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Religions et autres mythes
par Nuage Flou • le 17 avril 2019
Notre-Dame des flammes
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Peu avant 19 heures hier soir, au hasard d’une promenade de fin d’après-midi, nous distinguions une sorte de pagaille sur le pont de Sully qui relie le boulevard Saint Germain à l’île Saint Louis. Smartphones brandis à bout de bras, touristes et parisiens, bouche-bée, immortalisaient en silence le Grand Incendie. Heureusement, comme à son habitude efficace et soucieuse du bien public, voici bientôt la maréchaussée qui nous livre la bande son: puissantes sirènes, sifflets stridents, cris, ordres et contrordres jetés jusqu’au ciel. Gilets pare-balles et mitraillettes sont là, certainement pour les/nous protéger d’un danger imminent !
Une heure durant, accoudés au parapet, nous sommes scotchés, fascinés, presque sidérés par l’immensité des flammes qui se propagent sans frein, escaladant la flèche et dévorant les toits. Peu avant notre départ, des pénitents s’étaient massés ; agenouillés, chapelet en main, ils chantaient en chœur, tel un mantra, l’ode à leur dame.
Un symbole des plus puissants, Paris ne cesse de brûler. Après la Nation, place de l’Étoile, puis le Capital au Fouquet’s, l’Église à son tour sombre dans les flammes. Et ce jaune, il faut bien le dire, est bizarre, opaque et sulfureux, qui teinte la fumée. Presque peut-être comme si l’impudent nuage, bravant la fière loi anti-casseur encore à peine sèche, voulait cacher à nos yeux clairvoyants les flammes vigoureuses qui embrasent la maison du Dieu. Écrasé d’ailleurs, par l’ampleur de l’événement, Jupiter lui-même déclare forfait, annule son puppet show de 20h.
Symbole... en cette fin de carême, ce premier jour de semaine sainte, afin de préparer les dévots pour les trois grands rituels du calvaire, de la crucifixion puis de la résurrection, la volonté divine, peut-être, vient purifier ce qui reste de l’église de France, catholique apostolique et romaine. Les révélations toujours plus horribles, ne cessent de s’enchaîner, tant sur les viols des jeunes garçons, des jeunes filles, que sur les nones, dont certaines sont soumises à une prostitution qui souille et pourrit un corps qu’elles consacraient au Dieu. Entre eux, à mots couverts – mais pour combien de temps encore – les musiciens aussi évoquent les coulisses des manécanteries...
On nous rapporte même, de source sure, qu’au premier jour de ce mois un anarchiste professionnel, multi-récidiviste, se serait porté candidat à la charge suprême ; Armageddon ! Les signes s’accumulent. Tremblez pécheurs. Et pécheresses, tremblez plus encore ! Le jour du jugement approche, à grandes enjambées.
Obéissance... c’est au prêtre que nones et enfants doivent l’obéissance. Mais plus encore, c’est au Dieu lui-même que le jeune séminariste dédie ses vœux d’obéissance, de pauvreté, de chasteté. Mais hélas... ils sont bien peu nombreux, ces mystiques à l’ouïe fine qui goûtent le Verbe divin. Le Dieu reste muet... alors ce sont des hommes qui portent sa parole... il faudra leur obéir, absolument, et nous savons, anarchistes, à quel point un tel vœu est terriblement dangereux. Il aura fallu endurer des siècles de regards détournés et de paroles bâillonnées avant que la vérité enfin ne se descelle et commence peut-être à être entendue. Car il sont bien nombreux, ces pères la vertu qui œuvrent à la cacher ; leur pouvoir de silence n’a d’égal que leur hypocrisie et leur concupiscence.
C’est à guichets fermés pourtant que cet hiver à Paris, l’on jouait Tartuffe sur les Boulevards. Oublieux que dès sa sortie, strictement réservée aux Versaillais, il fut censuré par le sceptre. Ça n’est qu’au prix d’une réécriture qu’il put être joué devant le bon peuple. Deux siècle plus tard, en 1880, le Petit Parisien décide d’intégrer à ses faits divers, des chroniques cléricales consacrées aux « attentats à la pudeur » commis par des prêtres sur des enfants.
Lorsque le Dieu dicte la Loi, femmes et enfants se cachent ou se couchent.
Ou se battent !
Et si notre devise – ni Dieu ni Maître – peut paraître parfois désuète à certains, ces terribles violences toujours contemporaines disent sa pertinence.
Notre Dame... l’imposante bâtisse pourtant faisait partie de cette beauté singulière, de la magie de Paris, et parfois, il nous faut bien l’avouer c’est à peine pécher, oublieux de son signe, nous aimions contempler son image, gentiment reflétée sur un doux bras de Seine. Mais, tout s’écoule, nous a révélé Héraclite l’obscur, et ce qui est, un jour, ne sera plus ; la résistance est vaine. Et le chant des peuples des forêts, qu’au point du jour, au fond des landes, on devine parfois, nous conte silencieux que l’ombre d’Yggdrasil, de l’arbre monde, est peut-être plus douce que celle de ces murs que le Dieu nous commande d’élever. Mais c’est aussi l’occasion de mobiliser un autre enseignement de l’antiquité païenne, et l’un peut-être des plus précieux : notre défi, à nous pauvres humains, n’est pas cette lutte entre le bien et le mal, dont les religieux de tous bords veulent nous convaincre. Notre danger, notre péril, c’est l’hubris, l’excès, la démesure, la folie des puissants. Il les conduit à dominer, à exploiter toujours plus leurs semblables, abreuver de notre sang cette folle passion qu’on ne peut assouvir. Hubris, passion sans limite, la seule qui ne connaît pas la satiété.
En vérité, c’est bien l’hubris des évêques, des rois, des architectes, des artisans qui a fait s’élever la Grande Cathédrale, l’a nourrie du sang, de la sueur d’un peuple. C’est cette même démesure qui ce lundi n’a pas permis d’éteindre l’incendie quand il naissait encore.
Enfin, nous sommes en France ; patrimoine et patrie sont de la même fratrie. Faisons le vœu que le modeste « budget de la culture », déjà miné par une fascination de la conserve – pierres et musiques –, laissera quelque écus pour qu’éclose toujours la fragile fraîcheur de la création. Comme nous le répètent, les yeux humides, nos amies danseuses contemporaines, c’est chaque année un peu plus, que la création voit ses ressources se tarir, nous condamnant à la morbide répétition du même. Sans prothèse aucune, sans rien de trop, sans rien de plus, de leur seul corps, danseuses et danseurs sont pourtant uniques dépositaires et source d’une émotion sans pareille, infiniment libre, infiniment vivante. Mais de plus en plus c’est de cailloux qu’ils se nourrissent, c’est dans la rue, « au chapeau », qu’ils travaillent. Souhaitons qu’on ne leur fasse pas porter de surcroît, le poids de la reconstruction.
Nuage Flou
PS : on apprend heureusement que la famille Arnault, à égalité avec les Bettencourt, fait un don de 200 millions (petit joueurs, les Pinault se contentent de 100 !). Gageons que ces largesses financées par la sueur des travailleurs pauvres, tout comme le fut en son temps la cathédrale, ne leur ouvriront pas les portes du paradis. En effet, si l’on en croît saint Mathieu (Évangile XIX, 24) « il est plus aisé pour un chameau d’entrer par le trou d’une aiguille, que pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ».
Mais j’en vois certains qui froncent les sourcils...
Une heure durant, accoudés au parapet, nous sommes scotchés, fascinés, presque sidérés par l’immensité des flammes qui se propagent sans frein, escaladant la flèche et dévorant les toits. Peu avant notre départ, des pénitents s’étaient massés ; agenouillés, chapelet en main, ils chantaient en chœur, tel un mantra, l’ode à leur dame.
Un symbole des plus puissants, Paris ne cesse de brûler. Après la Nation, place de l’Étoile, puis le Capital au Fouquet’s, l’Église à son tour sombre dans les flammes. Et ce jaune, il faut bien le dire, est bizarre, opaque et sulfureux, qui teinte la fumée. Presque peut-être comme si l’impudent nuage, bravant la fière loi anti-casseur encore à peine sèche, voulait cacher à nos yeux clairvoyants les flammes vigoureuses qui embrasent la maison du Dieu. Écrasé d’ailleurs, par l’ampleur de l’événement, Jupiter lui-même déclare forfait, annule son puppet show de 20h.
Symbole... en cette fin de carême, ce premier jour de semaine sainte, afin de préparer les dévots pour les trois grands rituels du calvaire, de la crucifixion puis de la résurrection, la volonté divine, peut-être, vient purifier ce qui reste de l’église de France, catholique apostolique et romaine. Les révélations toujours plus horribles, ne cessent de s’enchaîner, tant sur les viols des jeunes garçons, des jeunes filles, que sur les nones, dont certaines sont soumises à une prostitution qui souille et pourrit un corps qu’elles consacraient au Dieu. Entre eux, à mots couverts – mais pour combien de temps encore – les musiciens aussi évoquent les coulisses des manécanteries...
On nous rapporte même, de source sure, qu’au premier jour de ce mois un anarchiste professionnel, multi-récidiviste, se serait porté candidat à la charge suprême ; Armageddon ! Les signes s’accumulent. Tremblez pécheurs. Et pécheresses, tremblez plus encore ! Le jour du jugement approche, à grandes enjambées.
Obéissance... c’est au prêtre que nones et enfants doivent l’obéissance. Mais plus encore, c’est au Dieu lui-même que le jeune séminariste dédie ses vœux d’obéissance, de pauvreté, de chasteté. Mais hélas... ils sont bien peu nombreux, ces mystiques à l’ouïe fine qui goûtent le Verbe divin. Le Dieu reste muet... alors ce sont des hommes qui portent sa parole... il faudra leur obéir, absolument, et nous savons, anarchistes, à quel point un tel vœu est terriblement dangereux. Il aura fallu endurer des siècles de regards détournés et de paroles bâillonnées avant que la vérité enfin ne se descelle et commence peut-être à être entendue. Car il sont bien nombreux, ces pères la vertu qui œuvrent à la cacher ; leur pouvoir de silence n’a d’égal que leur hypocrisie et leur concupiscence.
C’est à guichets fermés pourtant que cet hiver à Paris, l’on jouait Tartuffe sur les Boulevards. Oublieux que dès sa sortie, strictement réservée aux Versaillais, il fut censuré par le sceptre. Ça n’est qu’au prix d’une réécriture qu’il put être joué devant le bon peuple. Deux siècle plus tard, en 1880, le Petit Parisien décide d’intégrer à ses faits divers, des chroniques cléricales consacrées aux « attentats à la pudeur » commis par des prêtres sur des enfants.
Lorsque le Dieu dicte la Loi, femmes et enfants se cachent ou se couchent.
Ou se battent !
Et si notre devise – ni Dieu ni Maître – peut paraître parfois désuète à certains, ces terribles violences toujours contemporaines disent sa pertinence.
Notre Dame... l’imposante bâtisse pourtant faisait partie de cette beauté singulière, de la magie de Paris, et parfois, il nous faut bien l’avouer c’est à peine pécher, oublieux de son signe, nous aimions contempler son image, gentiment reflétée sur un doux bras de Seine. Mais, tout s’écoule, nous a révélé Héraclite l’obscur, et ce qui est, un jour, ne sera plus ; la résistance est vaine. Et le chant des peuples des forêts, qu’au point du jour, au fond des landes, on devine parfois, nous conte silencieux que l’ombre d’Yggdrasil, de l’arbre monde, est peut-être plus douce que celle de ces murs que le Dieu nous commande d’élever. Mais c’est aussi l’occasion de mobiliser un autre enseignement de l’antiquité païenne, et l’un peut-être des plus précieux : notre défi, à nous pauvres humains, n’est pas cette lutte entre le bien et le mal, dont les religieux de tous bords veulent nous convaincre. Notre danger, notre péril, c’est l’hubris, l’excès, la démesure, la folie des puissants. Il les conduit à dominer, à exploiter toujours plus leurs semblables, abreuver de notre sang cette folle passion qu’on ne peut assouvir. Hubris, passion sans limite, la seule qui ne connaît pas la satiété.
En vérité, c’est bien l’hubris des évêques, des rois, des architectes, des artisans qui a fait s’élever la Grande Cathédrale, l’a nourrie du sang, de la sueur d’un peuple. C’est cette même démesure qui ce lundi n’a pas permis d’éteindre l’incendie quand il naissait encore.
Enfin, nous sommes en France ; patrimoine et patrie sont de la même fratrie. Faisons le vœu que le modeste « budget de la culture », déjà miné par une fascination de la conserve – pierres et musiques –, laissera quelque écus pour qu’éclose toujours la fragile fraîcheur de la création. Comme nous le répètent, les yeux humides, nos amies danseuses contemporaines, c’est chaque année un peu plus, que la création voit ses ressources se tarir, nous condamnant à la morbide répétition du même. Sans prothèse aucune, sans rien de trop, sans rien de plus, de leur seul corps, danseuses et danseurs sont pourtant uniques dépositaires et source d’une émotion sans pareille, infiniment libre, infiniment vivante. Mais de plus en plus c’est de cailloux qu’ils se nourrissent, c’est dans la rue, « au chapeau », qu’ils travaillent. Souhaitons qu’on ne leur fasse pas porter de surcroît, le poids de la reconstruction.
Nuage Flou
PS : on apprend heureusement que la famille Arnault, à égalité avec les Bettencourt, fait un don de 200 millions (petit joueurs, les Pinault se contentent de 100 !). Gageons que ces largesses financées par la sueur des travailleurs pauvres, tout comme le fut en son temps la cathédrale, ne leur ouvriront pas les portes du paradis. En effet, si l’on en croît saint Mathieu (Évangile XIX, 24) « il est plus aisé pour un chameau d’entrer par le trou d’une aiguille, que pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ».
Mais j’en vois certains qui froncent les sourcils...
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