « solutions innovantes » dont la police doit se doter : « mini-drones d’observation, vidéoprotection intelligente, fouille des données sur internet, reconnaissance faciale, nouvelles technologies de biométrie... ».
→ En mai 2012 est créé par décret le fichier TAJ (Traitement des antécédents judiciaires), regroupant les « personnes surveillées » par la police nationale ou la gendarmerie, avec la possibilité nouvelle de contenir « toute photographie comportant des caractéristiques techniques permettant de recourir à un dispositif de reconnaissance faciale ». La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) alerte alors sur les « risques importants pour les libertés individuelles ».
En 2018, le TAJ contient 18,9 millions de « personnes mises en cause » dont 8 millions de photos, prises dans un commissariat, collectées sur internet ou à l’occasion d’un contrôle dans la rue.
→ Depuis 2005 le passeport biométrique européen intègre une puce qui contient une photo du visage intégrée à un fichier TES (« Titres électroniques sécurisés ») créé pour l’occasion, comprenant notamment cette « image numérisée du visage ». En mars 2012, une loi le fusionne avec le fichier « cartes d’identité » et ses photos, ce qui est censuré par le Conseil Constitutionnel, puis remis en place dans un décret d’octobre 2016 par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.
Son utilisation ne prévoyant pas la reconnaissance faciale, la police a tout loisir de copier la photo d’une personne du TES dans le TAJ.
La police peut consulter ces fichiers pour « défendre les intérêts fondamentaux de la nation » : « atteintes à la forme républicaine des institutions », « violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique », « participation à un attroupement après les sommations », « organisation de manifestations interdites ou non-déclarées », etc.
Souriez, vous êtes filmés !
Une loi de 2016 a autorisé les policiers et les gendarmes à filmer leurs interventions par des « caméras-piétons ». Ces images ne pouvaient être exploitées qu’a posteriori, lorsqu’un événement particulier survenu pendant l’intervention le justifiait, ce qui pour la CNIL constituait une des « garanties essentielles » pour rendre le dispositif acceptable.
Avec la loi « sécurité globale », le policier accédera aux images qu’il a enregistrées, qui pourront aussi être « transmises en temps réel au poste de commandement », pour une analyse automatisée en temps réel. Cela permet de renseigner en direct les agents de terrain sur l’identité de manifestants fichés dans le TAJ, facilitant gardes à vue « préventives », interdiction d’accès au cortège, interpellations non-suivies de poursuite, fouilles au corps, confiscation de matériel, accusation de comportement injurieux, etc.
La loi « sécurité globale » autorise également le déploiement de drones, notamment pour surveiller les manifestations. Ces images pourront être analysées par reconnaissance faciale en temps réel. N’importe quel individu « dérangeant » repéré au cours d’une manifestation pourra être suivi à la trace et appréhendé par les forces de l’ordre : « Les drones sont utiles tant dans la conduite des opérations que dans la capacité d’identification des fauteurs de troubles », Gérard Darmanin.
Ainsi, la reconnaissance faciale en temps réel pourra toucher n’importe quel militant ou presque.
Sécurité globale partout, liberté nulle part
Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot avaient déjà présenté en septembre 2018 le rapport « D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale ».
La notion de « sécurité globale » date de quelques années, notamment d’une communication en octobre 2009 devant l’état major à l’École Militaire « Mondialisation et sécurité nationale », faite par Yves Roucaute, directeur des « Cahiers de la sécurité » et ancien Président du comité scientifique de l’Institut National des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice (INHESJ) : un État doit se donner les moyens de « prévenir risques et menaces qui se multiplient » : guerres asymétriques, crises sanitaires internationales, cybercrime, effacement des frontières, nouvelles technologies, etc. Il est absolument nécessaire de « repenser la sécurité en termes plus globaux, associant sécurité intérieure et enjeux stratégiques internationaux ».
Depuis, divers acteurs institutionnels, scientifiques, universitaires se rencontrent et réfléchissent en ce sens :
→ L’Institut sur la sécurité globale et l’anticipation (ISGA)
« L’insécurité est devenue une préoccupation majeure de nos sociétés démocratiques et urbanisées. Le citoyen attend de sa police une protection à toute épreuve que l’affaiblissement de l’État-providence peine à garantir. Il est nécessaire d’anticiper afin de mieux cibler les actions de protection et de les rendre plus efficaces ».
→ L’Institut des hautes études de la sécurité intérieure (IHESI)
Jean-Marc Berlioz, son directeur, prône un rapprochement serré entre police et militaires et propose de « percevoir les liens entre défense et sécurité en termes de coopération et de continuité ».
→ La revue Sécurité globale
Réalisée notamment par Xavier Raufer, expert en criminalité, terrorisme et insécurité urbaine, après avoir été militant d’extrême-droite dans les années 1960. On ne sera pas surpris d’y trouver Alain Bauer, conseiller de Nicolas Sarkozy et Manuel Valls sur les questions de sécurité.
→ Dossier « Théorie de la sécurité globale : rétrospective et perspectives »
En 2014, son auteur, le commandant Éric Dufès, affirme : « À tout moment, il faut s’attendre à des déséquilibres de tous ordres agitant le spectre d’une situation de crise. En raison de cette inquiétude, la sécurité, et son antonyme l’insécurité, s’invitent de plus en plus systématiquement dans les discours, les slogans, les débats politiques, les médias et les écrits scientifiques ».
Sont recommandées : « coopération des polices européennes, utilisation de systèmes de vidéosurveillance, modernisation des fichiers de police, usage de la biométrie, institutionnalisation de réserves de gendarmerie et de police ».
« La sécurité globale est l’affaire de tous, une co-production de l’État, de la société et de chaque individu. L’esprit de la population est une des clés de la sécurité globale » .
→ Police de sécurité au quotidien (PSQ)
Fin 2017, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a lancé la Police de sécurité du quotidien (PSQ) qui s’intègre dans la « sécurité globale ». Gendarmes, policiers, sécurité privée, experts consultés préconisent notamment de « rendre les condamnations judiciaires et les mesures répressives plus dissuasives, développer la coopération avec les polices municipales ; accroître la participation des habitants à leur propre sécurité ».
Réagir ?
Aujourd’hui les « forces de l’ordre » censées nous rassurer sont près de 500 000, si l’on ajoute aux policiers et gendarmes, les polices municipales (multipliées par 4 en 30 ans), les polices privées (7 % de progression par an), les militaires de l’opération Sentinelle.
Le climat actuel de peur et d’« union sacrée », soigneusement entretenu par l’État et les médias, face aux risques qui semblent s’accumuler (attentats, virus...) engage chacun à rester calfeutré chez soi, voire à utiliser la délation en bon « voisin vigilant ».
Est-il encore possible de mener des actions efficaces pour faire reculer la démocrature qui se met en place ?
PAR : Élan noir
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