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Éducation
par Marina le 4 mai 2020

Une enfance en liberté

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L’article ci-dessous, est publié sur deux mois dans le Monde libertaire papier (mai et juin). Alors que la question est posée de la réouverture ou non des écoles le 11 mai, il nous a semblé intéressant de laisser la paroles à de jeunes personnes pour qui la question ne se pose pas... [Le CRML]





En France, les personnes âgées de 3 à 16 ans sont soumises à une obligation d’instruction.



Toutefois, l’école n’est pas obligatoire, et certains jeunes ne sont pas scolarisés, mais sont instruits en famille. « Instruction en famille » est le terme officiel ; pour parler de leur vie sans école, les jeunes emploient indistinctement cette expression, ou IEF, non scolarisation, non sco, ou déscolarisation. Ils et elles sont environ 25.000 (sur environ 8 millions de jeunes personnes en âge d’obligation scolaire) [note]. Ils et elles ont une enfance en dehors des sentiers battus et sont assez peu connus du grand public. Je vous propose de rencontrer, par le biais de ces extraits d’entretiens réalisés en mars 2020, une quinzaine de jeunes de 6 à 20 ans, ayant été ou étant encore instruits en famille. Ces entretiens ne sont représentatifs que des personnes ayant bien voulu contribuer. Cet article est à prendre comme une première rencontre avec ces jeunes qui grandissent sans école.




Avec : Aidan (20 ans), Ayla (16 ans), Charlie (12 ans), Charlotte (9 ans), Colas (10 ans), Elouan (13 ans), Ewen (20 ans), Lou (10 ans), Luce (6 ans), Marius (9 ans), Maud (9 ans), Mila (7 ans), Noé (12 ans), Nore (6 ans), Pia (9 ans), Reaster (19 ans), Rosalie (7 ans), Zoé (10 ans)

C’est quoi, l’instruction en famille ?

Charlotte explique très simplement : « Ne pas aller à l’école, c’est pas si différent, c’est comme dans les week-end des autres gens. On ne va juste pas à l’école, mais on fait des choses. ». « C’est apprendre hors des murs de l’école. » (Lou).




Il y a autant de façons d’apprendre que d’enfants. Certaines familles pratiquent « l’école à la maison » et se rapprochent des pratiques scolaires, comme chez Maud : « Maman nous fait faire des activités, elle prépare des séquences, et on doit les faire ». D’autres piochent sur Internet, dans les manuels scolaires, d’autres encore s’inspirent des pédagogies alternatives, et certaines pratiquent les apprentissages informels (aussi appelés apprentissages autonomes, ou unschooling) en s’appuyant sur les intérêts des enfants, les accompagnant dans leurs projets et recherches personnels, en faisant confiance à leur curiosité et leur envie d’apprendre naturelles, et en leur proposant un environnement riche.

De nombreuses familles font un joyeux mix de tout ça, comme le dit Noé : « Pour les apprentissages, c’est un gros mélange, on fait un peu de tout, Internet, des manuels… ». Beaucoup de familles voient également leur pratique évoluer dans le temps : « Pour les apprentissages, j’ai fait de plein de manières. Plus jeune, j’ai fait du très classique, ma mère récupérait des bouquins scolaires de ses amis et on suivait le fil scolaire. Après, on a fait des cours par correspondance, mais on a arrêté (…) et on a fait de moins en moins de classique » explique Reaster.

Certains jeunes ont été scolarisés et reconnaissent des avantages à l’IEF : « À la maison, on n’est pas nombreux, alors je peux bien me concentrer, et puis maman s’occupe de moi, je peux lui poser des questions » (Colas). « À la maison, il n’y a pas de bruit (…), ça me permet d’aller à mon rythme, d’être moins stressé. » (Noé). Ayla, qui a connu quelques semaines de lycée, en a conclu que l’un des intérêts principaux de l’IEF est de pouvoir s’adapter aux enfants et à leur manière d’apprendre : « On ne peut pas apprendre à 36 personnes les mêmes choses, de la même manière, en même temps, parce qu’on n’est pas tous pareils. ». Alors chacun s’adapte, et crée ses apprentissages : « Pour le travail, on fait beaucoup au tableau ou à l’oral, on ne fait pas beaucoup d’écrit » raconte par exemple Charlie. Ayla conclut que « c’est juste un autre chemin d’apprentissage. Pas mieux, mais pas moins bien. Ce n’est pas pour tout le monde non plus. Il faut de tout pour que tout le monde soit heureux, il faut qu’il y ait le choix pour tout le monde. »
Les jeunes personnes qui ne sont pas scolarisées ont ce que peu d’autres jeunes ont : du temps. Cela leur laisse la possibilité de beaucoup jouer, et de mener à bien différents projets, selon leurs centres d’intérêt personnels. Rosalie explique : « La non-sco, ça me libère beaucoup de temps, du coup, je peux faire beaucoup plus de choses. ». Ce temps libre est rempli selon les centres d’intérêt de chacun, et ils sont évidemment très variés. Petit échantillon :
Nore : « Je peux jouer plusieurs heures à des jeux de société avec mes parents par exemple. »
Charlotte : « J’aime bien faire du foot, dessiner, lire, faire des coloriages, et puis il y a plein de choses que j’aime faire dans la vie de tous les jours. On fait des sorties aussi. Je fais tellement de choses que c’est compliqué de tout dire ! »
Marius : « Ce qui est bien, c’est qu’on peut faire des choses qu’on aime vraiment, moi je fais des grands bricolages en bois, j’ai construit un trébuchet géant et deux bateaux avec des copains et une copine ! J’aime vraiment beaucoup être dehors, pour jouer ou pour bricoler. »
Elouan : « Je fais un carnet de voyage, des jeux de société, de la physique-chimie, de la robotique, je lis, je dessine des yonkoma. ».
Mila : « Je me lève tôt le matin, je m’habille vite fait, je vais voir les brebis pour les câliner, les chouchouter. (…). Et dans la semaine, je vais au cirque je fais du cheval et du piano. »
Colas : « Je fais 3 fois par semaine de la piscine, et puis aussi du théâtre et du tennis. ».
Maud : « J’aime bien jouer ! Beaucoup ! Et je lis beaucoup aussi, Harry Potter et plein de mangas, et je fais de la musique. »
Ewen : « Quand on était plus jeunes, on allait créer des cabanes, on allait faire des grandes balades, on regardait des films ensemble en bouffant du popcorn jusqu’à 1 heure du matin alors qu’on avait 9 ans ! Je me suis intéressé très très tôt aux jeux vidéo aussi. »





Zoom sur les apprentissages auto-gérés
Parmi les jeunes que j’ai rencontrés, la plupart vivent sans suivre d’apprentissages formels, et bénéficient ainsi d’une très grande liberté. Les apprentissages autonomes reposent sur une idée simple : les humains ont une envie innée d’apprendre et de comprendre, et si on ne tue pas cet élan, les enfants apprendront tout ce qu’ils ont besoin de savoir, au fur et à mesure, sans pression inutile, et en conservant leur curiosité. Reaster illustre cette soif de comprendre : « J’ai des démangeaisons horribles quand je commence à faire quelque chose si je ne comprends pas comment ça fonctionne.».

La curiosité et les connaissances sont donc valorisées et encouragées : « Il y a un culte du savoir en IEF. (…) Pour une raison x ou y, on étale notre science, c’est juste motivant, et on est très encouragés à apprendre. C’est très naturel « hé je sais telle chose ! » « wahou ! trop cool ! », les autres impriment pas forcément, mais ça ne les fait pas chier. (…) En IEF, apprendre, c’est cool. » (Reaster).

Pour les apprentissages autonomes, pas de programme, d’emploi du temps, ni de vérification des connaissances. Charlotte explique : « On apprend par nous-mêmes, on ne fait pas de cours ou d’exercices. Moi par exemple, j’ai appris à lire et à compter toute seule. » Rosalie se souvient : « Comment j’ai su lire, ça, je m’en souviens ! C’était un soir, je regardais les lettres, et d’un coup, je me suis dit « ha ! tiens ! j’ai compris, je sais lire ! C’était un livre qui parlait d’une grue, (…) et maintenant, je sais lire des Harry Potter entiers ! ».

Les jeunes plus âgés qui ont bénéficié de cette façon de vivre en sont très heureux et en parlent avec recul. Aidan raconte : « J’ai fait du unschooling total : aucun suivi, pas de contrôle, rien. (…) Ma façon d’apprendre, c’était mes parents, mon entourage, l’ordinateur. J’ai pu me renseigner sur n’importe quoi, n’importe quand. Je n’ai pas fait ça tout le temps, parfois, je n’apprenais rien pendant des semaines, et je ne faisais que jouer, et puis ça revenait, l’envie d’apprendre, de chercher. (…) On sera toujours plus heureux et on fera toujours mieux quelque chose si on suit sa propre envie d’apprendre. »

Ayla : « Quand tu n’as jamais été forcée de travailler, tu as davantage envie de travailler. On nous dit le contraire, qu’il faut forcer et tout, mais ce n’est pas vrai, c’est l’inverse !! (…) et puis honnêtement, si tu ne bosses pas en IEF, tu n’aurais pas bossé à l’école, sauf que là, en plus, tu aurais eu des mauvaises notes, et tu te sens mal quand tu as des mauvaises notes… ».

Les sujets de prédilection des jeunes sont parfois inattendus : « J’étudie les oiseaux avec un livre sur les oiseaux et j’ai de bonnes jumelles que mon grand-père m’a offert. Des jumelles de marine. Je prends mes jumelles, mon livre, mon carnet et je vais regarder et dessiner les oiseaux qui sont autour de chez moi. » (Zoé). Et cela peut conduire à des recherches très poussées : « Si c’est l’histoire ton kiff, tu peux vraiment passer une ou deux années à ne faire que de l’histoire, c’est comme si tu faisais une école supérieure, tu peux vraiment te spécialiser. » (Reaster).

Le fait de ne « pas avoir été saturé » (Aidan) laisse intacte l’envie d’apprendre, et ne ronge pas la motivation des jeunes : « Les choses où je passe beaucoup de temps à m’entraîner, j’y arrive vraiment je trouve, et du coup, je suis contente de m’être beaucoup entraînée (…). C’est des choses qui me font vraiment envie » (Charlotte).

Les apprentissages peuvent se partager entre amis : « Dans mon groupe d’amis, il y avait une espèce d’élitisme de l’anglais, on était ensemble et on se parlait en anglais entre nous. Ça m’a motivé pour parler correctement. » (Reaster).

Quand ils en ont besoin, les jeunes peuvent être accompagnés dans leurs découvertes par d’autres personnes, qui sont là pour répondre à leurs questions et les aider dans leurs recherches : « Si je me passionne pour quelque chose, comme les chats par exemple, alors soit je demande des trucs à papa et maman, soit je regarde dans un livre. » (Charlotte).

Et rapidement, ils apprennent à travailler seuls. Reaster explique : « Petit à petit j’ai appris tout seul, je trouvais des projets tout seul, je me trouvais des devoirs tout seul. (…) Quand tu as fait toute ta scolarité en IEF comme ça, tu n’as aucune difficulté, tu ne te demandes même pas comment tu apprends, juste tu imprimes. (…) Tu apprends à apprendre seul, sans qu’on te pousse au cul. ». Ayla illustre aussi cela avec un exemple récent : « J’ai envie de bosser pour passer le Bac. (…) Alors j’ai acheté un livre qui résume tout le programme du lycée. Je regarde ça, et je me fais mes propres cours, je fais des recherches, sur chaque sujet, avec des livres, des livres scolaires, internet, je me fais des prises de notes, des topos, je me fais un cours, quoi, et puis j’essaye de mémoriser. (…) Ça me motive plus de me mettre mes objectifs moi-même. »

Les familles qui pratiquent les apprentissages informels souhaitent établir des relations plus égalitaires avec leurs enfants, non seulement sans instaurer de domination basée sur le savoir, mais de manière plus générale, elles veillent à ne pas faire preuve d’âgisme. Cela se ressent très vite, car les enfants ne mettent pas de barrière d’âge entre eux. « Comme je ne vais pas à l’école, je peux faire des câlins à mon frère, même si lui il a 9 ans et moi 6 ans. A l’école, on ne pourrait pas, parce qu’on ne serait pas dans la même classe. C’est un peu bête de séparer les gens, comme ça, à cause de leur âge… » (Luce).

Aidan raconte : « Aujourd’hui, à 20 ans, j’ai des potes de 13 – 14 ans avec qui je discute aussi bien que ceux de mon âge, vraiment, que j’aime beaucoup, et j’ai des potes de 25 – 26 ans. Quand on est déscolarisé, on a des amis de tous les âges, et ça nous donne l’opportunité d’être parfois plus matures, et parfois d’être encore un enfant dans nos jeux. Je suis très content d’avoir pu dépasser ce truc lié à l’âge. En IEF, on ne prend pas les gens pour des idiots parce qu’ils sont plus jeunes, quand on est plus jeune on a simplement vécu moins d’expériences ».

Il y a également un rapport différent aux adultes : « Sur une échelle adulte – enfant, nous à la maison on est au même niveau. Ça veut dire qu’on a autant le droit de décider que les adultes et on a autant de pouvoir qu’eux. » (Zoé). « Il n’y a pas cette peur de l’adulte. » (Reaster). « Nous, on était contents de pouvoir parler avec des adultes, alors que les autres jeunes, ils commençaient à se rebeller un peu, à pas trop aimer les adultes. (…) Ma mère a été incroyable. Tout ce qu’elle faisait, et tout ce qu’elle ne faisait pas justement, (…) entre nous il n’y avait pas ce truc de hiérarchie. » (Ewen).


La liberté de faire ce que l’on veut
Quelles que soient les occupations choisies, ce qui compte, c’est qu’elles ne sont pas imposées. Disposer librement de son temps donne un vrai sentiment d’indépendance et de pouvoir sur sa propre vie : « Avec la non-sco, je peux faire mes choses toute la journée, je ne suis pas obligée d’attendre le soir ou le week-end, je peux faire mes choses exactement quand je veux et comme je veux. (…) C’est assez rare je crois, qu’on soit libre comme nous. » (Charlotte).




Décider de son emploi du temps et de sa vie est très satisfaisant pour les jeunes personnes : Pia : « C’est important d’avoir des journées libres. Quand tu vas à l’école, tu n’as pas de temps pour toi, ou si, mais que pendant les vacances et les week-ends. Le reste du temps, tu ne peux pas faire de trucs qui te font du bien à toi. Moi je trouve que c’est important de faire des choses qui te nourrissent. (…) A quoi ça sert d’avoir des Playmobils si c’est pour y jouer qu’une fois dans le week-end ? »

Les jeunes adultes rencontrés ont tous profité d’une grande liberté, et en gardent tous de très bons souvenirs : « J’ai eu une bonne enfance, je n’ai pas été forcé (…) mes parents ont entendu beaucoup de reproches parce qu’ils me laissaient énormément de liberté, mais je leur en suis très très reconnaissant. J’ai vraiment profité de mon enfance et de mon adolescence, et j’ai l’impression que je suis pas plus débile ou moins cultivé pour autant » (Aidan).

Avoir le temps et la liberté de réfléchir sur le monde :
Les jeunes ne passent toutefois pas tout leur temps à « faire » des choses. Zoé : « Très souvent, je réfléchis à mon métier (…) Si j’étais à l’école, je ne pourrais pas y réfléchir, car j’aurais la tête pleine de mathématiques et de leçons de français ». Ewen : « On a commencé à se poser des questions assez poussées très tôt, à propos du genre pour certains, à propos de la sexualité pour d’autres, on se demandait pourquoi certaines personnes faisaient ci ou ça, on s’est intéressé à la psychologie très très tôt, (…) on s’est posé des questions un peu plus sérieuses sur le système… ».

Ce temps libre permet aux jeunes de réfléchir au monde qui les entoure, et de se construire une pensée personnelle. Ayla raconte qu’après quelques semaines au lycée, elle a vu la différence : « Le soir, ma tête était saturée. Je n’arrivais plus à discuter, de plein de trucs, comme avec ma mère. Quand tu fais des choses du matin au soir, ton cerveau n’a plus le temps de réfléchir et tu peux moins discuter, avoir tes idées ».

La liberté de penser est d’ailleurs très encouragée chez la plupart des jeunes non-sco : « J’ai des amis qui étaient au collège-lycée, et la mentalité était un peu homologuée, quoi, on t’incitait à penser comme-ci ou comme ça. On te guidait, vers une certaine forme de pensée, alors que nous, nos parents, ne nous guidaient pas.» (Ewen).

Le fait d’avoir eu ce temps pour réfléchir à soi et à la société permet aux jeunes de se positionner dans le monde : « Je n’ai pas envie de gaspiller ma vie à faire quelque chose que je ne veux pas faire, surtout en cette époque de crise climatique. C’est un peu con mais c’est vrai, c’est important de faire quelque chose qui me rend un peu heureux. J’ai grandi en profitant de ma vie et je veux continuer à faire ça. Il y a plein de gens qui disent « mais c’est pas le monde des Bisounours », OK, mais ce n’est pas une raison pour se rendre malheureux à faire des trucs de merde ! Ce n’est pas comme ça que ça marche la vie, c’est horrible cette vision ! Il y a des gens qui pensent qu’il faut préparer ses enfants à ce monde et à quel point il est pourri (…) mais c’est débile de mettre un enfant dans un environnement désagréable pour lui apprendre la vie ! Tout ce que ça laisse, c’est des séquelles et un dégoût pour tout. Ça ne marche pas cette technique. » (Aidan).


Et la socialisation ?
Reaster plante le décor : « Avoir des amis, au tout départ, c’est compliqué. (…) Il faut trouver des moyens pour que le cercle social ne soit pas trop petit. ». C’est là que les associations de familles non-sco jouent un rôle important : « Au bout d’un moment, j’ai rejoint Les Enfants d’Abord, la grosse association d’IEF, et puis ça a été carrément une nouvelle famille » (Ewen).

Des activités artistiques, culturelles, sportives, ou de simples moments de jeux sont proposés, et plusieurs semaines de rencontre sont également organisées dans l’année par les associations locales ou nationales. Marius raconte : « On fait des rencontres non-sco aussi, ça j’adore ! On est allés une semaine à Camurac, il y avait de la neige, on a fait de la luge, on était plein, c’était trop bien ! ».

Pia explique très simplement : « Pour rencontrer des gens, l’école c’est un groupe, et ben nous, on fait pareil, on se regroupe ! (…) Là, on est en Espagne, et y a un réseau de dingue !! Y a plein de gens, mais personne s’en doute ! Sur la plage, tous les mardis, y a meet up, y a 100 personnes ! On a rencontré des Allemands, des Canadiens, des Brésiliens, et même des Franco-Slovènes, il y a des gens de plein de pays ! »

Et une fois qu’on s’est fait son cercle d’amis, tout va bien ! « Je n’avais aucune intention de retourner à l’école, parce qu’il y avait beaucoup d’enfants autour de moi. » (Aidan). « Les enfants IEF, à partir de 15 ans, ils sont autant chez eux qu’ailleurs, chez leurs amis ! Et s’ils font du stop, laisse tomber, c’est encore pire !! » (Reaster).

Le rythme des rencontres amicales permet des échanges profonds entre les jeunes : « Je vois certes mes amis moins souvent, mais je les vois plus longtemps. Je pars 3 semaines, je fais une semaine chez un, une semaine chez un autre, encore une semaine chez un autre et on a vraiment du temps ensemble. Ça me convient ce mode d’amitié. » (Ayla). Souvent tissés dans la petite enfance et préservés pendant de longues années, les liens d’amitié sont solides : « On a créé des énormes liens, qui ne vont jamais se briser, et je pèse mes mots. J’ai tendance à répéter que c’est autant ma mère qui m’a élevé que mes amis qui m’ont élevé. » (Ewen).

La socialisation des jeunes non-sco semble très riche car elle n’a pas vraiment de limite et que les familles peuvent s’ouvrir en grand sur le monde. Nore explique : « Quand on est non-sco, on n’est pas obligé d’être tout le temps avec des personnes qu’on connaît déjà. ». Ainsi, on peut découvrir toutes sortes de gens, qu’ils nous ressemblent ou pas : « Il n’y a pas de groupe qui se forme par rapport aux goûts que tu as ou par rapport à ce que tu aimes, c’est vraiment la personne qui compte. (…) Je me dis que j’ai été plus confronté à l’inverse de moi que si j’étais allé à l’école. Ça m’a toujours intrigué, d’aller parler à l’inverse de moi, c’est hyper enrichissant. On n’est pas juste à côté, on se rencontre vraiment.» (Aidan). Tout comme le critère de l’âge, des goûts, ou n’importe quel autre, le critère du sexe n’est pas pertinent non plus quand il s’agit de choisir ses amis : « J’ai l’impression qu’on peut pas trop avoir de copains garçons quand on est une fille à l’école. (…) Alors que moi, je peux avoir des copains, des copines, de tout ! » (Luce).

Être hors-normes
Malgré tout, choisir l’IEF n’est pas toujours facile, car c’est un choix très minoritaire, mal connu et parfois mal compris : « C’est un choix à la Matrix : soit tu prends la pilule rouge, tu suis le même chemin que tout le monde (…) et tu ne te prends pas la tête, soit tu prends la pilule bleue, et tu te rends compte, et c’est très dur. (…) Tu vas mettre longtemps avant d’être sûr que c’est une bonne idée, parce que tu as littéralement le monde entier qui va te dire que tu vas louper ta vie. (…) Tu vas au supermarché et tu auras tout le temps quelqu’un qui va te dire « mais tu n’es pas à l’école ? » et là, tu as une grande chance que la personne te fasse une morale à la mords-moi l’nœud, qu’il faut aller à l’école, bien travailler, etc. » (Reaster).

En effet, les jeunes non scolarisés ont droit à des questionnements récurrents de la part d’inconnus qui découvrent ce choix de vie. « Ils ont la manie de nous faire un interrogatoire : « est-ce que tu sais lire ? » « est-ce que tu sais écrire ? » « faire des additions ? » « des soustractions », etc… » (Zoé). Ces questionnements remettent en doute les capacités des jeunes, et sont souvent pesants : « Énormément de gens me demandaient comment ça se passait l’IEF en général, ce que je faisais chez moi, si j’avais des amis, comment je me démerdais culturellement, etc., j’ai jamais trop trop répondu à ces questions-là, parce que j’avais l’impression d’être une bête de foire pour des gens» (Ewen).

Chacun trouve alors ses stratégies pour y faire face : certains comme Luce démontrent et argumentent, « Il y a des gens qui disent qu’on ne peut pas apprendre quand on ne va pas à l’école, mais moi, par exemple, je leur dis « 6 + 5 = 11 », comme ça, ils voient que je sais des choses, et ils arrêtent de m’embêter ! ». D’autres font le tri et sélectionnent les personnes à qui parler à cœur ouvert : « Je le dis aux gens en qui j’ai confiance, et si je vois que j’aime leur caractère. » (Charlotte). Et d’autres, comme Pia, réussissent à éviter les questions : « Des fois, expliquer à des gens pendant une heure ce que c’est la non-sco, je le sens pas, j’ai la flemme, alors je dis que je vais à l’école du village où j’habitais avant, comme ça, ils sont contents, et moi, je suis tranquille. » (Pia).

Mais la singularité est malgré tout valorisée : « Chez les non-sco, il y a une certaine culture du être soi et être différent des gens. (…) L’IEF, c’est ce qu’il y a de mieux pour le développement personnel. (…) En IEF, t’es encouragé à être spécial. C’est le mot d’ordre. » (Reaster). « Les familles sont un peu dans le style hippie-punk, le côté alternatif du monde. C’est plus mixé et y a plus de respect des différences » (Aidan).

Les jeunes notent souvent une différence par rapport au milieu scolaire, vu comme plus normatif : « À l’école, je crois qu’il y a du conformisme. Par exemple, plusieurs fois quand je discutais avec des gens, j’ai vu qu’à l’école, les garçons ne peuvent pas aimer la Reine des Neiges, non, ils aiment, mais ils se sentent obligés de dire l’inverse, et les filles, elles, elles se sentent obligées d’aimer la Reine des Neiges. Alors que moi, comme je ne vais pas à l’école, je m’en fiche complètement de l’avis des autres ! (…) Je trouve qu’on est plus libre de dire ce qu’on aime ou pas. » (Marius). Charlie explique cette situation : « Il y a moins de compétition entre les gens. Ça fait qu’ils ne se disent pas qu’il faut être tous pareil, on ne suit pas les autres, on fait plus ce qu’on veut.»

Toutes les personnes rencontrées, sans exception, ont déclaré avec vigueur être heureuses de faire (ou d’avoir fait) l’instruction en famille : « Moi, j’en suis particulièrement fier. » (Reaster) « Je suis hyper heureux d’avoir eu ça ! » (Ewen). « C’est trop bien ! » (Elouan).

Le mot de la fin : faire connaître l’IEF
Pour défendre une liberté menacée par la politique des gouvernements successifs depuis plus de 20 ans, pour avoir encore plus de copains et copines non-sco, pour des raisons politiques et sociales… de nombreux jeunes souhaitent aujourd’hui que l’instruction en famille soit mieux connue. Je leur laisse le mot de la fin.

« Ce serait bien que les mamans et les papas lisent cet article, et qu’ils le lisent à leurs enfants. Comme ça, ils pourront savoir, et ils pourront faire un choix. Parce que je crois qu’il y a peu de gens qui savent qu’on peut ne pas aller à l’école, et du coup, ils croient qu’ils sont obligés, et ils ne peuvent pas vraiment faire un vrai choix. » (Marius)

« Ce n’est pas le meilleur choix pour tout le monde, mais pour très peu de gens, c’est la bonne solution, il y a même des gens qui ne peuvent pas faire autrement. Moi, à l’école, ça aurait été un enfer, je n’aurais pas pu survivre. » (Reaster)

« Il faut que ce soit un sujet de discussion ! Comment on éduque les gens, c’est comment on fait la société, donc l’IEF, c’est hyper important à discuter ! C’est une alternative qui doit être mise en lumière et qui doit être une possibilité pour les gens. » (Aidan)

Merci aux jeunes personnes qui ont témoigné. C’était dur de couper vos récits, j’aurais voulu tout garder ! Merci de votre confiance et de vos mots, merci pour votre temps, merci pour les bons moments passés à parler avec vous. J’espère qu’il y en aura plein d’autres.

Marina, du Groupe Libertad,
avec la participation du collectif Libres Apprenants du Monde.

1Ces chiffres du Ministère de l’Éducation nationale datent de 2016-2017. Les effectifs ont changé depuis l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire en 2019 (de 6 à 3 ans) mais nous ne disposons pas de données actualisées.






PAR : Marina
Groupe Libertad (Toulouse)
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le 6 mai 2020 19:26:11 par Rouquette-Cabrera

ma fille fait l’IEF à mes petits-enfants et ça se passe bien.Au départ j’étais réfractaire mais maintenant je lui fais confiance et je fais confiance à mes petits-enfants pour s’épanouir et se construire leur savoir et leurs connaissances.