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par source inconnue • le 18 avril 2020
Entretiens à bâtons rompus avec Patrick Kipper
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A propos de Brassens
N.B: Patrick Kipper a consacré sa vie la musique. Dans ce petit entretien il évoque comment Brassens l’a inspiré. En cette période de confinement, puisqu’hélas les concerts de Publico sont reportés, faisons appel sa mémoire qui ne peut que nous interpeller.
1er entretien : A propos de Brassens
Pour moi la musique, ce n’est pas une idée commerciale.
L’argent ne peut pas être le moteur principal. Tous les artistes avec qui j’ai travaillé, ils n’avaient pas l’argent comme moteur.
Moi non plus. Même si après j’ai gagné ma vie avec la chanson et la musique. Car c’était une nécessité pour développer le côté artistique que j’avais choisi de soutenir… C’est le côté artistique et pas autrement.
Je n’ai pas travaillé avec certains artistes qui faisaient du monde dans les salles et qui avaient une démarche hyper commerciale. Même dans les milieux un peu alternatifs, il peut y avoir une démarche commerciale.
On trouve une démarche commerciale partout et pas que dans le show business.
J’ai refusé des spectacles avec des artistes qui pouvaient remplir la salle alors que moi j’avais besoin de remplir la salle aussi.
Mais je pouvais remplir la salle avec quelqu’un qui avait un message artistique qui me convenait et qui était porté à mon sens convenablement par l’artiste.
J’ai tout le temps fait ça. Pour moi ça a été toujours et chanson et anarchisme, l’un n’allait pas sans l’autre.
J’en reviens tout le temps à Brassens.
Brassens m’a vraiment guidé. Au début, je n’avais que les chansons de Brassens comme bagage culturel.
J’ai quitté l’école 14 ans, pas de livres pas de journaux la maison. Rien.
Je n’avais que les chansons de Brassens.
J’ai découvert l’anarchisme dans une de ses chansons.
Brassens m’a amené vers la littérature, il m’a fait découvrir Albert Camus.
Et puis dans les fondations de l’anarchisme, Mikhail Bakounine.
A partir de là, j’ai pu m’immiscer dans le monde culturel tout doucement comme tous les autodidactes.
Les autodidactes ils ne savent rien, ils n’ont pas de formation par l’école, ils se forment de façon très désordonnée.
Donc ça met beaucoup de temps. Ils ont des points extrêmement fort les autodidactes et plein de lacunes.
Comme ils travaillent suivant leurs schémas, c’est eux qu’ils décident.
J’en reviens à Brassens. Son rapport à l’argent est extrêmement important.
C’est l’un des fondements de l’anarchisme. Il est porté par Brassens d’une façon exceptionnelle.
Brassens met une dizaine d’années à sortir. Il a 30 ans quand ses chansons commencent marcher.
Il a juste travaillé 6 mois chez Renault. Il n’a pas vécu de ça au début pendant 10 ans.
Il n’avait pas de quoi manger une fois par jour. Il avait une paire d’espadrilles. Il avait ses chansons mais pas d’argent.
Il n’avait pas d’argent pour prendre le métro.
C’était un artiste. Brassens a tout le temps dit après : « Moi je n’aurais rien fait d’autre. Je ne serai pas devenu employé de banque. Je serai peut-être devenu bandit. Pas un bandit méchant. »
Finalement à 30 ans, ses chansons fonctionnent.
Dans les années 60, il habite tout le temps impasse Florimont dans la petite maison de Jeanne et son mari pendant les années de vache maigre. ils sont très pauvres mais ils l’hébergent.
Lui après quand il va gagner de l’argent, il va acheter la maison d’à côté et il va les regrouper et héberger son tour Jeanne.
Le confort, il s’en moque. Brassens qui est devenu une vedette en 1960 n’a pas le téléphone.
C’est le rapport qu’il a avec l’argent. Il est toujours extrêmement distant avec l’argent.
Ses disques vont se vendre. Il ne va pas chercher à chanter plus que çà.
Il vient chanter quand il a de nouvelles chansons. Il ne fait jamais de rentrée parisienne s’il n’a pas de nouvelles chansons. Il ne chante pas pour chanter.
Il a ses nouvelles chansons, il vient les présenter. Généralement, il passe longtemps, 15 jours 3 semaines, 3 mois complets à Bobino en 1976.
Après il ne chante plus pendant 3 ans. C’est Brassens.
Il aurait pu gagner 5 fois par semaine 10 000 francs par soir.
L’argent n’est pas son moteur. Son moteur, c’est la création artistique, la musique, les chansons.
Tout le temps, il aime créer les chansons. Il travaille les chansons. C’est la vie, il aime discuter avec ses copains, les copains d’abord.
Il a été militant de la fédération anarchiste. Il a été pendant un an le permanent du journal Le Monde libertaire.
Il mettait en page, il rectifiait les articles quand ils étaient mal écrits. Il faisait partie du groupe anarchiste du 14e arrondissement de Paris.
Il était impliqué dans le monde anarchiste.
Dans la philosophie anarchiste, il faut débrancher l’argent si on veut bâtir le socialisme libertaire. L’argent ce n’est pas possible.
Brassens dira « J’ai gagné beaucoup d’argent en faisant le minimum de ce que je faisais. »
Il s’est comporté de faon extraordinaire avec son entourage, notamment avec Josée Stroobants.
J’ai organisé une exposition de ses photos de Brassens la bibliothèque principale de Sevran. On a exposé pendant 5 jours. 15 personnes par jour sont venues. Josée Stroobants est venue toute la semaine.
C’est elle qui, toute sa vie, a fait les photos professionnelles de Brassens. Comme elle habitait assez loin, Brassens lui a acheté un studio [note] .
Pour Brassens, l’important, c’était ses chansons, les musiques, l’amitié, donner. Le confort était secondaire.
Avant d’aller rue Santos Dumont, qui était l’appartement où il est mort, Brassens a habité dans le même immeuble que Brel.
Mais il n’est pas resté longtemps, il ne se plaisait pas dans cet immeuble. Il n’avait personne pour faire son ménage.
Jacques Brel lui dit Je vais te présenter quelqu’un.
Au-dessus d’eux habitait Peynet le dessinateur.
Un dessinateur célèbre. Brel lui dit « qu’il y a leur femme de ménage, elle pourra peut-être travailler pour toi. »
Brassens est très connu à l’époque. Il est présenté à la femme de ménage. Elle ne connaissait pas Brassens.
Après elle dit « Ah je l’ai vu à la télé ».
Elle devient sa femme de ménage, sa cuisinière. Comme elle est mal logée, Brassens lui loue gratuitement un logement. Il fera un type de contrat. Il ne lui donne pas le logement, il appartient à Brassens et ses héritiers. Mais il lui fait un contrat pour qu’elle reste locataire vie.
Il avait un rapport purement anarchiste avec l’argent.
Ça m’a beaucoup plu. J’ai cherché des artistes comme ça.
Mais bien sûr, Brassens est le maître étalon.
J’aurais passé toute ma vie avec les chansons de Brassens.
J’écoute Le parapluie depuis 50 ans.
Je ne suis pas musicien, ni rien.
Je sais reconnaître les talents particuliers, j’ai toujours su. Les notes, ça je ne sais pas.
Et je pense à Marie-Josée Vilar, c’est l’artiste principale avec qui j’ai produit au niveau discographique. C’est la seule avec qui j’ai produit des disques.
PAR : source inconnue
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