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par Felip Équy • le 25 mai 2020
Œuvres sur l’immigration par André Robèr
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Article extrait du Monde libertaire n°1817 de mai 2020
J’ai rencontré André Robert (il deviendra Robèr par la suite) il y a bientôt 30 ans. C’était sur la Canebière à Marseille à l’occasion d’une manifestation contre la Guerre du Golfe. Nos drapeaux noirs nous avaient rapprochés. Depuis cette date, c’est avec un grand intérêt et une grande amitié que je m’intéresse aux créations d’André. Car cet anarchiste a de nombreuses activités : la peinture, la sculpture, l’édition, la cuisine, la poésie, l’organisation d’expositions et de rencontres d’artistes.
Il est né comme moi en 1955 à plus de 9000 kilomètres de distance. André vient de l’île de la Réunion, plus exactement d’un village situé sur les hauts plateaux. La plaine-des-Palmistes. Sa famille fait partie des Yabs, ces « petits Blancs » pauvres qui n’avaient rien de colons, même si on les appelait ainsi.
Sa langue natale est le créole mais la République lui impose le français sans prendre en compte sa culture ni celle de ses camarades. Résultat : échec scolaire. Il réussit néanmoins un concours pour entrer à l’école d’EDF. Il doit alors quitter son pays natal car on le mute en France, en « Métropole » comme disent les néo-colonisateurs.
Qu’à cela ne tienne, cet exil lui sera plutôt bénéfique. Il milite d’abord dans les rangs du Parti socialiste unifié (PSU) qui prônait l’autogestion. Ce parti lui propose des cours du soir. Il y découvre le socialisme utopique et l’anarchisme. De là à rejoindre la Fédération anarchiste, il n’y avait qu’un pas. Il s’investit à fond dans Radio libertaire. Parallèlement, il suit des cours d’arts plastiques à l’Université de Saint-Denis (du 9.3, pas de la Réunion !) et lui qui n’avait aucun diplôme, il obtient un Diplôme d’études approfondies (DEA). Il se lance alors vraiment dans la création.
Il reste de nombreuses années à Marseille et dans sa région puis s’installe à Ille-sur-Têt en Catalogne-nord. Dans sa maison du centre ancien, se trouve au rez-de-chaussée une galerie d’art, El taller Treize. Il y organise des expositions de poésie visuelle, de mail-art, d’artistes de la région… Aux côtés d’autres artistes, il s’investit dans la défense des prisonniers indépendantistes catalans.
Il est l’auteur d’environ vingt-cinq ouvrages. La plupart sont écrits en créole. Pour André, il faut absolument défendre cette langue et éviter qu’elle ne subisse le destin de toutes les langues qui étaient parlées en France (occitan, breton, basque, flamand, catalan, alsacien) et qui ont été éradiquées par l’État avec l’aide des enseignants. Le créole est vivant à la Réunion mais il est souvent méprisé par l’administration et les Zoreys, ces nouveaux arrivants qui ne font bien souvent aucun effort pour s’intéresser à l’histoire et à la culture de ce pays.
André a fondé les éditions K’A. On trouve à son catalogue (livres et disques compacts) tous les auteurs, d’hier et d’aujourd’hui, qui font vivre cette langue créole. Aujourd’hui les éditions K’A sont gérées par une nouvelle équipe. André s’occupe désormais des Éditions Paraules (Paroles en catalan).
Le recueil que publient les Éditions K’A dans leur collection Sobatkoz (Débat), Œuvres sur l’immigration, rassemble cinq livres d’André parus entre 2002 et 2016 : Carnets de retour au pays natal, Un ours sous les tropiques, D’île en Ille, Tel un requin dans les mers chaudes et Le caïman n’aime pas le froid. Ils sont presque entièrement en langue française avec des passages (peut-être difficiles à traduire) en créole. Même si l’on ne comprend pas tout, on entend avec plaisir la musicalité de cette langue. Au fil des pages, on y découvrira des thèmes d’actualité, des recettes de cuisine, des idées anarchistes tendance individualisme à la Max Stirner, un hommage à sa mère, une réflexion sur les allers et retours entre France et Réunion et beaucoup d’utopie…
Ces poèmes sont accompagnés de sept textes (Julien Blaine, Stéphane Hoarau, Carpanin Marimoutou, Daniel-Henri Pageaux) qui nous éclairent sur le parcours et l’œuvre écrite d’André Robèr.
Felip Équy
Œuvres sur l’immigration (2002-2016) par André Robèr. Suivi de André Robèr par Jean-Claude Carpanin Marimoutou. K’A, 2019. 457 pages. (Sobatkoz). 30 euros.
PAR : Felip Équy
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