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par Hélène Hernandez le 24 novembre 2019

La peste brune contre les femmes

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Article extrait du Monde libertaire n°1810 d’octobre 2019
On ne débat pas du fascisme, on le détruit.
Buenaventura Durruti

Voilà plus de quarante ans que les féministes dévoilent que les extrêmes droites ne sont pas seulement racistes, xénophobes, antisémites mais aussi profondément sexistes, s’appuyant sur la notion de nature pour légitimer le droit à la différence [note] . Ces dernières années, que ce soit en Europe ou sur d’autres continents, le développement des extrêmes droites visent entre autres, comme tout système patriarcal, à ramener les femmes à leurs fondamentaux, ce pourquoi elles existeraient : les 3 K, Kinder, Küche, Kirche, tels que le voulait la représentation des valeurs dévolues aux femmes en Allemagne au cours du Troisième Reich. Famille traditionnelle oblige dans le discours de cette peste brune : femme au foyer, bonne épouse, mère de famille, qui « veille à la bonne marche de sa maison, elle ne mange pas le pain de la paresse. Ses fils se lèvent et la disent heureuse, son mari aussi, et il chante ses louanges », (selon les proverbes de la Bible).

Les populistes des droites extrêmes sont des réactions notamment au féminisme, et avant tout dénoncent les élites culturelles progressistes, au nom de la préservation sacro-sainte de la famille hétérosexuelle. Ils relèvent d’un électorat plutôt jeune doté d’un degré d’études moins important que d’autres électeurs, essentiellement masculin, parfois à tendance viriliste, tel le mouvement de jeunes extrémistes flamands, Schild & Vrienden, fondé par Dries Van Langenhove, aujourd’hui député fédéral [note] .

Rappelons qu’en Belgique, lors des élections du 26 mai 2019, le Vlaams Belang est devenu le deuxième parti flamand (18% des suffrages) avec 18 sièges à la Chambre soit 13 sièges de plus que précédemment. Son programme : valeurs traditionnelles, nationalistes, anti-immigration et sécuritaires. Quant aux femmes, elles ne sont que très peu présentes dans leur programme. Le mot Vrouw(en)/Femme(s) n’apparaît que cinq fois dans le texte du parti : 1/ inquiétude quant au faible taux de natalité des Flamandes, 2/ port du voile considéré contraire aux valeurs occidentales telles que les libertés individuelles et l’égalité des hommes et des femmes (ah bon, égalité ?), 3/ revalorisation des allocations familiales, 4/ lutte contre la délinquance sexuelle, le viol et la pédophilie mais surtout pour assurer la sécurité intérieure des Flamands contre l’immigration responsable de tous ces crimes et 5/ baisse des subventions publiques pour les études de genre. Ainsi apparaissent deux lignes de force, la défense du peuple flamand et la figure de l’immigré comme profiteur et source de troubles internes. Ils en arrivent même à défendre les homosexuels pour mieux critiquer les musulmans. Ils prônent aussi les alarmes bruyantes pour protéger en particulier les femmes, les instrumentalisant au profit d’une politique sécuritaire.





Sans faire le tour de tous les pays, relevons quelques-uns d’entre eux en Europe. Le Premier ministre Viktor Orbán en Hongrie travaille à chasser les femmes de la sphère publique pour les cantonner à leur super-rôle de mère et d’épouse. Le 25 avril 2011, la nouvelle Constitution, « Loi fondamentale de la Hongrie », crée la controverse dans les pays occidentaux, notamment en raison de références aux racines chrétiennes et à l’histoire millénaire du pays, de l’affirmation du seul mariage entre un homme et une femme et de la protection de la vie dès son commencement. L’article qui prévoyait « un salaire égal pour un travail égal » est supprimé et le droit de grève restreint. La nouvelle Constitution entre en vigueur le 1er janvier 2012. Depuis, sa politique intransigeante face à la « crise migratoire » fait tache d’huile en Autriche et dans les pays d’Europe centrale. Elle lui offre un rapprochement d’un certain nombre de mouvements d’extrême droite européenne, mais son parti, le Fidesz-Union civique hongroise, reste membre du Parti populaire européen (PPE). En Espagne, le droit à l’avortement est toujours très limité, en particulier pour les mineures. En Pologne, bigoterie et conservatisme attaquent les droits sexuels et reproductifs des femmes. Les partis au pouvoir, main dans la main avec l’Église, ont encore plus restreint le droit à l’avortement qu’il ne l’était : il est devenu impossible depuis 2018, les nouvelles législations prévoyant son interdiction totale, selon Natasza Quelvennec, co-fondatrice de Democracy is Ok, Collectif de polonais vivant en France, interviewée le 3 juillet 2019 dans l’émission de Femmes libres sur Radio libertaire. Et Orbán suit le même chemin pour la Hongrie. En Italie, dès sa nomination, le 1er juin 2018, comme ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, de la Ligue du Nord, énonce clairement sa position contre l’immigration et sa volonté de mettre en place une politique sexiste en s’attaquant en priorité aux droits des femmes. Aujourd’hui en s’alliant avec Forza Italia et Frères d’Italie, il s’affiche avec des formations politiques d’extrême droite bien en phase avec la Ligue du Nord, souverainiste, populiste et identitaire.

En France, les nostalgiques de la famille traditionnelle ne désarment pas. Marion Maréchal-Le Pen a proposé de remettre en question le remboursement intégral de l’interruption volontaire de grossesse – même tancée par sa tante, Marine Le Pen ! – et les débats sur la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes lèvent les opposants. A l’initiative de Tugdual Derville, délégué général d’Alliance Vita solidaires des plus fragiles, une conférence de presse s’est tenue rassemblant 17 [note] associations (même si certaines n’avaient pu se déplacer) sur la question d’une mobilisation contre les injustices de la dérégulation éthique. Ce regroupement annonce une manifestation le 6 octobre prochain sous le label « Marchons enfants ! » - de la patrie sans doute ? – et ils entendent faire sonner leur heure de gloire ! En l’état, il juge que la réforme piétine les droits de l’enfant, que la PMA escamote le père, qu’elle brouille la filiation et crée des actes de naissance mensongers mentionnant deux mères, qu’elle instrumentalise encore plus l’embryon humain, qu’elle met en péril le respect de l’intégrité de l’espèce humaine, avec la levée des interdictions fondamentales de créer des embryons transgéniques et des embryons chimères (humain – animal).

En même temps, la pornographie et la prostitution prolifèrent et remplissent les poches si ce n’est de certains États, au moins des mafias qui gèrent la traite des êtres humains, avec la complicité des réseaux de peste brune. Puisque la femme est considérée comme un objet (mère ou pute), autant l’offrir en pâture en lui imposant actes dégradants et humiliants. « La pornographie banalise la violence faite aux femmes et fournit des scénarios, des schémas comportementaux aux agresseurs sexuels. » [note]. En Europe, mais pas seulement, l’engouement pour le patriarcat traditionnel, inspiré des religions monothéistes, se conjugue avec une idéologie toxique de violence dans l’appropriation des corps des femmes à des fins mercantiles. Pour les partis de la peste brune, « le contrôle social des femmes, et de leur corps, est un enjeu crucial pour ces partis, qui voient dans les femmes les piliers de leur ordre social conservateur ; en coulisses, l’Église est à la manœuvre, elle fournit la doctrine et les moyens intellectuels de la manipulation de masse. » (4)

Les femmes sauront-elles s’affranchir de ce sexisme vengeur, tout comme de la haine des femmes émanant tant du patriarcat que du capitalisme, tant des Églises que de la peste brune ?

Hélène Hernandez
Groupe Pierre Besnard

1)
2) D’après le journal belge féministe Axelle, n°221, septembre 2019, « Extrême droite : une ombre brune sur les droits des femmes ».
3) Notamment Alliance Vita, Les Associations familiales catholiques, l’Agence européenne des adoptés, le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine, Les Eveilleurs d’espérance, Les Familles plurielles, Famille et République, les Gavroches, La Manif pour tous, Trace ta route.
4) Christine Dalloway (2019) Le corps des femmes, champ de bataille du patriarcat, in https://revolutionfeministe.wordpress.com/2019/04/28/le-corps-des-femmes-champ-de-bataille-du-patriarcat/

PAR : Hélène Hernandez
Groupe Pierre Besnard
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Celles de 14
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1

le 11 juillet 2020 01:38:09 par Luisa

Zineb ( journaliste à Charlie Hebdo ) et Mila ( lycéenne ) condamnées à mort 24h/24 n’ont pas de manif de « Noustoutes », ni de « Metoo », ni d’associations féministes ... Trop risqué ??